Taubira et son "fils en prison" : la polémique

Depuis plusieurs mois circule sur Internet une lettre mettant en cause la ministre de la Justice. Un faux. Décryptage.

Ce texte mensonger s'appelle un glurgue. Une sorte de légende urbaine montée de toutes pièces et moralisatrice promue par la diffusion en chaîne via les e-mails ou les réseaux sociaux. Le glurgue est destiné à faire adhérer ses lecteurs par un procédé émouvant, amadouant sans pour autant apporter la preuve de la véracité de ces propos. La cible de ces textes est souvent une personne d'influence, difficiles d'atteinte. Le but est de dégrader la réputation de personnes connues, comme l'est Christiane Taubira, en profanant et diffusant en masse des informations fausses, invérifiables et dont l'auteur est difficilement identifiable. Christiane Taubira, actuelle Garde des Sceaux et ministre de la Justice est accusée de dissimuler une information selon laquelle un de ses fils serait en prison pour meurtre. Or, aucun enfant de Madame Taubira ne purge de peine de prison. Le principe est de décrédibiliser une figure politique influente : lorsque l'e-mail est lancé en mai 2013, il intervient en plein contexte de crise sur le mariage pour tous, et alors qu'une réforme pénale annoncée par Taubira propose d'éviter la prison pour les coupables condamnés à des peines inférieures à cinq ans.
Dans cette lettre, supposément écrite par une mère au nom à consonance de France métropolitaine, les lecteurs sont poussés à éprouver de l'empathie pour la mère victime et une indignation contre une justice à deux vitesses et des droits de l'homme qui pénalisent les victimes. Le texte encourage également à se révolter contre une figure représentante de l'autorité qui créerait donc cette réforme pour son intérêt personnel. Grâce à l'émotion, le lecteur est amené à se mettre à la place de cette femme victime, et à diffuser le message sans en vérifier l'authenticité puisque que la lettre est présentée comme un constat.
On retrouve ce type de lettres régulièrement. Existent une version espagnole datant de décembre 2009 dans laquelle le fils a été victime d'une bombe posée dans une voiture par l'ETA, une version péruvienne de février 2010 concernant la mère d'un terroriste ainsi qu'une version argentine de mai 2010 signée par une certaine Julia E. Fabiano.
Au-delà d'une volonté d'indigner contre une personne d'autorité, on décèle également le dessein de généraliser l'association du meurtre et de la prison aux personnes de couleur. Pour ce faire l'argument est simple. Le frère de Rachida Dati, ex-Garde de Sceaux, a été condamné pour violence. Un fait avéré mais pris au hasard pour faciliter l'association et semer le trouble dans l'esprit des lecteurs. 

christiane
Taubira et son "fils en prison", au cœur de la polémique © Marie Laurence HAROT/FTV

La lettre : 

Lettre à Mme Taubira

Chère madame,

 

 

 

 

J'ai vu votre protestation énergique devant les caméras de télévision contre le transfert de votre fils de la prison de Arlon à la prison de Leuven. Je vous ai entendue vous plaindre de la distance qui vous sépare désormais de votre fils et des difficultés que vous avez à vous déplacer pour lui rendre visite.

 

J'ai aussi vu toute la couverture médiatique faite par les journalistes et reporters sur les autres mères dans le même cas que vous et qui sont défendues par divers organismes pour la défense des droits de l'homme, etc. Moi aussi je suis une mère et je peux comprendre vos protestations et votre mécontentement. Je veux me joindre à votre combat car, comme vous le verrez, il y a aussi une grande distance qui me sépare de mon fils.

 

Je travaille mais gagne peu et j'ai les même difficultés financières pour le visiter. Avec beaucoup de sacrifices, je ne peux lui rendre visite que le dimanche car je travaille tous les jours de la semaine et aussi le samedi et j'ai également d'autres obligations familiales avec mes autres enfants.

 

Au cas où vous n'auriez pas encore compris, je suis la mère du jeune que votre fils a assassiné cruellement dans la station service où il travaillait de nuit pour pouvoir payer ses études et aider sa famille. J'irai lui rendre visite dimanche prochain. Pendant que vous prendrez votre fils dans vos bras et que vous l'embrasserez, moi je déposerai quelques fleurs sur sa modeste tombe dans le cimetière de la ville.

 

Ah j'oubliais, vous pouvez être rassurée, l'État se charge de me retirer une partie de mon maigre salaire pour payer le nouveau matelas de votre fils puisqu'il a brûlé les deux précédents dans la prison où il purge sa peine pour le crime odieux qu'il a commis.

 

Pour terminer, toujours comme mère, je demande à tout le monde de faire circuler mon courrier, si intime qu'il soit. nous parviendrons ainsi peut-être à arrêter cette inversion des valeurs humaines. Les droits de l'homme ne devraient s'appliquer qu'aux hommes droits.

 

 

 

Edith Besançon 10 Montée Beaumur

 

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