Droit de vote des femmes en France : dates et histoire d'un long combat

La France est l'un des derniers pays d'Europe à avoir accordé aux femmes le droit de vote : il aura en effet fallu attendre 1945 pour que les Françaises se rendent pour la première fois aux urnes. Une victoire obtenue après plusieurs siècles de combat.

Droit de vote des femmes en France : dates et histoire d'un long combat
© auremar/123RF

En France, alors que les hommes obtiennent le droit de vote "universel" en 1848, ce n'est qu'un siècle plus tard que les femmes peuvent l'exercer pour la première fois, soit 82 ans après la Suède et en bonne dernière après quelques 43 autres pays. Avant cela, l'histoire est marquée de timides avancées portées par des femmes qui souhaitent être considérées comme des citoyennes à part entière.

Pourquoi la Révolution française a-t-elle freiné le droit de vote des femmes ?

Dans la France de l'Ancien Régime, les veuves dotées d'un fief et les mères abbesses peuvent voter aux États généraux. C'est paradoxalement au moment même où les idéaux de la Révolution française et de la philosophie des Lumières font naître les idées les plus progressistes, que les femmes sont exclues de la vie politique. Elles sont officiellement exclues du droit de vote par l'Assemblée nationale le 22 décembre 1789.

Pionnier de la lutte pour le droit des femmes, Condorcet considère que la femme doit pouvoir participer en tant que citoyenne à la vie politique et au suffrage universel. Olympe de Gouges fait également entendre ses idéaux politiques progressistes et revendique le droit de vote pour les femmes. En 1791, elle publie la "Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne" qui fait écho à la "Déclaration des droits de l'homme et du citoyen" de 1789, dans lequel elle revendique le droit de vote pour les femmes, puisque "La femme a le droit de monter sur l'échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune". Devenue la cible des dirigeants sous la Terreur, elle est arrêtée puis guillotinée en 1793 pour ses écrits sur l'égalité des sexes et la démocratie. Ses combats contre la tyrannie, la peine de mort, l'égalité hommes-femmes et pour la justice sociale, annoncent cependant ceux des siècles à venir.

Un XIXe siècle sous le signe de l'antiféminisme

Repris tout au long du XIXe siècle, les combats d'Olympe de Gouges pour le droit de vote des femmes rencontrent invariablement les mêmes résistances. Alors qu'une nouvelle période de militantisme pour la reconnaissance des droits des femmes émerge avec la révolution de 1830, les femmes multiplient les tribunes politiques, les créations de clubs, les interventions publiques et autres pétitions, tandis que la presse féministe se développe avec le lancement de titres tels que La Femme libreLa Tribune des femmes ou encore La Voix des femmes. Ce dernier mène sans relâche le combat pour les droits de vote et d'éligibilité.

Le 5 mars 1848, un décret instaure le suffrage universel direct. En sont exclus les hommes privés de leurs droits par la justice, les faillis, les déments internés... et les femmes. Révoltée, Eugénie Niboyet, militante du droit des femmes et fondatrice du journal La Voix des femmes, cherche à "rendre visible l'illogisme de la mise à l'écart des femmes dans le domaine politique" en encourageant la candidature de George Sand aux élections législatives. Cette dernière se désolidarise de cette initiative. Pionnière du féminisme, George Sand explique pourquoi elle rejette l'idée du suffrage universel étendu aux femmes :"Oui, l'égalité civile, l'égalité dans le mariage, l'égalité dans la famille, voilà ce que vous pouvez, ce que vous devez demander, réclamer. Si aujourd'hui les femmes siégeaient parmi les députés, elles ne représenteraient que "la moitié d'un homme", l'autre moitié étant leurs maris."

Les campagnes suffragistes relayées par un nombre grandissant de féministes marqueront le XIXe siècle, sans pour autant obtenir la reconnaissance des droits civiques attendue. Des propositions de loi pour accorder le droit de vote aux femmes seront votées par la chambre des députés avant d'être rejetées à de multiples reprises par des sénateurs affichant ouvertement leur antiféminisme.

Alors qu'à l'aube du XXe siècle, un groupe de femmes britanniques surnommé "suffragettes" adopte des méthodes radicales pour obtenir l'égalité entre hommes et femmes, l'idée suffragiste creuse de plus en plus son sillon dans la société française.

Un droit de vote pour les femmes qui piétine

Après la Première Guerre mondiale, alors que les femmes britanniques ont obtenu le droit de vote à partir de 30 ans, les femmes françaises réclament plus que jamais le droit de se rendre aux urnes après avoir durement travaillé pour remplacer les hommes partis au front. Mais le Sénat continue de constituer le principal point de blocage institutionnel à l'adoption de la mesure. Le soutien du pape Benoît XV qui se prononce officiellement pour le vote des femmes en 1919, dessert la cause des suffragettes françaises. Les partis de gauche, pourtant favorables à l'émancipation féminine, craignaient l'influence conservatrice de l'Église catholique sur les femmes, ce qui lui permettrait de s'immiscer à nouveau dans la société française.

Paradoxalement, les femmes n'attendent pas le droit de vote pour accéder à des fonctions gouvernementales : la victoire du Front populaire en 1936 voit en effet pour la première fois trois femmes siéger dans le gouvernement de Léon Blum. Elles ne prendront cependant jamais la parole dans l'hémicycle.

A quelle date les Françaises ont-elles pu voté pour la première fois ?

La Seconde Guerre mondiale constitue une étape décisive pour l'accès au suffrage des femmes en France. Pendant la guerre, de nombreuses femmes travaillent, participent à l'effort de guerre et rejoignent les rangs de la Résistance. Alors qu'elles n'ont toujours ni le droit de vote, ni celui de travailler sans l'accord de leur mari, ces combattantes de l'ombre jouent un rôle essentiel dans la Résistance, forçant la France libre du général de Gaulle à faire enfin bouger les lignes sur le droit de vote et l'éligibilité des femmes en France.

"Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes." Grâce à cette ordonnance signée depuis Alger le 21 avril 1944, le général de Gaulle accorde aux Françaises le droit de vote et celui d'être élues. Un an plus tard, le 29 avril 1945, les femmes votent pour la première fois lors des élections municipales. Ce jour-là, elles sont 12 millions de femmes à se rendre aux urnes, munies de leur toute nouvelle carte d'électrices, soit près d'un siècle après les hommes.