Décès de Jacques Servier : les victimes du Mediator sans "coupable"

Jacques Servier, Président-Fondateur des laboratoires Servier, est décédé à l'âge de 92 ans .Sa disparition survient alors qu'un "grand procès du Mediator" visant tous les acteurs du scandale était attendu de source judiciaire dans un an environ, au 1er semestre 2015. Il se tiendra donc sans lui.

Les laboratoires Servier ont annoncé la disparition de leur Président-Fondateur par un communiqué de presse. Jacques Servier est décédé à son domicile le 16 avril 2014. Sa mort est liée à son âge et non à "une maladie particulière", a rapporté un proche.
Fils d'industriel, Jacques Servier avait racheté en 1954 pour une bouchée de pain un petit laboratoire d'Orléans, qui fabriquait un sirop contre la toux. En 1955, il lançait ses deux premières molécules et n'avait dès lors eu de cesse de faire grossir son entreprise.
Avec un chiffre d'affaires de 4,2 milliards d'euros en 2013, le groupe Servier est actuellement le deuxième laboratoire pharmaceutique français en termes de ventes, derrière le mastodonte Sanofi. Le groupe Servier est surtout sous les feux des projecteurs ces dernières années avec l'affaire du Médiator, un médicament controversé utilisé pendant 30 ans, d'abord contre l'excès de graisses du sang, puis comme traitement adjuvant chez les diabétiques en surpoids, avant d'être retiré du marché fin 2009. Il a en fait été largement prescrit pour maigrir. Utilisé par cinq millions de personnes en France, le Mediator contient une molécule coupe-faim (le benfluorex). Il est à l'origine de graves lésions des valves cardiaques et pourrait être responsable à long terme de 2.100 décès, selon une expertise effectuée dans le cadre d'une enquête judiciaire.

En 2011, Jacques Servier est mis en examen : il est accusé d'avoir caché aux autorités sanitaires françaises le caractère dangereux du Médiator. A titre personnel, il est poursuivi pour "tromperie aggravée". Sa disparition survient alors qu'un grand procès visant tous les acteurs du scandale était attendu de source judiciaire dans un an environ, au 1er semestre 2015. Il se tiendra donc sans lui.

Une première enquête porte notamment sur des faits de tromperie, d'escroquerie et de trafic d'influence. Une seconde concerne des faits d'homicides et blessures involontaires, et l'éventuelle causalité entre la prise de Mediator et les pathologies développées par chacun des plaignants.

Mme Frachon, la pneumologue brestoise qui a été la première à dénoncer les risques du Médiator, a souligné que malgré cette disparition, "la Justice ne s'arrête pas, et les victimes doivent le savoir". "Si la personne a disparu, le nom de Jacques Servier et ses collaborateurrs auront à répondre des crimes devant la Justice", a-t-elle déclaré à l'AFP, qualifiant le disparu de "manipulateur" et "d'escroc". 

 

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Jacques Servier à son procès en 2013. © Lemouton Stephane/ABACA

Retrouvez l'historique de l'affaire et des témoignages de patients victimes de ce médicament :