La Journée de la Femme de Yolaine de la Bigne

Journal des Femmes : Le 8 mars, jour de fête, jour de grève, jour de guerre, jour de gloire ou bonjour tristesse ?

Yolaine de la Bigne : Bonjour Tristesse. Tristesse car il est bien triste d'être obligé d'avoir une journée pour rappeler au monde que la moitié de l'humanité n'est pas traitée comme l'autre. Mais bonjour quand même car nous progressons, d'immenses avancées ont été faites en faveur des femmes et bien d'autres devraient suivre !

Quelle femme pourrait, selon vous, incarner, devenir l'emblème du 8 mars ?

YDLB : Simone Veil pour son combat, Brigitte Bardot, sex-symbol qui a osé tout quitter pour défendre une cause ingrate et magnifique, la souffrance animale. Mais c'est terrible de donner deux exemples de femmes d'un certain âge, preuve que le féminisme doit se renouveler et se trouver de belles icônes, vous connaissez des volontaires ?

Quelle chanson pourrait en devenir l'hymne ?

YDLB : "Aux armes citoyennes", de Zazie

Dans votre carrière, avez-vous parfois considéré votre féminité comme un "handicap"?

YDLB : Bien sûr ! J'ai eu trois enfants et je n'ai jamais pris de congés maternité par peur de perdre mon boulot et on m'a souvent fait comprendre que j'avais bien raison ! Un directeur de France-Inter après m'avoir fait travailler, enceinte, tout l'été, m'a annoncé à la rentrée n'avoir aucun travail pour moi et m'a raccompagnée à la porte de son bureau en me disant qu'il allait retrouver sa femme "une vraie femme qui est à la maison et s'occupe de ses enfants".

En 2012, ressentez-vous encore des injustices, des preuves de "déconsidération" au quotidien ?

YDLB : Moi personnellement non car j'ai le privilège de vivre en France, pays très en retard dans le domaine mais où malgré tout je suis libre de penser, travailler, conduire et vivre ma vie comme je l'entends. Mais toutes les autres ? Toutes ces femmes méprisées, battues, tuées (une tous les deux jours en France sous les coups de son compagnon !), voilées, excisées, mariées de force... ?

Egalité des salaires, tâches domestiques, éducation des enfants, traitement médiatique... Après 40 ans de féminisme, quels sont, selon-vous, les combats qui restent à mener ?

YDLB : Ils sont nombreux mais le plus important est celui de la violence. Le reste est injuste mais secondaire selon moi. Par contre le viol, l'excision, les crimes d'honneur, les mariages forcées, tout ce que subissent encore les femmes est totalement inacceptable dans une société qui se dit évoluée.

Quelle mesure concrète pourrait, en France, améliorer la condition de la femme ?

YDLB : Mettre en place des structures pour aider les femmes en situation de violence, il y en existe mais ce n'est pas suffisant, quand vous voyez que la plupart des femmes violées n'osent pas le dire, cela prouve que le sujet reste encore tabou. En France et ailleurs ! N'oublions pas les "marches des salopes ", formidable mouvement de femmes qui manifestent en porte-jarretelles et tenues sexy  dans le monde entier depuis qu'un policier canadien a dit lors d'une conférence avec des étudiantes sur la violence que si elles ne voulaient pas de problèmes, elles n'avaient qu'à pas s'habiller comme des salopes. Quand un homme se balade en short avec un tee-shirt moulant, vous imaginez des femmes lui mettant la main au c... en le traitant de vicieux ?

Et sur un plan plus personnel, qu'est-ce qui vous donnerait le sourire ?

YDLB : Ma génération n'est déjà plus intéressante, je dirais qu'il y a eu beaucoup de progrès mais qu'il reste bien des efforts à faire. C'est celle de demain qui est importante. J'ai une fille de 15 ans et si elle a des amis garçons formidables, on sent toujours la tentation du bon vieux machisme revenir dans les cours de récréations. J'aime sourire à l'idée que cette génération vive dans un vrai respect mutuel.

Exiger la parité, en politique notamment, imposer des quotas, n'est-ce pas là un aveu de faiblesse ?

YDLB : Bien sûr mais il faut faire avec la nature humaine ! Sans lois, sans sanctions, sans quotas, rien ne bouge ! Le sexisme n'est qu'une question de pouvoir que les hommes de pouvoir ne veulent pas partager. Depuis des siècles, nos sociétés sont dirigés par les hommes blancs. Donc qu'il s'agisse d'étrangers avec des peaux non blanches, d'homosexuels, de femmes, d'enfants, d'animaux, bref de tous ceux qui vivent sur cette terre mais qui n'ont pas toujours le droit à la parole, il faut légiférer pour les défendre. C'est dommage mais c'est ainsi !

Peut-on être pour l'égalité des sexes, mais jouer les séductrices ? Rester une grande amoureuse ?

YDLB : Bien sûr ! C'est justement le féminisme que je défends : être une femme, féminine, sexy qui aime les hommes, est amoureuse, adore séduire, bref qui joue avec son identité féminine tout en revendiquant d'être respectée, traitée avec égalité et justice... rien que de très normal !

Les caprices de divas, vous en pensez quoi ?

YDLB : Rien. Les divas font des caprices mais pas plus que les hommes. Cela ne concerne que des stars trop payées, trop adulées mais pas assez intelligentes et profondes pour rester à leur place et ne pas se laisser aller à la vanité.

Y a-t-il une actualité que vous voulez commenter parce qu'elle vous séduit ou vous hérisse ?

YDLB : Une phrase d'une journaliste tunisienne sur la révolution arabe qui disait que les femmes avaient participé à la lutte, s'étaient battues, avaient aidé les hommes autant qu'elles avaient pu, avaient risqué leur vie et qu'aujourd'hui que c'était fini, elles avaient disparu de l'actualité. Et que les hommes, se demandaient juste comment elles devaient être habillées, en parlant du voile. Révélateur...

 

Et si vous étiez un homme ?

YDLB : Si j'étais un homme, je serais comme mes deux fils dont je suis très fière. Ils sont très masculins mais pas machos, doux, gentils, ouverts aux autres, prêts à se remettre en question, et ils adorent les femmes... qui le leur rendent bien !

Sois belle et bats-toi !

A l'occasion de la Journée de la Femme le 8 mars, les éditions La Martinière font paraître un manifeste engagé de Yolaine de la Bigne : "Sois belle et bats-toi !"

Pour l'auteur, il ne s'agit pas de se caler dans les pas de féministes classiques, mais d'être humaniste, pour que femmes et hommes puissent vivre ensemble dans le respect.

Drôle, intelligent, magnifiquement illustré et sérieusement sourcé, l'ouvrage, vendu 13, 90 euros, est disponible dès aujourd'hui dans l'ensemble des circuits de distribution habituels, librairies, Internet...