Mort de Florence Arthaud: récit d’une vie à flot

Elle était une aventurière, "Flo". L’une des plus grandes navigatrices au monde. Marin surdoué, Florence Arthaud aimait les défis et avait réussi à ouvrir aux femmes ce milieu réputé macho. Elle est décédée ce lundi dans un accident d'hélicoptère en Argentine. Un drame.

Florence Arthaud, 57 ans, restera à jamais la petite fiancée de l’Atlantique, vainqueur à bord de son trimaran Pierre 1er de la mythique Route du Rhum.
Présente dans province de La Rioja pour le tournage de "Dropped", la nouvelle-téléréalité de TF1, notre baroudeuse de charme a trouvé la mort dans un accident entre deux hélicoptères dans la Quebrada del Yeso.

Née le 28 octobre 1957 à Boulogne-Billancourt, dans les Hauts-de-Seine, Florence, fille de Jacques Arthaud, directeur de la maison d’édition du même nom, tourne la page des livres et participe à sa première course en solitaire à 20 ans à peine, en 1978.
Passionnée, généreuse, altruiste aussi, elle se déroute lors de sa 3e participation à la Route du Rhum en 1986 pour porter assistance au Français Loïc Caradec, qui était parti à la barre du maxi catamaran Royale. Elle retrouve le multicoque retourné mais pas Caradec, disparu comme Alain Colas avant lui. Championne des champions français pour L’Equipe, elle marque les esprits en s'imposant dans un monde d'hommes et en remportant la Route du Rhum en 1990, la plus prestigieuse des courses en solitaire entre Saint-Malo en Bretagne et Pointe-à-Pitre en Guadeloupe, face à certains des meilleurs skippers internationaux.

Personnalité haute en couleur et sans langue de bois, sorte d’al­ter ego du capi­taine Kersau­son, "Flo" fait partie de cette génération qui a surfé sur le succès, dans l’Atlantique et autour du monde, à partir des années 1970, inspirés par le maître Eric Tabarly et ses équipiers.
Comme ses glorieux prédécesseurs, cette battante est avide d'océans, évoque avec délectation leurs victoires et ne rechigne jamais à battre en brèche l’écrasante domination anglo-saxonne sur les courses de voile de l’époque. Libre et forte face aux mâles et aux vents mauvais, Florence Arthaud inspire de nombreuses autres louves de mers. Isabelle Autissier, Catherine Chabaud et bien d’autres héritières parcourent le globe dans son sillage. En 1989, alors qu’elle est au sommet de sa popularité, Pierre Bachelet lui consacre la chanson "Flo", qu’elle enregistre avec lui. Un beau duo.

Coriace. Au fil des ans, cette navigatrice dure au mal, courageuse et extraordinairement attachante ne mâche pas ses mots, à des années-lumière du politiquement correct. "Quand on a peur des icebergs, on ne fait pas le Vendée Globe", lâche-t-elle lors de la dernière course autour du monde en solitaire et sans escale à propos des "portes de glace", ces marques de parcours virtuelles au sud desquelles les navigateurs ne doivent pas descendre.

En eaux troubles. "On n’avait rien, on n’avait pas de maison, on vivait sur nos bateaux. On avait une bande de copains qui était notre famille", confie-t-elle à l’AFP. "Moi, j’ai fait ma fille à 36 ans. Avant, je n’ai pas eu une vie de femme. J’ai eu une vie de patachon"… Quitte à parfois déraper, comme en 2010, lorsqu’elle est interpellée en état d’ivresse, au volant de sa voiture, dans le Var. Dans l'inca­pa­cité de souf­fler dans l'éthy­lo­mètre, celle qui, de port en port, a écumé les bars les plus miteux et levé le coude avec les plus coriaces flibus­tiers, est placée en garde à vue puis en cellule de dégri­se­ment. Après avoir bu la tasse et éclusé, la belle brune ne reste pas au creux de la vague, elle redres­se la barre et fait le tour des collèges de la région pour sensibiliser aux dangers de l’alcool.

Sirène et alarme. En octobre 2011, "Flo" échappe au pire, après être tombée de son bateau en pleine nuit au large du Cap Corse. Equipée d’une lampe frontale et d’un téléphone portable étanche, elle réussit à donner l’alerte. Deux heures après son appel, elle est récupérée saine et sauve par un hélicoptère, consciente mais en état d’hypothermie. "Ce n’était pas mon jour, il y a eu de vrais miracles", sourit-elle à son retour chez elle, à Marseille.

Tristesse et larmes. Pas du genre à jeter une bouteille à la mer, Florence Arthaud avait l'âme d'un mate­lot. Elle est partie rejoindre les étoiles et laisse des centaines de milliers d'admirateurs en deuil.