Interview
 
12/06/2007

Lise Bartoli : "Les rituels facilitent l'enfantement"

Lise Bartoli, psychothérapeute, a étudié les rites de l'enfantement sur les cinq continents. Découvrez les us et coutumes aussi utiles que poétiques qu'elle ramenés de son tour du monde de la naissance.
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Comment avez-vous eu l'idée d'écrire l'ouvrage "Venir au monde" ?

En réalisant le "Guide des Maternités", j'ai rencontré de nombreuses sage-femmes et fréquenté pas mal d'établissements. J'ai alors appris que certaines femmes issues de communautés étrangères n'osaient pas demander d'accoucher comme elles le souhaitaient. J'ai en tête l'exemple d'une Malienne pour qui le bébé devait absolument toucher le sol au moment de la naissance. L'équipe s'est alors adaptée à la coutume... J'ai alors eu envie, par curiosité personnelle, d'en savoir plus sur les rituels qui pouvaient accompagner la conception dans le monde. Petit à petit, en amassant des connaissances, j'ai décidé d'en faire un livre qui dresserait le panorama de ces rites des années 80 à aujourd'hui.

Au cours de vos recherches, quels sont les rites qui vous ont le plus marquée ?

J'ai été impressionnée par les traditions des Diolas de Basse-Casamance au Sénégal. Premier rituel -le kanyaalen- destiné aux femmes qui ne parviennent pas à avoir d'enfant ou qui multiplient les fausses-couches. Elles sont éloignées de leur village (les femmes les kidnappent en pleine nuit !) durant plusieurs mois, parfois années et doivent subir des humiliations, entre autres, porter un surnom dépréciatif. L'objectif : que les mauvais esprits s'éloignent d'elles en raison de leur manque d'intérêt... Le taux de réussite de cette technique est impressionnant ! J'ai aussi été marquée par leur manière radicale d'exclure les hommes de tout ce qui touche de près ou de loin à la naissance. A tel point qu'il arrive qu'un père ne soit pas tenu au courant de la mort de son bébé ! En fait, concernant la place du père, tout dépend de la conception de base de l'enfantement. Lors de mes recherches j'ai pu noter l'existence de deux clans. Le premier considère que le sang maternel nourrit, façonne le bébé. Pendant neuf mois l'absence de règles le démontrent... Le père n'est donc que peu voire, pas du tout considéré comme un acteur de la grossesse. Le deuxième place le sperme au centre de la conception. La femme n'est alors qu'un "réceptacle" pour le développement du bébé. Et le père qui insuffle sa force vitale au bébé pendant neuf mois doit rester couché, se reposer. Cette couvade s'observe notamment chez les Amérindiens.

Comment accorder un crédit à ce genre de rituel ?

Il n'y a rien d'aberrant dans le fait de penser que le psychisme influence le corps et en particulier pendant la grossesse. Tous les médecins le confirmeront. La femme diola, grâce à son savoir, ses croyances, se persuade qu'elle va réussir à tomber enceinte et à mener sa grossesse à terme et cette confiance en elle l'aide incontestablement. De la même manière, dans les civilisations indiennes, les futures mamans, quand elles ressentent leurs premières contractions, font déposer près d'elles une fleur de lotus dans un vase. Celle-ci va éclore tout doucement et faciliter de manière inconsciente l'ouverture du col. Délier ses cheveux, défaire sa ceinture, ses boutons de chemise, bref, multiplier les signes de relâchement est un réflexe logique ! L'inconscient fonctionne par symbole et par métaphore. Ceux-ci agissent alors directement sur notre corps.

 
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Existe-t-il des rites communs aux cinq continents ?

Dans toutes les civilisations les mamans s'isolent avec leur bébé après l'accouchement. Ce réflexe de réclusion est destiné à protéger l'enfant des mauvais esprits. Certaines cultures préconisent de posséder près de soi du fer ou du sel, tous deux réputés comme des éléments protecteurs. Toutes les femmes, en particulier en Afrique, accèdent à un statut de déesse, du moins de reine quand l'enfant naît. Tout le monde s'affaire autour d'elles et prodiguent mille soins pour le bien-être de l'enfant. Autant dire que le baby blues souvent dû à une perte de repère et un isolement brutal n'existent pas dans les contrées lointaines. Aussi, dans 80 % des cas, les femmes optent pour la position verticale lors de l'accouchement. Plus naturelle (les lois de l'apesanteur sont indiscutables!), plus simple, cette technique facilite le travail. Encore un point commun entre les continents : partout la maternité est vécue comme un tournant. On passe de l'état de femme à l'état de mère. Toute la famille se repositionne autour de ce changement qu'on ne manque pas de matérialiser par différentes méthodes. En Afrique, toutes les affaires appartenant au passé de la nouvelle maman sont brûlées. Ici, il y a peu, on enterrait encore le placenta avant d'y planter, selon le sexe de l'enfant, un chêne ou un rosier. Enfin, l'alimentation de la femme enceinte fait l'objet de nombreux débats : tel aliment active ou au contraire retarde l'accouchement, tel autre assure d'avoir un garçon, etc...

Chez nous, il n'existe pas de rituel...

Il en existait plein mais la médicalisation de la grossesse et de la naissance a chassé des esprits toutes les croyances populaires. Dans les campagnes, on entend encore des restes de cette culture : on dit par exemple que les remontées gastriques chez une femme enceinte laissent présager la naissance d'un bébé trés chevelu... Le résultat, c'est que nombre de femmes manquent de repères à ce moment de leur vie et redoutent bien plus qu'autrefois le jour de l'accouchement. Les rites permettent de juguler les angoisses de la maternité. Ils donnent des repères auxquels s'accrocher, ils véhiculent l'histoire de la communauté et sont la preuve que d'autres avant nous ont réussi à devenir maman ! Je conseille à toutes les futures mamans d'appliquer ces petits rituels plein de poésie et de sens qui accompagnent le corps et l'esprit vers la naissance.

Comment s'y prendre ?

Je crois que les femmes doivent s'accrocher aux croyances de leurs aînées, aux symboles de leur religion ou même de leur région, à leurs propres superstitions. La magie doit revenir dans les maternités ! Elles peuvent très bien amener dans leur trousseau un grigri qui les rassure, une musique qui les détend ou un parfum d'ambiance qui leur rappelle de bons souvenirs. Chacune possède les clés de ses blocages. Elles peuvent bien sûr emprunter les symboles que j'énumère dans mon livre, la fleur (pas forcément de lotus !) qui éclôt pendant le travail me semble une tradition qui s'exporte facilement. L'iimportant étant de mettre en oeuvre des rites qui leur parlent, qui les ramènent vers leur nature profonde, leur histoire et font écho à tout leur être.

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Et toujours Le guide de la grossesse




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