Danièle Bott : "Gabrielle Chanel savait qu'elle allait habiller toutes les femmes du siècle"
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Mai 2006

Danièle Bott : "Gabrielle Chanel savait qu'elle allait habiller toutes les femmes du siècle"

Journaliste et ancienne rédactrice en chef du magazine Marie France, Danièle Bott a fait du luxe son fer de.e. Dans son nouvel ouvrage, sobrement intitulé Chanel, l'auteur décrypte la personnalité hors norme de la plus grande "modiste" du XXème siècle.

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Le succès de Chanel tient avant tout à la personnalité de sa créatrice. Comment décririez-vous le personnage de Coco Chanel ?
Danièle Bott Il faut d'abord garder en tête qu'en terme de tenues, d'habillement, Coco Chanel n'a absolument rien inventé ! Elle est la créatrice d'une silhouette intemporelle mais elle n'a jamais mis au point un seul vêtement. Elle s'est toujours inspirée de ce qu'elle observait lors de ses voyages ou des modèles qui l'intéressaient pour son propre usage. Le génie de Mademoiselle Chanel résidait dans sa capacité à repenser ce qu'elle aimait.

La petite robe noire ou le tailleur en tweed sont tout de même les oeuvres de Mademoiselle...
Elle a su les imposer mais ses tailleurs en tweed étaient inspirés des modèles qu'elle avait pu découvrir lors de ses voyages en Grande-Bretagne. Quant à la petite robe noire, elle était un modèle qui lui tenait particulièrement à coeur. Orpheline, Gabrielle Chanel la portait depuis toujours. Avec le temps, elle est restée convaincue que seul le noir révèle réellement la femme. Elle a su démontrer qu'aussi simple soit-elle, la robe noire peut être métamorphosée au gré des accessoires. Gabrielle Chanel était véritablement la première styliste.

Coco Chanel a construit son empire sur une vision très personnelle de la mode : est-ce là la clé de son succès ?
Gabrielle Chanel avait des goûts et des dégoûts très sûrs. Quand elle est arrivée à Paris en tant que modiste, elle s'est.ée dans la fabrication de chapeaux. Elle détestait les chapeaux des années 1910 et a donc commencé par créer des bibis, des chapeaux cloches. Cette manière de créer, très personnelle, faisait partie d'elle. Quand elle n'aimait pas quelque chose, elle ne le réalisait pas. C'est aussi pour cela que Mademoiselle Chanel est à l'origine d'un style, plus que d'un vêtement, comme Yves Saint Laurent par exemple.
Dans le domaine de la beauté, elle créait de la même manière : elle aimait les teints hâlés par le soleil, elle créa des produits solaires ; elle ne sortait jamais sans se farder, elle inventa un rouge à lèvre facile à transporter...

Gabrielle Chanel était aussi une grande séductrice. Les hommes ont-ils eu une influence sur ses créations ?
Les hommes de sa vie ont terriblement influencé sa mode. Jusqu'en 1939 et son exil en Suisse, Gabrielle Chanel a eu beaucoup d'amants. Chacun d'entre eux a eu un impact sur ses goûts, ses styles. Balsan, qui était propriétaire de chevaux, a introduit le monde de l'équitation dans l'univers de Mademoiselle. Avec Boy Capel puis le Duc de Westminster, elle decouvrit la Grande-Bretagne, le tweed et les costumes anglais. Dimitri de Russie l'initia aux bijoux très baroques, etc. Gabrielle Chanel aimait l'amour. Elle était une très belle femme, très courtisée et sa mode s'en est ressentie.

Cette influence masculine n'est-elle paradoxale pour celle que l'on voit comme une féministe ?
Il ne faut pas oublier qu'au début de sa carrière, Gabrielle Chanel avait besoin des hommes. Avant son arrivée à Paris, elle était une simple courtisane qui se produisait dans un cabaret. Elle ne s'est installée en tant que modiste que grâce à ses protecteurs. Puis, dans les années 20, elle s'est interdit de dépendre de qui que ce soit avant de devenir elle-même richissime. Durant cette période, les hommes ont donc énormément compté, tant sur le .financier qu'émotionnel. Puis au début de la guerre, elle eu une histoire avec un allemand et fut taxée de collaborationniste, d'où son exil en Suisse. Par la suite, elle resta très solitaire. Gabrielle Chanel était un personnage très paradoxal : elle était à la fois féminine et féministe, traditionnelle et innovatrice.

Gabrielle Chanel a arrêté ses activités entre 1939 et 1953. Y'a-t-il eu un Chanel d'avant et d'après-guerre ?
En 1939, Gabrielle Chanel a laissé derrière elle un Paris bruyant, où la femme était somptueuse et la robe du soir faisait loi. A son retour de Suisse, Christian Dior était à la mode, avec son "New Look" et ses vêtements extrêmement féminins. Il a donc fallu recréer la silhouette Chanel. Rien ne fut laissé au hasard, Gabrielle Chanel était une véritable perfectionniste. C'est à cette époque que ce sont réellement imposés les codes Chanel : les fleurs, les perles, le tweed, la blouse à doublure, la chaussure à bout noir pour que l'on puisse se balader sans la salir, et évidemment le sac matelassé.

Au final, en quoi Coco Chanel a-t-elle véritablement été innovante ?
Gabrielle Chanel avait un sens inné de l'élégance et du pratique. Elle a su s'adapter aux femmes de son temps, et notamment à ces femmes aisées qui, après la Première Guerre Mondiale, ressentaient une certaine pudeur à afficher leurs richesses. Elle a également préssenti que la femme de son époque s'apprétait à changer de fonction dans la société, qu'elle allait devenir active. Mademoiselle savait qu'en créant des vêtements sobres et faciles à porter, elle habillerait les femmes du siècle.

Comment la maison a-t-elle évolué suite à la disparition de sa créatrice en 1971 ?
La maison continua à faire du tailleur sa marque de fabrique. Il y eut deux périodes très importantes. En 1978, le prêt-à-porter Chanel, dirigé par Philippe Guibourgé, qui.ccedil;a notamment les ensembles en maille. Puis l'ère Lagerfled à partir de 1983. Depuis 10 ans, Karl a donné une nouvelle dimension à la maison, en insistant terriblement sur le luxe. Il a évidemment conservé tout ce qui traditionnellement représentait Chanel, en y ajoutant une part de luxe parfois presque ostentatoire. Il a su s'éloigner de Coco, sans perdre l'identité de la maison, en la rajeunissant.

En savoir plus

Lire aussi l''interview de Coco Chanel accordée à l'émission Cinq Colonnes à la Une (1959)

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