La bande dessinée conquise par les filles

	Poulet au prunes, de Marjane Satrapi

Signe des temps, c'est Marjane Satrapi qui a remporté le prix du meilleur album de bande dessinée au prestigieux festival d'Angoulême qui s'est clos fin janvier. La seconde femme seulement à obtenir cette distinction en 30 ans d'existence du festival (la première fut Annie Goetzinger en 1977). Dans son album "Poulet aux prunes", on retrouve le trait incisif, le noir et blanc et les contours appuyés de cette franco-iranienne. Elle raconte cette fois l'histoire d'un de ses oncles qui se laisse dépérir, lassé de la vie.

L'autre héroïne du festival est plus gaie : il s'agit de Bécassine, qui fête cette année ses 100 ans d'existence avec un succès jamais démenti. Pour mieux la célébrer, de nombreux auteurs de BD l'ont réinterprétée à leur façon dans une série de dessins qui sera exposée dans les magasins Fnac (à Paris jusqu'au 15 février, avant de devenir itinérante). Un peu nunuche, comme modèle féminin, cette bonne cousine bretonne ? Que nenni, répond Bernard Lehembre qui lui consacre un ouvrage récent tendant à la réhabiliter comme une héroïne moderne et indépendante, qui travaille, fait du sport et pilote même autos et aéroplanes...

	Bécassine, une légende du siècle, par Bernard Lehembre

Bref, une pionnière des droits des femmes et de la BD, qui voit aujourd'hui sa descendance dans des héroïnes, mais aussi les auteurs féminins de plus en plus connus - outre Marjane Satrapi, on pense à ces jeunes pousses comme Hélène Bruller, à qui on doit l'ironique et tendre album "Je veux le prince charmant !" (chez Albin Michel), sans parler des pointures comme Claire Brétecher... Enfin, le public suit la tendance initiée par ces filles bédéphiles. Les images ne sont plus réservées à monsieur et le texte à madame... Un reportage du journal Le Parisien constate par exemple que "dans les allées du festival, on compte une femme pour deux hommes". Toutes fanas de phylactères.