Enfant doué : quelles différences entre filles et garçons ?

Les enfants doués se comportent-ils différemment selon qu'ils sont filles ou garçons ? Le point.

On parle des «enfants doués» sans distinction, mais on peut tout de même dire : une enfant douée, le terme de «précoce» étant, lui, parfaitement neutre. Concernant les caractéristiques propres à chacun des sexes, on se contente souvent de généralités : les garçons ont plus de  mal à s’adapter, ils se font plus difficilement des amis, les filles sont plus conformistes, elles se coulent davantage dans le moule, elles ont tout de même quelques «copines», pas toujours idéales, mais agréables, elles se font moins remarquer et tout est dit.

Il y a quelques décennies, on voyait beaucoup moins de filles en consultation, tous motifs confondus, et puis, au fil du temps, toutes sortes de phénomènes se sont conjugués pour entraîner une évolution, qui a pu sembler très lente, mais qui est considérable sur le long terme. Il y a eu de plus en plus d’enfants uniques, le regard porté sur les femmes s’est peu à peu modifié, dans le couple, père et mère occupent des places équivalentes, les femmes, dans l’ensemble, ont d’elles-mêmes une image différente, mais toutes ces modifications ne changent pas fondamentalement la situation des filles : il subsiste encore d’infimes reliquats des temps anciens où une fille ne devait pas être trop instruite, sous peine de devenir un bas bleu incasable. Elle ne devait pas non plus d’ailleurs être une incurable idiote avec le risque  de proférer des énormités, pour la plus grande honte de son mari. On dispensait aux filles juste ce qu’il fallait d’instruction pour qu’elles tiennent leur place, aident les enfants durant les premières  années d’école et se débrouillent avec le budget de la maison.

Ce temps est complètement révolu, on en rit maintenant, mais tout n’est pas réglé pour autant.

On affecte de penser qu’avant l’adolescence « les enfants » peuvent être considérés comme un tout, mais on s’occupera davantage des garçons puisqu’ils sont souvent plus remuants et un peu plus compliqués, mais, avant l’invasion de la testostérone, il n’y aurait pas de différence importante. Il y a quelques décennies, on pensait que les œstrogènes freinaient le développement intellectuel des filles : enfants, elles devançaient les garçons, adolescentes, elles se laissaient rattraper puis dépasser, car telle était la dure loi hormonale. D’ailleurs, à l’époque, dans certains tests, l’étalonnage différait selon le sexe.

Et pourtant… les réactions des petites filles sont le plus souvent tellement intériorisées qu’il faut du temps aux parents pour s’en apercevoir. C’est avec discrétion que la petite fille, bonne élève, appréciée de sa maîtresse, commence à avoir mal au ventre le matin, de plus en plus mal au ventre, au point parfois de songer à une hospitalisation, mais les explorations ne donnent aucun résultat. La petite fille reste plutôt souriante avec son aspect frêle, délicat et gentil, elle a juste mal au ventre et personne ne sait pourquoi. En fait, elle est animée par un tel souci de perfection qu’elle ne peut jamais être sûre de ses résultats et elle pense, bien naturellement, qu’il en va de même pour sa maîtresse : elle serait, alors, profondément désolée de la décevoir. Elle aime tant sa maîtresse, elle voudrait bien devenir maîtresse à son tour, quand elle sera grande.

En désespoir de cause, ses parents lui font passer un test et sont tout de même un peu surpris de découvrir à quel point leur douce petite fille est intellectuellement douée. Ils la savaient sensible et émotive, comme toutes les petites filles sans doute, mais ils n’auraient jamais pensé qu’elle se situerait si haut : elle est si jolie !

On s’étonnera moins si ce résultat exceptionnel est celui d’un garçon : on y voit même la clef de ses difficultés en classe, dans ses relations avec les autres et de ses interrogations dérangeantes.

D’une façon générale, le garçon continue à porter une charge plus pesante : pour lui, l’enjeu est plus important, sa réussite a plus de prix, un échec scolaire revêt une importance plus grande, plus lourde de conséquences. Ses parents, attentifs et conscients de ces idées implicites qu’on ne mentionne pas forcément, évitent de lui mettre une quelconque pression,  mais son souci de perfection ne se laisse pas oublier : de lui-même, il s’impose cette pression trop forte. Ses difficultés à nouer des relations amicales semblent presque inquiétantes : il est  trop souvent à l’écart, seul dans la cour de récréation. Parfois, on se moque de lui et il a du mal à sortir de cet enfermement.

L’hypersensibilité des personnes douées n’est plus à rappeler : même adultes, elles continuent à en souffrir en tentant par tous les moyens de la surmonter. Or, c’est une caractéristique qu’on attribue généralement aux filles qui auraient la larme facile. Les petits garçons bouleversés par l’agressivité, la méchanceté qu’ils perçoivent avec acuité grâce à leurs dons intellectuels n’en sont pas moins de futurs hommes aussi virils que sensibles.

Si l’examen psychologique fait apparaître une défaillance ponctuelle, elle semble plus gênante chez un garçon. Il s’agit, le plus souvent, de difficultés d’orientation spatiale : difficulté à se repérer dans l’espace, donc à lire une carte, à se retrouver dans un lieu jusque-là inconnu. Souvent, les  mères disent : «je suis comme ça », sans en paraître autrement gênées, mais je n’ai jamais entendu un père se reconnaître cette faiblesse. Cette répartition des qualités doit dater de l’époque, pourtant assez lointaine, où les chasseurs avaient besoin de retrouver leur chemin quand ils poursuivaient une proie sur un long parcours. Le périmètre d’action des femmes qui cultivaient de petites surfaces était bien plus réduit. Elles ne risquaient pas de s’y perdre, d’où leur indifférence à ce manque qu’elles ne tenteraient même pas de corriger si on ne les y incitait pas.

Dans cette chronique, on est tout à la fois obligé de s’en tenir à quelques éléments, même si le sujet mérite un livre entier, ce qui est bien le cas cette fois encore, et tenu d’éviter de proférer des banalités. En se contentant d’effleurer ce sujet, rappelons la situation de ces petites filles qui ont très vite compris que dans leur culture, c’est l’éducation et les diplômes qui allaient leur permettre de changer leur destinée. Souvent douées, travailleuses et tenaces, elles se montrent d’excellentes élèves, dignes de l’enjeu qui est le leur.

Fille ou garçon, chaque enfant doué représente un trésor particulier : ses qualités exacerbées font de lui un enfant magnifique. Il concilie la finesse et la sensibilité traditionnellement attribuées aux filles et l’envergure intellectuelle, considérée comme un apanage masculin.