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Tina Katushabe, une femme au service des femmes en Ouganda

Tina Katushabe, une femme au service des femmes en Ouganda Tina Katushabe vit dans les montagnes de la région de Bwindi, au sud-ouest de l'Ouganda. Elle a dédié sa vie à créer un women's center pour aider les femmes à s'émanciper.

Peuplée de gorilles, pluvieuse et junglesque, la forêt de Bwindi est baptisée "The Impenetrable Forest" tant elle est dense. Sur l'ancienne terre des Pygmées, on rencontre aujourd'hui de nombreuses populations, d'incroyables étendues de champs de thé et une jeune femme, grande figure de ce minuscule village d'altitude. Elle a les lèvres peintes en rouge vif et un immense sourire : elle s'appelle Tina Katushabe.

On suit la route sinueuse en terre rouge jusqu'à son "women's center". C'est un endroit où les femmes et les enfants du village se réunissent et apprennent toutes sortes de techniques d'artisanat, dans un but commercial. C'est Tina qui en est à l'origine. Elle nous raconte la naissance de ce projet social.

La justice et les femmes en Ouganda

Quelques années plus tôt, alors qu'elle vient voir son frère, game ranger (officier de protection de l'environnement) dans ce village, elle fait une rencontre qui change le cours de sa vie. "Une petite fille de 5 ans m'a confié avoir été abusée par un homme". La fillette est baptisée Bérina, elle a presque le même âge que la fille de Tina à ce moment-là. L'histoire est insupportable pour la jeune mère, qui en parle autour d'elle. "Je me suis dit : cette enfant mérite que justice soit rendue".

Dans les campagnes, les femmes ont beau tout faire de leurs mains, la société y est radicalement patriarcale, le développement proche de zéro et la justice trop lointaine. Il faut une dizaine d'heures de route, pour atteindre la capitale : Kampala. Quand ce genre d'agression survient, les victimes ne portent pas plainte. "À quoi bon ?" légende Tina. Mais la jeune femme, tout juste sortie des études, se met en tête de retrouver cet homme, âgé de 45 ans, ainsi que toutes ses victimes pour les faire témoigner. Promesse tenue : "J'ai rencontré les autres enfants, elles ont parlé, et l'homme a été arrêté", conclut-elle.

Cette histoire créé un lien fort entre Tina et les femmes du village. "À chaque fois que je revenais, toutes les filles venaient me voir, je me suis dit que je pouvais continuer à les aider au-delà de cette triste affaire", continue-t-elle. Comment ? En leur apprenant à faire quelque chose de concret qui les aide financièrement. La pauvreté aliène les femmes dans les campagnes et les enlise dans un cercle vicieux. Comme les femmes s'occupent de l'agriculture, quand on manque de bras pour entretenir les champs, on retire les filles de l'école en premier pour aller travailler. "Les enfants n'avaient pas d'habits, pas de chaussures, pas de matériel scolaire. Et les familles n'avaient pas d'argent pour acheter tout ça", ajoute Tina.

Change a life Bwindi : aider les femmes à s'émanciper

Elle a monté ce women's center, baptisé "Change a life Bwindi", leur a appris à tresser des paniers qu'elles pourraient vendre en décoration ou rangements pour la maison aux touristes. En leur enseignant la création et le commerce, elle leur a donné une chance de s'émanciper, et montré comment utiliser leurs compétences pour subvenir à leurs besoins. Dans le centre, on lutte aussi contre la déscolarisation des jeunes filles, contre le mariage des adolescentes, et on donne des cours de soutien aux enfants en dehors de l'école.

Il existe d'autres women's center en Ouganda, globalement à l'initiative d'associations ou d'ONG. L'Etat apporte parfois une aide financière à certains d'entre eux, confie Helen Lubowa, directrice d'UCOTA (Uganda Community Tourism Association). Mais ce sont presque toujours des initiatives privées, et ces centres essentiels pour l'émancipation des femmes sont encore trop peu nombreux. 

Tina a les larmes aux yeux en présentant les produits de la boutique solidaire. Arriveront-elles à suffisamment commercialiser leur production pour aider le village ? Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Elle est inquiète, parfois. Mais le groupe est soudé : elles font de la couture, tressent des paniers, vendent du miel et des animaux en bois sculpté. Les initiatives ne manquent pas. Notre visite s'achève sur une chorale des femmes dans un élan de joie qui, sous le poids de leur danse, fait vibrer le sol.

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