Aimer son corps : une obligation "sociale" ?

Les mouvements prônant l'amour de soi se propagent sur les réseaux sociaux et encouragent hommes et femmes à exposer leur corps assumé. Obsession du physique ou neutralisation des complexes ? On se penche sur ce qui nous pousse à nous exhiber.

Aimer son corps : une obligation "sociale" ?
©  INSTARimages/ABACA

L'heure du bikini body a sonné. Il est temps de dévoiler son corps sur la plage, que l'on soit prête ou non. Et si la solution pour mieux vivre ce moment, plutôt qu'une séance d'abdos, était de s'accepter comme on est ? Facile à dire alors que magazines et réseaux sociaux nous bombardent de corps minces et musclés. Qu'elles prennent la forme de challenges minceurs comme le Top Body Challenge créé par Sonia Tlev, ou bien celle de hashtags (#fitfamily par exemple), les normes de beauté continuent de faire pression sur notre bien-être. Ne serait-il pas d'accepter que chacun puisse être différent ? La réponse est oui et étrangement, les réseaux sociaux ont aussi un rôle à jouer.

Body positive : aimer son corps à tout prix 

Le mouvement du body positive a vu le jour en 1997 avec l'auteure Connie Sobczak et la psychothérapeute Elizabeth Scott, sous la forme d'un groupe de discussion visant à aider les adolescentes à accepter leur corps. Avec les années et la popularité des réseaux sociaux, cette initiative s'est rapidement transformée en une immense communauté virtuelle principalement féminine. Peu importe leur morphologie, ces adeptes de la tendance clament haut et fort la beauté de leur physique et embrassent leurs kilos superflus, leurs vergetures, mais aussi leurs tablettes de chocolat. A coups de #bodyposi, #bodylove, #healthy, ou encore #fatpositive, les femmes osent dévoiler leur corps. Le but ? Prouver qu'il est tout à fait possible d'être bien dans sa peau malgré les diktats des médias.

Etre bien dans sa peau malgré la pression de la société

Pour ces défenseurs du girl-power, Instagram est vite devenu la plateforme idéale pour répandre leur voix. A la fois coaches et égéries, certaines influenceuses surfent sur cette vague du positivisme et inspirent des milliers de jeunes, comme la Youtubeuse Loey Lane ou encore "la féministe" Megan Jayne Crabbe (@bodyposipanda). "Il est plus facile de contester l'ordre établi, confie la psychanalyste Catherine Grangeard, puisque la réaction est immédiate, bonne ou mauvaiseGrâce aux réseaux sociaux, un tas de personnes peuvent dire qu'ils en ont ras le bol et ils se sentent ainsi moins seuls."  Toutefois, se mettre à nu d'une telle façon n'est pas aussi simple, ni totalement sain. 

Body neutrality : aimer son corps différemment

Malgré la portée du body posi, qui se veut inspirant et positif, beaucoup de femmes se voient une nouvelle fois obligées d'aimer leur corps. Il y a des jours où l'on se sent ballonnées, où l'on n'apprécie pas ses poignées d'amour, où l'on a pas envie de se regarder dans le miroir... Et c'est normal. Vouloir aimer sa silhouette au point de l’idolâtrer et d'en être obsédée quotidiennement pourrait provoquer l'effet inverse. Il est très difficile, voir presque impossible, de passer de la détestation à l'amour de soi. Voilà pourquoi certaines femmes optent pour une version plus nuancée du body positive : le body neutrality (soit la neutralité du corps).

Délaisser son obsession de la perte de poids et de son reflet dans le miroir

"Mon problème avec le mouvement body positive – en plus du fait que le standard soit très élevé – c'est qu'il demande aux femmes de réguler leurs émotions, en plus de leur corps. Cette pression n'est pas prête de retomber de sitôt. (...) La body positivity se focalise uniquement sur le corps. Mais les jours où je suis la plus heureuse sont ceux pendant lesquels je ne pense pas du tout à lui", rapporte Whitefield-Madrano, auteure du livre Face Value : The Hidden Ways Beauty Shapes Women's Lives, au New York Magazine.

Si le body neutrality met lui aussi l'accent sur l'acceptation de soi, il opte pour une approche plus souple. Vraie philosophie de vie pour certaines, il fait comprendre aux femmes qu'il est normal de ne pas se trouver belle tous les jours. Après tout, personne n'est parfait ! "La neutralité du corps ce n'est pas se jeter sur un paquet de chips et oublier sa santé. C'est plutôt délaisser son obsession de la perte de poids et de son reflet dans le miroir pour se concentrer sur ce que l'on ressent", confie Marisa Meltzer, journaliste qui a participé à un programme dédié. En bref, il faut libérer son esprit pour être capable d'accepter son corps et gagner en estime de soi. Pour la spécialiste Catherine Grangeard, l'important est de "prendre du recul (...), considérer globalement pourquoi on se sent mal. (...) Personne n'a pas besoin de s'aimer pour s'accepter."

Que vous soyez plutôt body positive ou body neutrality importe finalement peu. L'essentiel est de se sentir bien dans sa peau. Les complexes existent chez tout le monde et ceux qui vous disent le contraire essayent peut-être simplement de se rassurer. Le vrai bikini body, c'est quoi ? Le corps d'une femme qui se sent bien dans son maillot de bain. Alors sortez votre plus beau deux-pièces (ou trikini) et n'y pensez plus.