Remaniement : les droits des femmes, entre fourneaux et biberons

Suite au remaniement ministériel, les Droits des femmes se détachent de la Santé et des Affaires Sociales pour rejoindre la Famille et l'Enfance. Un retour en arrière ?

Remaniement : les droits des femmes, entre fourneaux et biberons
© TARDIVON JEAN CHRISTOPHE/SIPA

"Il faut sortir des stéréotypes pour faire évoluer les droits des femmes", nous déclarait Pascale Boistard il y a quelques mois. Alors en charge du secrétariat d'Etat dédié, elle était loin de se douter que le quatrième remaniement ministériel allait porter un coup à la condition féminine.
Avec le gouvernement Valls III, les Droits des femmes font leur grand retour au côté de la Famille et de l'Enfance, pendant qu'Ericka Bareigts devient secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargée de l'Egalité réelle. 
On se souvient encore, en 2012, des cris de joie des féministes à l'annonce de la création d'un ministère dédié aux Droits des femmes, dirigé par Najat Vallaud-Belkacem. Puis, de leur clameur transformée en chuchotements dubitatifs quand leur fer de lance s'était finalement transformé en secrétariat d'Etat rattaché au ministère des Affaires sociales et de la Santé. C'était en 2014 et ça passait déjà limite… Depuis le 11 février 2016, les murmures perperplexes sont devenus des grognements de rage. Les Droits des femmes sont désormais liés au ministère de la Famille et de l'Enfance. Comme si la femme, après avoir lutté pour s'affranchir des clichés, était de nouveau reléguée aux fourneaux, à s'occuper des marmots. Un amalgame qui tenterait presque de nous faire oublier l'épineuse problématique de la condition féminine, inhérente à l'emploi, à la santé, à l'économie, ou à la justice... et pas seulement au foyer. Pendant qu'à la rédac', on essaie de se rassurer en cherchant le sens de "l'égalité réelle" promise par le gouvernement, les féministes montent au créneau.

Colère et lots de consolation

"Nous rappelons encore et toujours que les droits des femmes sont une question transversale à toutes les questions politiques, et pas que à la famille. (...) Marche arrière toutes !", écrit, scandalisé, Osez le féminisme. Dans le même temps, le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes – qui, le jour même, présentait son rapport sur le sexisme au travail au ministère de la Santé... – se questionne : "Mettre sous un même Ministère 'la famille, l'enfance et les droits des femmes', n'est-ce pas enfermer les femmes dans le rôle stéréotypé qui leur est assigné depuis des siècles : celui d'épouse et de mère ?" Malheureusement, on croit connaître la réponse… tout comme Caroline de Haas, militante féministe, qui fulmine sur son blog : "De l'indifférence donc, pour le sujet et du mépris, beaucoup de mépris, pour les femmes."
Parce qu'il faut toujours voir le côté positif des choses, ce nouveau gouvernement affiche une parité parfaite : 9 femmes et 9 hommes ministres, 10 femmes et 10 hommes secrétaires d'Etat. Autre lot de consolation : les droits des femmes dépendent désormais de Laurence Rossignol, connue pour être une féministe assidue. Dans les années 70, elle militait auprès du MLF pour le droit à l'IVG. En 2005, elle signait le texte La femme, le fou et le colonisé sur la domination masculine et les stéréotypes de genre. En 2016, elle incarne la femme, l'enfance et la famille. Nos espoirs se tournent vers elle.