75 ans après, bilan sur le droit de vote des femmes

Il y a 75 ans, le 29 avril 1945, les Françaises votaient pour la première fois, un an après avoir obtenu ce droit. Un long combat qui demeure encore vrai aujourd'hui. Si la bataille de la parité leur a permis d'accéder aux responsabilités, en l'absence de contraintes légales, elles restent sous-représentées dans la sphère politique.

75 ans après, bilan sur le droit de vote des femmes
© COLLECTION ANTOINE/SIPA

"Nous sommes ici pour célébrer une journée décisive de l'histoire de notre pays. Un jour où la moitié de la France a rejoint l'autre moitié pour exercer ses droits. C'est l'histoire d'une conquête qui relève aujourd'hui de l'évidence (...) Et pourtant quelle lutte ! Ce droit n'a pas été octroyé aux femmes, elles l'ont conquis" : c'est ainsi que le Président s'est adressé aux 300 femmes maires réunies à l'Hôtel de Ville de Paris à l'occasion de la célébration du 70e anniversaire du droit de vote et d'éligibilité des femmes, en avril 2014.
Une conquête. "Drôle" de paradoxe pour un pays qui fut pourtant l'un des premiers à instaurer le suffrage universel masculin. Dès 1789, les femmes s'en offusquent, à l'image d'Olympe de Gouges qui déclarait "la femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit aussi avoir le droit de monter à la tribune". Elles l'obtiendront leur droit de vote, les femmes, mais par une porte dérobée.

Le 21 avril 1944, c'est suite à un amendement du communiste Fernand Grenier que les femmes deviennent électrices et éligibles. Leur émancipation politique ne va pas se faire sans mal dans une France profondément patriarcale. Les Françaises restent à cette époque, des "femmes".

Le 29 avril 1945, alors que les Françaises carte électorale en poche sont appelées aux urnes pour la première fois, la presse les présentent comme de "gentilles mamans" remplissant leur devoir citoyen. Leur rôle dans le processus électoral reste marqué par leur condition sexuelle, les femmes vont rester longtemps écartées du monde politique.

En 1993, elles ne sont que 5,7 % à siéger au Parlement, à peine plus qu'au sortir de la deuxième Guerre mondiale.

Entre 1945 et les années 1990, on assiste à une baisse permanente du nombre de femmes élues à l'Assemblée nationale. Force est de constater que les blocages persistent. Nouvelle bataille, pour la parité.

En 2000, la France est le premier pays à adopter une législation se fondant sur le principe de parité. Faut-il s'en vanter ? Oui, parce qu'il s'agit d'un pas de plus dans l'égalité entre hommes et femmes, non parce qu'il est regrettable de constater que seules des contraintes légales sont de nature à la garantir. "Quand la loi n'oblige pas, le temps ne suffit pas et il n'y a pas de réelle évolution" affirme à ce sujet Danielle Bousquet, la présidente du Haut conseil à l'égalité. Pour cette dernière, "les lois ne vont pas encore assez loin, il faudrait être dans la contrainte absolue" car si la parité quantitative est instaurée, la parité qualitative est contestable. Beaucoup de dossiers restent encore très "féminins" (famille, santé, droit des femmes), quand d'autres semblent quasi exclusivement réservés aux hommes. La Présidence de la République, par exemple...

En 2019, la parité en politique s'installe peu à peu même si les postes à responsabilités restent largement occupés par les hommes. L'Assemblée nationale française, grâce en particulier au fort renouvellement de 2017, compte quasiment 40 % de femmes. Sur ce critère, la France est dans les quinze premiers pays au monde. Autre exemple, lors de la 27e cérémonie des prix du Trombinoscope,  la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa a été sacrée "révélation politique de l'année". On peut citer aussi la nomination récente de Sibeth Ndiaye comme porte parole du gouvernement français.

Des améliorations lentes donc, mais notables et encourageantes... Comme le rappelle justement l'historienne Mathilde Larrère, les femmes partent de loin, de très loin. C'est pour cela que chaque bond en avant est un progrès considérable même si "les femmes sont entrées en politique, mais les hommes sont restés au cœur de la pièce" comme elle l'explique dans Libération