Sexisme : en 2021, le mur dressé entre la société et l'égalité entre les sexes se consolide

Dès l'enfance, la question du genre, les stéréotypes et les disparités qui y sont associées façonnent notre perception des autres et la manière dont les autres nous perçoivent. Le sexisme et les clichés qu'il véhicule sont partout ; au travail, à l'école, dans la publicité, dans les médias, dans le sport, à la maison... la discrimination à l'encontre des femmes se retrouvent dans tous les domaines de la vie. Le Journal des Femmes fait le point sur cet obstacle à l'égalité entre les hommes et les femmes.

Sexisme : en 2021, le mur dressé entre la société et l'égalité entre les sexes se consolide
© Dmytro/123RF

Qu'est-ce que le sexisme ? Définition

Le sexisme concerne toute les attitudes discriminatoires envers une personne en fonction de son sexe et de son genre. Exercé à l'encontre des femmes, le sexisme repose sur des croyances et des comportements qui infériorisent, stigmatisent et délégitiment les femmes en raison de leur sexe. Le sexisme ordinaire se manifeste à travers des "blagues", des remarques, des clichés, des stéréotypes.

Les chiffres du sexisme

Le sexisme se niche dans toutes les sphères de la société. Le site du ministère chargé de l'Egalité entre les femmes et les hommes livrent quelques chiffres éclairants :

  • Seulement 16 % des maires élu.e.s sont des femmes
  • Les hommes gagnent en moyenne 19,2 % de salaire en plus que les femmes
  • Les femmes consacrent chaque jour 1h30 de plus que les hommes aux tâches domestiques
  • Seules 20 % des experts invités dans les médias sont des expertes

Autre chiffres, selon une étude de l'observatoire Skema dont La Croix s'est fait l'écho, "les quatre femmes 'présidentes' ou 'directrice générale' (DG) occupent 3,3 % des 120 postes potentiels de direction (PDG, Président ou DG) des soixante plus grandes entreprises françaises", explique le quotidien national en mars 2020.

Sexisme ordinaire : de quoi parle-t-on ?

Le sexisme ordinaire est le sexisme du quotidien. Il est tellement banalisé que les femmes qui en sont victimes ou que ceux qui en sont les auteurs n'ont même pas forcément conscience que leurs propos sont sexistes. Il s'agit de petites phrases, de remarques, qui ne suscitent pas toujours l'indignation. Pourtant, ces types de comportements qui semblent anodins et insidieux façonnent dès le plus jeunes âges les représentations mentales. Elles encouragent la hiérarchisation des sexes et distillent l'idée de l'infériorité de la femme par rapport à l'homme.

Sexisme bienveillant : de quoi s'agit-il ?

Le sexisme bienveillant a été élaboré par les psychologues Peter Glick et Susan Fiske en 1996. Pour ces deux chercheurs, le sexisme bienveillant voit les femmes comme des créatures pures et fragiles que les hommes se doivent de protéger. Si l'idée peut sembler positive au premier abord, elle suggère au contraire que la femme, plus faible que l'homme, a besoin de la protection de ce dernier. Tout comme le sexisme hostile aux femmes, le sexisme bienveillant entretient les inégalités sociales entre les genres et prône la conception traditionnelle du rôle et de la place des femmes dans la société. Ainsi la galanterie, "politesse empressée auprès des femmes" selon la définition du Larousse, est sans doute la manifestation la plus visible du sexisme bienveillant.

"Le sexisme bienveillant et le sexisme hostile sont complémentaires, ils forment un duo efficace où le sexisme bienveillant récompense les femmes qui respectent les rôles traditionnels liés au genre et où le sexisme hostile punit celles qui ne respectent pas ces rôles", écrivent les chercheurs Benoît Dardenne et Marie Sarlet dans leur article Le sexisme bienveillant comme processus de maintient des inégalis-tés sociales entre les genres, publié en 2012 dans l'Année Psychologique.

La dessinatrice féministe Emma, connue pour avoir démocratisé le concept de charge mentale, a également consacré un ouvrage à la notion de sexisme bienveillant. Sa bande dessinée Des princes pas si charmants et autres illusions à dissiper ensemble décrypte ce sexisme du quotidien. "Cela revient à traiter les femmes comme des petites choses à protéger. On va ainsi valoriser certaines qualités dites féminines, comme la communication ou l'écoute, tout en leur refusant un gain d'autonomie", avait déclaré la bédéaste dans un entretien au HuffPost. La solution ? "Plutôt que d'attendre la charité ou de chercher à être protégée, il est sans doute mieux de chercher de la solidarité, de la sororité, un esprit collectif chez des gens à notre niveau", avait-elle également expliqué au site d'information.

Le sexisme dans les médias

Dans son 3e état des lieux du sexisme en France, le Haut Conseil à l'Egalité publie en 2021 un constat alarmant. L'organisation, qui s'est penchée cette année sur le sexisme dans la presse écrite, en conclue que la condition des femmes y a évolué dans le bon sens mais que de nombreuses inégalités demeurent à l'heure actuelle. 

Seulement 30 % de femmes en moyenne occupent des postes dans les rédactions de presse généraliste sondées. Lors que l'on prend en compte les titres de presse féminine, ce sont 50 % de femmes qui occupent des postes dans les rédactions. 
Autre constat effarant: 100 % des postes de directeur et directrice de publication sont occupés par des hommes.
Dans les articles analysés par le Haut Conseil à l'Egalité, 23 % des personnes mentionnées et 21 % des personnes citées dans les articles analysés sont des femmes
Les articles dont un homme est le sujet principal représentent plus de 80 % des papiers analysés

Autant de données alarmantes qui nécessite une mise en place de nouvelles mesures. Le Haut Conseil à l'Egalité a établi une liste de 20 recommandations pour faire évoluer la situation dans le bon sens. Parmi les mesures souhaitées, l'on compte notamment l'instauration d'un quota de femmes dans les "postes décisionnaires et à responsabilités éditoriales", la mise en place de formations "sur l'égalité professionnelle et sur les violences sexistes et sexuelles dans les rédactions et écoles de journalisme", ou encore la création d'un Observatoire de l'égalité dans la presse

Le sexisme au travail, en entreprise

En 2013, une étude réalisée par LH2 pour le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle présentaient les relations de travail entre les hommes et les femmes. Selon cette étude, trois femmes sur quatre confrontées au sexisme dans leur travail avaient ressenti un sentiment d'injustice, de colère et d'humiliation.

Autre chiffre révélé dans cette enquête, 54 % des salariées estimaient avoir rencontré un frein professionnel en raison de leur sexe (pas d'augmentation, de promotion, de formation...), 81 % des femmes managers avaient entendu des phrases désobligeantes à leur encontre.

Parmi ces phrases : "Elle a dû coucher", "elle est trop agressive", "elle est pire qu'un homme", "elle est hystérique", "elle est trop douce pour faire ce métier, il faut en avoir", "je ne vais quand même pas faire tout ce qu'elle me demande, c'est une femme"...

49 % des femmes déclaraient déjà été interpellées de manière familière : "ma belle", "ma petite", "ma grande", "ma poule", "ma chérie", "miss", "ma puce"...

42 % avaient reçu des compliments sur leur physique ou leur tenue qui les avaient mises mal à l'aise, 23 % des remarques désobligeantes.

Quant aux stéréotypes, ils ne sont pas en reste : "ne fais pas ta blonde , entendu par 69 % des femmes interrogées, "elle est de mauvaise humeur, elle doit avoir ses règles" par 59 %.

L'enquête revient également sur la culpabilité que ressentent des femmes à temps partiel (44 %). 74 % des femmes salariées affirmaient avoir été victimes ou témoins de remarques sur la maternité telles que "on ne peut pas compter sur elle le mercredi", "on ne peut pas miser sur elle, elle va avoir un enfant..."...

90 % des salariées estimaient ainsi qu'il est plus facile pour un homme de faire carrière, 93 % d'entre elles que les réflexions et attitudes sexistes modifiaient le comportement des femmes au travail.

Le sexisme, même à l'école

A l'image de la société, le sexisme est également présent à l'école. Selon un rapport du Haut Conseil à l'Egalité entre les hommes et les femmes publié en 2017, les stéréotypes sexistes se manifestent encore très largement dans les salles de classe :

  • les enseignant.e.s interagissent en moyenne plus fréquemment avec les garçons (56 %) qu'avec les filles (44%) ;
  • dans les programmes comme dans les manuels scolaires, l'importance des femmes est minorée et elles restent cantonnées à des rôles traditionnels : dans les manuels de CP, les femmes représentent 40 % des personnages et 70 % de ceux qui font la cuisine et le ménage, mais seulement 3 % des personnages occupant un métier scientifique ;
  • l'orientation des élèves enferme filles et garçons dans des trajectoires déjà tracées, au détriment de l'insertion professionnelle des filles : en seconde générale, parmi les élèves ayant 10 de moyenne, 27 % des filles et 41 % des garçons en classe vont demander une terminale S.

Comment lutter contre le sexisme ?

A l'occasion de ses deux rapports sur le sexisme en France, le Haut Conseil à l'Egalité a livré de nombreuses recommandations pour lutter efficacement contre le sexisme. On les retrouve ici : premier rapport et second rapport.

La lutte contre le sexisme passe avant tout par une politique volontariste, par l'élimination des stéréotypes sexistes à l'école, à la maison et par une sensibilisation de l'ensemble de la société. Les leviers pour lutter contre le sexisme sont nombreux et peuvent être mis en place à tous les niveaux de la société : règles paritaires en politique, sanctions en entreprise, incitation à une meilleure image et une meilleure représentativité des femmes dans l'audiovisuel...