Ethiopie : les femmes à la source de la reforestation Les femmes, pierre angulaire de la reforestation

Sans l'adhésion des habitants de collines, qui ont besoin de bois pour nourrir leurs familles, le projet de Green Ethiopia ne pourrait être un succès. Nous avons voulu rencontrer ces hommes, et surtout ces femmes, qui ont accepté de changer leurs habitudes pour un résultat visible dans seulement 15 ou 20 ans.

portrait de femme dans la pépinière.
Portrait de femme dans la pépinière. © Marie Pannetier

"Si tu veux changer les choses, il faut commencer par convaincre les femmes car ce sont elles qui s'occupent de tout à la maison : des enfants, de la nourriture, de la santé et du foyer. Elles connaissent les besoins essentiels de leur famille et savent ce qui est bon", explique Ljerka Pfister, belle-fille du couple fondateur de Green Ethiopia, directeur général et manager de 90 commerciaux chez Price Waterhouse Cooper. "Sans l'adhésion et la coopération des femmes dans la durée, pas de pérennité du projet", affirme-t-elle.

Nous sommes allées à leur rencontre. Dans la vallée, les femmes accroupies à l'ombre des toits de paille arrosent des rangs de jeunes pousses vert clair. Installées près de la rivière, nous attendons qu'elles descendre chercher de l'eau, avec l'espoir que nos visages et nos équipements d'européennes ne les intimident pas trop. Quelques minutes plus tard, la première approche, puis les autres, curieuses, ne tardent pas à venir discuter, jouer avec l'objectif et rire devant les photos de Marie, gagnante du concours réalisé en partenariat avec la Fondation Yves Rocher.

Abrahasion : "Ma fille et moi nous portons beaucoup mieux qu'il y a 5 ans"

abrahasion, 28 ans, vit seule avec sa fille de 9 ans.
Abrahasion, 28 ans, vit seule avec sa fille de 9 ans. © Mélanie Giraud

"Avant, je ne mangeais que des pois chiches et des céréales, maintenant je cuisine du chou, de la salade, des tomates, et toutes sortes de légumes. Ma fille et moi nous portons beaucoup mieux qu'il y a 5 ans". Abrasion, 28 ans, a perdu son mari et vit seule avec sa fille de 9 ans. Elle travaille dur, tous les jours dans la colline rocailleuse, pour transporter les jeunes pousses d'arbres sortis de la pépinière et aussi creuser les trous destinés à les accueillir. Le samedi, elle se rend au marché à pied en 6 heures aller-retour pour vendre sa production et "acheter des stylos et des cahiers pour (sa) fille, afin qu'elle puisse apprendre l'anglais à l'école et choisir son métier plus tard", confie-t-elle. "Ma vie a changé mais il reste un problème : si on avait une terre encore plus fertile, tout irait beaucoup mieux".

Fanta : "Une belle femme est une femme instruite"

fanta est la chef de la communauté des femmes de la vallée.
Fanta est la chef de la communauté des femmes de la vallée. © Mélanie Giraud

Devant ma difficulté à noter son nom, elle me lance "Appelez-moi Coca Cola !" La chef de la communauté des 250 femmes de la vallée porte un tee-shirt arborant la photo de Meles Zenawi, premier ministre éthiopien décédé huit mois plus tôt de maladie : pour Fanta, cet homme est "un symbole car grâce à lui les femmes ont acquis de nouveaux droits, dont celui de la propriété". Justement, ici, les parcelles de terre appartiennent en majorité aux femmes qui les cultivent. "Avant les femmes ne mangeaient que des céréales et coupaient du bois. Maintenant, elles travaillent toujours beaucoup mais elles ne sont plus pauvres car elles cultivent les terres", se réjouit-elle. En moyenne, un foyer comprend aujourd'hui 15 poulets et des arbres fruitiers. Le sien contient papayers, goyaviers et oliviers. "Ce sont elles qui ont accepté de ne plus couper le bois des montagnes pour chauffer leur maison. La reforestation n'aurait pas été possible sans elles", assure-t-elle, fière de celles qui l'entourent. A la question : "Pour vous, qu'est-ce qu'une belle femme ?", elle répond du tac au tac : "C'est une femme instruite, qui parle bien, qui est sage. La plus belle femme de la communauté est l'institutrice".

Sisan, prêtre évangéliste : "L'arbre, c'est la vie et l'entrée au paradis »

sisan, prêtre évangéliste.
Sisan, prêtre évangéliste. © Mélanie Giraud

Il est 5h du matin. C'est la fin du Carême. Des milliers d'hommes et de femmes vêtus de blanc avancent à la bougie en murmurant des incantations. Les hommes devant, les femmes derrière, la procession prend la direction la place de l'église, jusqu'à un autel tout près d'un majestueux arbre cinq fois centenaire où le prêtre orthodoxe lira la bible jusqu'au lever du soleil. "Cet arbre est un arbre sacré, tout comme tous les arbres à proximité de l'église, personne ne coupe jamais d'arbre ici", explique l'évangéliste Sisan, sa bible à la main. "Il donne la vie, de la nourriture aux animaux, offre de l'ombre pour prier, on s'y abrite quand il pleut et il est toujours représenté dans les textes comme une entrée au paradis".

Green Ethiopia et les femmes

Au-delà de la création de zones d'eucalyptus pour leurs besoins en bois de chauffage et la mise e n place de pépinières, Green Ethiopia offre aussi aux femmes seules avec enfants, souvent mères 5 à 8 fois, des ânes pour le transport des fruits et légumes au marché. Dans les écoles, des plantations de manguiers et d'avocatiers permettent d'éduquer les enfants au cycle de l'eau, projet initial d'Irene Pfister, primé par la Fondation Yves Rocher en 2009.

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