Avortement : les Irlandais ont dit oui à sa légalisation

Les Irlandais se sont rendus aux urnes vendredi 25 mai pour se prononcer pour ou contre la libéralisation de l'avortement. Le résultat est sans appel : 66,4% des électeurs ont dit oui à la légalisation de l'IVG. Une victoire historique dans un pays à forte tradition catholique.

Avortement : les Irlandais ont dit oui à sa légalisation
© Peter Morrison/AP/SIPA

[Mise à jour du 28/05 à 10h05] C'est un moment historique pour l'Irlande : 66,4% des électeurs se sont prononcés en faveur du "oui" pour la légalisation de l'IVG au cours du référendum organisé ce vendredi 25 mai. Une victoire saluée par le premier ministre, Leo Varadkar, qui a déclaré sur la chaîne publique RTE : "Ce que nous voyons aujourd'hui, c'est l'aboutissement d'une révolution tranquille. Le peuple a dit que nous voulons une Constitution moderne pour un pays moderne, que nous faisons confiance aux femmes et que nous les respectons pour prendre les bonnes décisions concernant leur propre santé."  Après une campagne sous tension, ce résultat apparaît pour certains comme la progressive baisse d'influence de l'Eglise sur ce pays à forte tradition catholique. La nouvelle législation devrait être promulguée avant la fin de l'année. 

Les Irlandaises auront-elles un jour le droit d'avorter dans leur pays ? Une question en suspens sur laquelle vont se prononcer vendredi 25 mai les citoyens de ce pays européen dans lequel l'IVG est encore interdit. Il leur est demandé s'ils souhaitent l'abrogation du 8e amendement de la Constitution qui interdit l'accès à l'avortement. Seule une réforme votée en 2013 le permet en cas d'exception : soit si la vie de la mère est en danger. Le viol, l'inceste ou la malformation du fœtus ne sont pas des raisons légales pour avorter et toute personne aidant une femme à le faire encourt jusqu'à 14 ans d'emprisonnement. Cette législation très restrictive figure parmi les pires d'Europe avec Malte et l'Irlande du Nord. Si le Premier ministre d'Irlande, Leo Varadkar, a appelé à voter en faveur du oui, en qualifiant cette consultation d'"opportunité d'une seule génération" sur la radio Newstalk, les pro-life, ou les défenseurs de l'interdiction de l'IVG, ont su se montrer très actifs pendant toute la campagne en menant des opérations de grande ampleur.

Deux camps s’affrontent

Depuis le début de la campagne pour le référendum, l'Irlande est déchirée entre les pro et anti-IVG. Les premiers souhaitent que l'avortement soit légalisé sans condition jusqu'à 12 semaines de grossesse, et jusqu'à 24 pour raisons de santé. Une situation semblable à la France que tous les Irlandais ne voient pas d'un bon œil. Si les derniers sondages donnent le "oui" gagnant avec 56 à 58% de voix, 14 à 17% d'Irlandais sont toujours indécis. Ce sont ceux-là que les pro-life tentent de faire tomber dans leurs filets en s'activant dans la rue et sur les réseaux sociaux. Soutenu par l'Eglise catholique et les mouvement ultra-conservateurs, le camp du "non" déploie une panoplie de slogans et d'affiches choc. Une d'entre elles représente un fœtus de 11 semaines avec pour légende : "11 semaines. C'est un des nôtres. Votez non." Une propagande contre laquelle se battent les défenseurs de l'avortement. Parmi les actions menées : des paires de chaussures abandonnées sur la chaussée symbolisant les femmes abandonnées par leur propre pays qui ont dû se rendre à l'étranger pour avorter.

Une mobilisation massive

Les pro-IVG ont mis en lumière les conditions horribles auxquelles sont confrontées les Irlandaises souhaitant avorter malgré l'interdiction. Outre les 168 000 femmes qui sont allées en Angleterre ou au Pays de Galles pour subir une IVG entre 1980 et 2016, d'autres se sont soumises à des pratiques dangereuses. "Certaines prennent des trucs pas possibles, des cocktails de je-ne-sais-quoi, de l'eau de Javel. Elles se mettent des choses dans le vagin", a déclaré une médecin d'un planning familial irlandais à franceinfo. Ces propos ont fait frissonner un bon nombre d'Irlandais, qui se sont inscrits en masse sur les listes électorales. Plus de 118 000 demandes d'ajouts ont été répertoriées depuis le début de l'année, signe de l'intérêt porté à ce référendum. Autre preuve ; de nombreux citoyens installés à l'étranger sont rentrés au pays pour voter, répondant à l'appel du hashtag #HomeToVote. En 2015, les Irlandais avaient voté pour le mariage homosexuel, malgré la tradition catholique et l'ultra-conservatisme qui règnent sur le pays. Espérons qu'en ce 25 mai 2018, ils voteront pour l'autorisation de l'IVG et permettront à l'Irlande d'entrer dans l'ère moderne.