Yolaine de la Bigne : "Etre féministe c'est aimer les hommes aussi"

Voix iconique de France Info pendant douze ans, fondatrice du site "Néoplanète" et féministe convaincue, Yolaine de la Bigne a plus d'un tour dans son sac. Du 24 au 26 août, elle organise une Université d'été de l'animal, ouverte à tous, au somptueux Château de la Bourbansais, en Bretagne. Nous en avons voulu savoir un peu plus sur sa nouvelle vie, au vert.

Yolaine de la Bigne : "Etre féministe c'est aimer les hommes aussi"
© Maëlle Guignard de la Bigne
Le Journal des Femmes : Dans cette année charnière pour vous, que pensez-vous de l'évolution de la place de la femme et des actions dont elle peut être porteuse dans notre société ?  
Yolaine de la Bigne : La femme continue de revendiquer la place qui lui revient puisqu'elle constitue la moitié de l'humanité. Mais il faut rester vigilant car rien n'est acquis. Le machisme triomphe toujours, les femmes se voilent pour ne pas montrer leur beauté et "par soumission" (quel mot affreux!) et le viol reste une réalité de chaque seconde, donc ne crions pas victoire trop vite. Ce qui est positif c'est que les jeunes femmes qui ne se posaient pas trop de questions ont compris beaucoup de choses grâce au mouvement #metoo et balancetonporc. C'est capital puisque c'est elles qui défendront la place de la femme demain et surtout éduqueront leurs filles. Ce mouvement doit continuer dans le temps, sans la violence des premières féministes, mais avec détermination, le chemin reste long. 
 
Le milieu journalistique aussi a été éclaboussé par la vague #metoo... Quel type de pressions avez-vous pu rencontrer ?
Yolaine de la Bigne : Aucune, je me suis fait draguer comme toutes les femmes, mais jamais dans l'irrespect. Le milieu de la presse est assez bienveillant vis à vis de nous par rapport à d'autres, même s'il y a encore des marges de progrès, ce qui est normal malheureusement, mais franchement, il y a pire !
 
On vous décrit comme une "éternelle optimiste", où trouvez-vous cette énergie / comment faites-vous ?
Yolaine de la Bigne : C'est une philosophie de vie. La vie est dure, elle ne fait pas de cadeaux et j'ai eu mon lot de problèmes. Donc soit vous êtes du côté des combattants, soit des plaignants. Je préfère la première catégorie, le monde n'avance pas avec des pessimistes et des plaintifs. J'ai pleinement conscience, surtout en tant que femme, d'avoir l'immense chance d'être née dans un pays où je suis libre. Et même dans le malheur, on peut trouver du positif. Prenons les femmes : si elles restent les grandes victimes du monde actuel dans de nombreux pays, que de progrès ! Lisez des livres d'histoire et cela vous rendra optimistes : il n'y a que 50 ans, la vie des françaises était épouvantable, elles n'avaient droit à rien ! Idem pour le combat que je mène sur les animaux qui sont les martyrs de l'industrie capitaliste, aujourd'hui on s'en rend compte, c'est un progrès immense ! Quand je suis devenue végétarienne il y a 30 ans, j'ai du me cacher durant des années tellement les gens -même mes amis- étaient agressifs sur ce sujet. Aujourd'hui, on vous encourage et au pire on ne vous dit rien. Le regard a changé, c'est un progrès immense !
 
Quelles femmes vous inspirent ?
Yolaine de la Bigne : Les femmes qui ont le courage de défendre les autres femmes, ce qui n'est pas toujours gagné, car certaines ne sont pas très solidaires et n'aident pas forcément les autres. Evidemment celle qui a fait la Une avec son entrée au Panthéon est Simone Veil, qui a toujours lutté pour aider les femmes avec opiniâtreté, tout en restant très calme, très douce, ce qui est tellement difficile. Etre à la fois déterminé sans devenir agressif est très difficile quand on est engagé. Simone Veil est un modèle.
 
Quel a été le déclic de votre engagement pour la cause animale ?
Yolaine de la Bigne : J'ai toujours adoré les animaux, mais des images d'abattoirs à la télévision m'ont tellement secouées que je suis devenue végétarienne du jour au lendemain. Plus on connait le sujet, plus on est sidéré par la cruauté et la lâcheté humaine. Un sujet très lié à celui des femmes d'ailleurs car c'est celui de la violence, ceux qui battent les animaux, battent souvent leur femmes et leurs enfants. Et des études ont démontré que la plupart des serial killers s'étaient exercés enfant sur des animaux. Comme les associations de protection animale font déjà un travail remarquable, j'ai choisi une autre voie : l'intelligence animale. Cette science nouvelle qu'est l'éthologie (l'étude du comportement) diffuse depuis quelques années les résultats de travaux époustouflants et les nouvelles techniques comme les balises ou les drones permettent des observations jusque-là impossibles. Résultat : on constate aujourd'hui que les animaux sont très intelligents (parfois plus que l'homme), empatihiues, solidaires, ils ont de l'humour, le sens de la mort... Bref, on comprend aujourd'hui que l'homme est un animal comme les autres, une sacrée gifle !
 
© Larousse

Attendez-vous des résultats concrets avec ce projet ?
Yolaine de la Bigne : De faire connaitre cette cause bien sûr ! J'attends que les gens viennent à la 3e Université d'été de l'animal qui se déroule les 24-25 et 26 août au château de la Bourbansais avec son parc animalier, en Bretagne. Je l'organise pour réunir des spécialistes et c'est toujours passionnant. C'est étonnant d'ailleurs comme l'animal est un sujet inspirant. Il nous apporte un supplément d'âme et durant ces trois jours l'ambiance est formidable grâce à eux. Cette année on parlera par exemple de l'intelligence des oiseaux, des poulpes et des fourmis, mais aussi du Biomimétisme, cette science qui s'inspire de la nature pour fabriquer des objets ou des appareils pour les hommes. La vétérinaire, Julie Garnier, qui a vécu en Afrique où elle a créé des réserves, expliquera qu'on ne peut protéger les animaux qu'avec les populations locales et surtout les femmes. Si on a l'adhésion des femmes, elles portent le message dans le village, auprès de leurs enfants et on peut réellement progresser. Pour ceux qui ne peuvent pas venir, les conférences seront filmées et diffusées sur le site. Et justement, j'aimerais que beaucoup gens viennent sur le site et s'inscrivent à la newsletter pour avoir régulièrement des infos sur l'intelligence animale. Les conférences sont aussi réunies chaque année dans un livre chez Larousse. Le dernier, Les secrets de l'intelligence animale donne la parole à Christine Rollard la "madame araignée" française  et à Sabrina Krief qui travaille sur le savoir médicinal des singes dont on s'inspire pour fabriquer des médicaments.

Quelles en sont les finalités ?
Yolaine de la Bigne : Le but est de changer le regard du public en portant la pensée de tous ces spécialistes qui travaillent souvent seuls. Donc je réunis toutes ces informations et ces témoignages pour que  les gens comprennent que l'animal n'est pas une bête sale qui ne pense qu'à manger mais qu'elle est un être intelligent qui peut nous apporter plein de choses et qu'il est donc normal de le respecter. On le voit d'ailleurs dans la médiation animale où les animaux donnent tant de bien-être à des gens fracassés par la vie. 
 
Comment une femme peut-elle être "crédible" et se faire entendre dans les causes qu'elle défend ? 
Yolaine de la Bigne : Elles sont aussi crédibles que les hommes et sont souvent excellentes car plus pragmatiques et moins attirées par certains signes extérieurs de réussite. En revanche, elles sont encore trop absentes des médias mais cela change. En tout cas, dans mon domaine il y a beaucoup de femmes et elles sont brillantes !
 
Au-delà des cercles d'expert(e)s, l'avenir en péril des animaux vous semble-t-il un sujet facile à aborder dans la vie de tous les jours ? 
Yolaine de la Bigne : Oui, car dans l'échelle de la souffrance, ils sont au plus bas. Il y a un sadisme inimaginable et totalement officiel quand on voit une corrida, une ferme à fourrure ou une stabulation à cochon. L'industrie le cache afin que le public ne voit pas les horreurs de ces milliards d'animaux torturés, pour que les gens continuent de porter un manteau en vison ou mangent du saucisson. Une cruauté révélatrice d'une société hors-sol. C'est encore plus révoltant lorsque l'on découvre maintenant que ces animaux souffrent, ont une vie sociale... C'est la honte de la société moderne.
 
Que voudriez vous transmettre aux autres femmes ? 
Yolaine de la Bigne : De ne rien lâcher ! Sans pour autant devenir agressives mais de continuer à s'entraider en restant pragmatiques. Etre féministe c'est aimer les êtres humains, les femmes mais les hommes aussi. C'est refuser l'inégalité et la souffrance. J'avais développé dans Sois belle et bats-toi (éd. Lamartinière) les nombreuses raisons pour lesquelles les femmes et les hommes doivent être féministes, pour lutter contre la violence bien sûr, mais moins connue pour une raison économique. De nombreuses études ont démontré que les pays qui protègent les femmes sont plus riches car en soutenant une femme, on l'aide à bien éduquer ses enfants qui iront chez le médecin pour ne pas être malade et à l'école pour avoir un boulot plus tard. La femme est essentiel pour que le monde tourne rond !