Rencontre avec Mathias Malzieu et Stéphane Berla

Mathias Malzieu, du groupe Dyonisos, adapte son roman "La Mécanique du coeur" en film d'animation. Rencontre avec l'artiste et son co-réalisateur, Stéphane Berla.

Comment êtes-vous arrivés tous les deux sur le projet ?
Mathias Malzieu : "En 2006, j'ai découvert le travail de Stéphane lorsque je cherchais un réalisateur pour le clip de la chanson "Neige". Ce clip a été un gros déclencheur artistique, humain et émotionnel. Une complicité est née assez simplement entre nous. J'étais en train de bosser sur La Mécanique du cœur et je me le fantasmais déjà en film. J'avais dit à Stéphane que si on avait la chance de faire un long-métrage un jour, j'aurais bien aimé qu'on le fasse ensemble. Quand Luc et Virginie Besson se sont intéressés au projet, ils nous ont fait confiance. Les choses se font faites de manières assez simple, par envie et passion."

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Les deux réalisateurs (au centre) avec l'équipe du film © PLV/SIPA

C'était un pari de se lancer dans un film d'animation ?
Stéphane Berla : "C'était une grosse prise de risque artistique mais aussi de la part des producteurs. Il y a des enjeux financiers incroyables et donc souvent dans ce cas-là, les films ont tendance à être émoussés artistiquement pour correspondre à un certain format et au plus grand nombre. On a eu la chance de tomber sur des producteurs qui nous ont fait confiance et qui nous ont encouragés à singulariser le film, à lui donner du caractère et à le rendre unique. On a essayé de le rendre sensible et humain pour qu'il reflète au mieux l'univers très personnel de Mathias." 
M.M. : "Ils auraient pu souhaiter changer quelques trucs mais ils ont tout accepté, de l'illustratrice aux chansons. Ils m'ont vraiment laissé les commandes. Ils m'ont même poussé à écrire le scénario tout seul. Ils ont envisagé ce projet comme une aventure singulière. Ils nous ont encouragés à assumer cette différence." 

Stéphane, était-ce difficile de travailler avec l'auteur ?
S.S :
"Le risque de travailler avec un auteur, c'est qu'il soit tellement fasciné par sa propre histoire qu'il n'ait pas envie de changer quoi que ce soit. Et c'est très dangereux pour un film car le langage filmique n'est pas le même que celui littéraire. Mais heureusement Mathias, venant de l'univers de la musique, avait déjà la souplesse d'esprit de passer d'un univers à l'autre et d'essayer de se surprendre lui-même. Plutôt que d'adapter le livre à l'identique, ce qui aurait été idiot,  il s'est concentré à extraire l'âme du roman, à utiliser le langage cinématographique pour mettre en scène son histoire. Mathias a la capacité de capter et réunir des énergies créatrices.
 M.M. : "Ca je l'ai vraiment appris au contact du groupe (Dyonisos) !" 

Stéphane, avez-vous dû freiner Mathias dans ses envies en raison des contraintes techniques du cinéma d'animation ?
S.B. :
"C'est un des aspects de notre co-réalisation. Dans un film d'animation, il y a deux types de contraintes : celles imposées par le format et celles de l'histoire. Ce n'est pas parce que c'est un film d'animation et que ce genre permet beaucoup de choses qu'il faut faire n'importe quoi. Mathias était toujours vigilent là-dessus. On a utilisé l'animation pour raconter l'histoire de manière poétique mais on s'est aussi imposé des règles et des contraintes très fortes. Il faut utiliser les moyens dont on dispose quand ils sont nécessaires et non pas simplement parce qu'on en a la possibilité.

Quelles ont été les influences pour ce film ? On pense notamment à Tim Burton, Terry Gilliam...
M.M. :
"Oui, je pense que c'est parce qu'il y a la magie, la singularité et puis, c'est une sorte de défi, une aventure. Ce n'est pas un rêve comme une fuite de la réalité. A travers leurs films, ces réalisateurs ont mis la fantaisie et le magique au cœur d'une certaine forme de réalité. On peut parler de Tim Burton ou de Gilliam mais aussi de Tod Browning (le réalisateur de Freaks). Il y en a plein d'autres à des niveaux différents. Les westerns ont eu aussi une influence assez forte. Un film comme Deadman tient une place importante dans mes références. C'est pour ça qu'on aime ces réalisateurs et leurs films. Ils nous touchent parce qu'ils prennent des risques. Ils ont un langage neuf." 
S.B. : "Ce sont des réalisateurs qui sont très proches du personnage de Jack. Ce dernier préfère vivre intensément plus tôt que de ne pas profiter de la vie, au risque de se blesser." 

Mathias, jusqu'où Jack vous ressemble justement ? Est-ce votre double animé ?
M.M. : 
"Emotionnellement, c'est 100% sauf qu'il est vachement mieux que moi ! (Il éclate de rire). Il est à la fois mieux et pire. C'est pas un fantasme de moi-même en tant qu'ego. C'est davantage une caisse de résonance de tout ce que je peux rêver et ressentir." 

Avez-vous déjà vécu un vrai coup de foudre comme Jack ? Et quelle est la chose la plus folle que vous ayez faite par amour ?
M.M. :
" Moi je crois au coup de foudre, je l'ai déjà vécu et la chose la plus folle que j'ai faite par amour, c'est écrire un livre, un disque et un film pour quelqu'un ! "
S.B. : "Face à Mathias, qu'est-ce que je peux dire ! En plus comme je suis assez timide et pudique, je vais répondre : Joker ! "

Jack et la Mécanique du Coeur de Mathias Malzieu et Stéphane Berla, en salles le 5 février 2014

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Jack et la Mécanique du Coeur sur les écrans le 5 février 2014 © 2012 EUROPACORP – DURAN – FRANCE 3 CINEMA