Manifestation de prostituées

Jambes longues, talons aiguilles et pancartes au verbe cru : près de 200 travailleurs du sexe ont battu, samedi 2 juin, le pavé parisien pour protester contre les mauvaises conditions d'exercice de "leur métier".

Mégaphones, mini-jupes et maxi-masques. Hommes, femmes, travestis et transexuels. Un cortège sexy et chamarré a défilé de la place Pigalle à Châtelet pour dénoncer "la répression policière" et "s'opposer à la pénalisation des clients".
"Nous demandons que notre parole soit prise en compte dans les décisions nous concernant", a déclaré Morgane Merteuil, secrétaire générale du Syndicat des travailleurs du sexe (Strass) qui avait appelé à la manifestation, également soutenue par le collectif "Droit et prostitution". "Le travail sexuel est de plus en plus réprimé, quand bien même les associations ne cessent de répéter que plus on réprime, plus les conditions de travail se dégradent".

Marre de se planquer

Depuis qu'un arrêté a interdit le stationnement des camionnettes au Bois de Boulogne, "nous avons créé le 'Collectif du 16e arrondissement'. On essaie de s'organiser, de trouver des solutions, qu'ils nous laissent travailler tranquilles", explique Manuela, masque pailleté sur le visage.
Le Strass, qui revendique environ 500 membres, entendait montrer du doigt une nouvelle fois l'idée de pénaliser les clients de prostitué(e)s, qui a fait l'objet d'une proposition de loi déposée fin 2011 à l'Assemblée nationale par Danielle Bousquet (PS, Côte d'Armor).
"On paie des impôts, c'est donc bien un vrai boulot" ou "je suis majeur, j'ai toutes mes dents, touche pas à mon client", pouvait-on lire sur les banderoles.
Pour le syndicat, pénaliser les clients reviendrait à accentuer la précarisation des prostituées, les poussant à se tourner vers des intermédiaires, donc des réseaux, pour pratiquer leur activité. 

 

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Talons aiguilles © Alexey Klementiev - Fotolia.com

Répression = violence et exclusion Venue soutenir les asphalteuses, Anne Souyris, candidate Europe Ecologie-Les Verts aux législatives dans la cinquième circonscription de Paris et fondatrice de l'association féministe Femmes Publiques, estime que "les politiques doivent être à l'écoute des prostituées comme ils sont à l'écoute des syndicats".

Position ambigüe

Formellement abolitionniste, la France ne considère pas la prostitution comme un délit et son client bénéficie d'une sorte d'indulgence consensuelle. Le droit pénal français ignore le mâle consommateur sauf si l'atteinte physique a lieu sur la personne d'un mineur de moins de quinze ans.
Sous réserve que l'ordre public soit préservé, rien, dans la loi, n'interdit la prostitution, mais la pratique des textes fait ressortir un régime de liberté, aléatoire et contrarié. 

Des délinquantes ?

En 2003, au grand dam de la Gauche et des associations de défense des droits humains, était entérinée la loi sur la sécurité intérieure de Nicolas Sarkozy selon laquelle, en France, le racolage passif est passible de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende. 

En réaction contre l'arrivée massive de jeunes femmes venues d'Europe de l'Est et d'Afrique, le ministère Sarkozy a aussi inscrit dans la loi, une peine d'interdiction du territoire sanctionnant toute personne étrangère coupable de racolage ou d'exhibitionnisme sexuel, qu'elle soit en situation régulière ou non. En revanche, si ces personnes s'amendent en dénonçant leur proxénète, elles bénéficieront d'un titre de séjour.

Les députés ont étendu "aux personnes qui mettent à disposition des prostitué(e)s des véhicules, les peines applicables en matière de prostitution hôtelière".

Fin mars, le candidat François Hollande avait estimé qu'il fallait supprimer le délit de racolage passif qui, disait-il, "se traduit par un moindre accès aux soins et aux services sociaux pour les personnes prostituées".

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