Ségolène Royal, triste conquête

En remportant l'Elysée, François Hollande a réussi là où la mère de ses quatre enfants avait échoué cinq ans plus tôt. Comment Ségolène Royal n'aurait-elle pas des sentiments mêlés en ce jour de gloire ?

Au grand bonheur de voir l'homme de son camp élu au sommet de la République, s'immisce, pour Ségolène Royal, le regret de ce qui aurait pu advenir si le PS, 5 ans auparavant, s'était uni autour d'elle comme il l'a fait autour de François Hollande. Ou si le centriste François Bayrou - elle en aurait fait son Premier ministre- avait fait le geste qu'il a fait pour lui. Bien loin des ambitions solidaires de Bill et Hillary Clinton, de Nestor et Cristina Kirchner, c'est contre elle, non avec elle, que le député de Corrèze s'est imposé comme candidat socialiste à la Présidentielle.

"Je pourrais éprouver de l'amertume, mais je veux seulement retenir devant l'Histoire que 2012 est aussi la victoire des idées neuves de 2007, la victoire des fondamentaux que j'ai défendus: rassemblement, valeur travail, nation, drapeau et Marseillaise, sécurité et convergences avec le Centre", a déclaré Ségolène Royal, sûre d'elle, à l'AFP. Autant de thèmes jusqu'alors monopolisés par la Droite, qui hérissaient les Socialistes.

Une aventure de couple politique sans précédent.

En 2007, c'est "François" qui doit ronger son frein: patron du PS, il semble le champion naturel, mais volant de sondages triomphants en déclarations fracassantes, la dame de Poitou-Charentes, rayonnante, lui grille la politesse. Maigre revanche : avec 47% des suffrages, elle est battue au second tour par Nicolas Sarkozy

Une femme qui agit "au gré de ses envies"

De son rôle de pionnière, de ses "17 millions de voix" amassées, Ségolène ne tire aucun bénéfice. Iconoclaste, elle met "au Frigidaire®" sa candidature au poste de premier secrétaire, avant de clamer qu'elle a "très envie" de prendre à la direction du Parti... et d'être éclipsée par Martine Aubry ! Indépendante, Ségolène Royal ne prend de précautions ni avec la Majorité, qui s'étrangle régulièrement devant ses emportements contre "le pouvoir en place", ni avec la rue de Solférino, snobant ses réunions, préférant délivrer son message aux médias.

A fleur de peau, Ségo se répand dans les magazines, et partage avec lyrisme ses émotions, ses convictions. Diva néo-baba au Zénith, elle  prêche qu'il faut "s'aimer les uns les autres", veut "rallumer tous les soleils et toutes les étoiles" et scande "fra-ter-ni-té", à tour de bras. Pourtant, derrière son sourire et son nouveau look glamour se cache une douleur intime : la rupture avec son compagnon, au bout de trente ans de vie commune, officialisée en juin 2007. François est parti avec son humour, son torrent de blagues. Ségolène, blessée, partage son malheur. "C'est une souffrance que je ne souhaite à personne", confesse-t-elle un dimanche de grande écoute dans l'émission Michel Drucker. Malheureuse sans doute, mais vindicative aussi, Ségolène exhibe ses états d'âmes de femme meurtrie, de mère de famille trompée et délaissée. Elle fait peser sur les épaules de son ancien partenaire, tout le poids de la culpabilité: "Il est goujat et menteur dans le privé, mais aussi déloyal sur le plan politique", lâche-t-elle sur le divan rouge... avant de se raviser dans son livre, Ma Plus Belle Histoire d'Amour, C'est Vous : "Je souhaite que François soit heureux. Il a tant de qualités. Et je l'ai aimé si longtemps, homme politique le plus brillant de sa génération". Instable, Ségolène ? Forte, audacieuse et déterminée, surtout. Fini les piques en public et les postures de madone. Fille d'officier issue d'une famille de huit enfants, cette Lorraine élevée à la dure a décidé de croire en elle-même. C'est pour ses idées qu'elle veut plaire aux Français.

Deux ex dans la course au Palais

Ségolène et François. Les rapports de ces deux élites de l'Etat, formés ensemble à l'ENA et dans le mitterrandisme, se sont apaisés, après une crispation à l'automne dernier. Lancée dans la primaire de 2011, Ségolène Royal obtient un humiliant 6,9%. Soir terrible du 9 octobre où elle fond en larmes devant les caméras. Trois jours plus tard, la "Femme debout", comme elle se définit, annonce avec panache son soutien à son ex et s'implique sincèrement dans la campagne. Le 22 janvier, rebelote : aucune mention d'elle dans le discours-fleuve du Bourget. Epreuve supplémentaire, sa remplaçante dans le cœur de François, l'amoureuse Valérie Trierweiler, est constamment présente.

"C'est très dur, mais je prends sur moi. (...) Je ne leur imposerai pas ce que j'ai subi", a-t-elle promis, courageuse et bienveillante.

Invoquer la passion, dénigrer son ancien compagnon a permis à Ségolène Royal de rebondir. Son attitude exemplaire à la Bastille a achevé de redorer son image. Tout est possible, pour elle, aujourd'hui...