Benoît Hamon : "Nous devons reconnaître un droit à une fin de vie dans la dignité"

A quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, nous avons interrogé Benoît Hamon sur son programme de société, notamment à destination des femmes. Le candidat nous a répondu par mail.

Benoît Hamon : "Nous devons reconnaître un droit à une fin de vie dans la dignité"
© Lionel Bonaventure/AP/SIPA

La campagne présidentielle s'achève avec le sentiment qu'il reste encore beaucoup de sujets à aborder, délaissés au profit des affaires et des scandales qui ont émaillé ces dernières semaines. Les droits des femmes font partie de ces grands oubliés. Pour tenter d'y remédier, nous avons  soumis un questionnaire sur ce thème aux 5 principaux candidats. François Fillon et Benoît Hamon sont les seuls à nous avoir répondu. Voici les réponses du candidat socialiste. 

Comment expliquez-vous que le sujet des droits des femmes n'ait pas été plus mis en lumière durant cette campagne, notamment lors des débats télévisés ?
Cette campagne est malheureusement polluée par l'argent. Les affaires de M. Fillon et de Mme Le Pen font honte à notre démocratie et abaissent le niveau du débat. L'attention des électeurs et des électrices et de certains médias s'est donc concentrée sur les affaires, les petites histoires politiciennes plutôt que sur le fond. Par ailleurs les débats télévisés, ont été bénéfiques pour la démocratie dans le sens où ils ont permis de présenter nos idées à une grande partie des Français.e.s, n'ont pas permis d'aborder cette question pourtant fondamentale, et je le regrette car il n'est pas acceptable de laisser de côté des inégalités qui touchent en particulier 52% de la population et nuisent à la société dans son ensemble. L'invisibilisation des questions d'égalité femmes-hommes est une des raison de la relative stagnation des inégalités. Il faut donc en parler, alerter, sensibiliser et c'est le rôle du responsable politique que je suis que de le faire. Je me suis efforcé, dans mes discours et différentes interventions, d'en parler autant que possible, notamment concernant la précarité des femmes au travail et ma volonté de faire avancer la parité.

Quels sont les thèmes qui vous tiennent à coeur en la matière ?
Comme j'ai pu le dire lors de mes différentes interventions : je serai un président féministe, et notre République sera féministe. Cela veut dire d'abord que je me donnerai les moyens de passer la vitesse supérieure en doublant le budget du ministère des droits des femmes, en formant l'ensemble des fonctionnaires à  l'égalité, en créant des postes d'inspecteurs.trices du travail pour contrôler les entreprises, en lançant des négociations de branche sur la revalorisation des métiers majoritairement occupés par les femmes, en créant 4500 places d'hébergement spécialisé pour femmes victimes de violence.
Mais être féministe cela veut aussi dire évaluer chaque mesure à l'aune de l'impact qu'elle a sur les femmes en particulier, notamment concernant le droit du travail. C'est pourquoi la revalorisation massive du pouvoir d'achat que je propose avec le revenu universel,

"Il est essentiel qu'on arrive à promettre à nos filles un avenir meilleur"

l'abrogation de la loi travail et la création de droits nouveaux sont des mesures qui bénéficieront spécifiquement aux femmes parce qu'elles feront reculer la précarité au travail, qui les touche principalement. Il est essentiel qu'en 2017 on arrive enfin à promettre à mes filles, à nos filles, un avenir meilleur. Un avenir où elles n'auront pas à se battre pour avoir juste les mêmes droits et les mêmes possibilités, des conditions de vie similaires, que les garçons.  

Quelles mesures mettrez-vous en place pour :

- lutter contre les violences conjugales ?
Je mettrai en place une meilleure protection des femmes victimes de violences. Les plaintes seront mieux traitées, les poursuites systématiques et les jugements plus rapides grâce à la création d'unité spécialisées dans les commissariats et gendarmeries, et à la formation des policier.e.s, gendarmes et juges. Je créerai 4500 places d'hébergement spécialisé.

- lutter contre le  harcèlement sexuel ?
Je renforcerai la lutte contre le sexisme par la création d'une brigade des discriminations et le lancement d'un grand plan de lutte contre le sexisme dans les médias, les publicités et sur Internet. Celui-ci visera à adopter des mesures législatives et règlementaires concrètes pour faire reculer les comportements sexistes et les stéréotypes.

- protéger le droit à l'avortement ?
J'augmenterai le nombre de centres de planification familiale et de structures pratiquant des IVG. Je me suis engagé à maintenir les dotations aux collectivités locales, qui jouent un rôle important dans le financement des associations et dans l'accès des femmes à leurs droits. Je me refuse à l'austérité, quel qu'en soit le degré, parce qu'à chaque fois ce sont les services comme les centres d'IVG qui ferment, comme cela a été le cas à chaque fois que la droite a été au pouvoir.

- garantir l'égalité salariale entre hommes et femmes ?
Le contrôle et des sanctions systématiques contre les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière d'égalité professionnelle. Je renforcerai également les sanctions inscrites dans la loi : 1 an d'emprisonnement et 3750 € d'amende en cas de non respect de l'égalité salariale. J'impulserai des négociations de branche afin de revaloriser les métiers majoritairement occupés par les femmes, sous rémunérés par rapport à ceux majoritairement occupés par des hommes alors qu'ils recouvrent un niveau de responsabilité égal. Nous multiplierons les actions en faveur d'une orientation non sexiste et de la mixité des métiers, par la poursuite des plans pour la mixité des métiers et davantage d'interventions d'associations dans les établissements scolaires, ainsi qu'une meilleure formation des professionnel.le.s de l'orientation sur ces questions. La réduction du temps de travail que je souhaite engager dans les entreprises permettra aussi d'avancer sur l'égalité des salaires car elle permettra à des femmes à 80% d'être rémunérées demain à 100% pour le même nombre d'heures travaillées dans une entreprise qui passerait à la semaine de 4 jours par exemple.

- lutter contre les stéréotypes de genre ?
Je doublerai le budget du ministère des droits des femmes pour mener des politiques d'ampleur contre les inégalités, notamment une campagne chaque année de promotion de l'égalité. Nous harmoniserons et généraliserons les modules sur l'égalité dans la formation initiale et continue obligatoire des professeur.e.s. Cette formation sera étendue à l'ensemble des agents publics.

- aider les femmes à concilier vie professionnelle et vie de famille ?
Il n'est pas normal qu'aujourd'hui les femmes les moins favorisées n'aient pas accès au service public pour faire garder leurs enfants car il n'y a pas assez de place où qu'elles ne fonctionnent pas pendant leurs horaires de travail.
L'accueil des plus petit.e.s doit pouvoir se faire de manière plus adapté aux besoins des familles, notamment des femmes seules qui ont souvent des horaires décalés. Dans le cadre du service public de la petite enfance, je souhaite créer 250 000 places dont un grand nombre en horaires décalés, souples, ponctuels, etc.
L'extension du congé paternité et la lutte contre les discriminations doivent faire évoluer la vision de la parentalité dans l'entreprise, qui n'est pas uniquement l'affaire des femmes. Plus les pères seront impliqués à la maison, moins les femmes subiront une organisation du travail à horaires tardifs, sollicitations le soir et le week-end. Je pense aussi que le développement du télétravail dans certains secteurs peut permettre aux femmes comme aux hommes de mieux s'organiser et de passer davantage de temps avec leurs enfants.

En matière de santé, quelle est la première mesure concrète que vous mettrez en place une fois élu et à quelle échéance ?
J'interdirai les perturbateurs endocriniens, substances chimiques, parfois cancérigènes, qui perturbent notre organisme. Les femmes sont encore plus touchées que les hommes parce qu'elles sont davantage en contact avec les produits d'hygiène et les produits ménagers – la triste réalité étant qu'elles effectuent encore aujourd'hui l'immense majorité des tâches domestiques.

Quelle est votre position sur la fin de vie et l'euthanasie ?
Je défends la liberté de disposer de sa personne, de son corps, et de sa vie. Reconnaître le droit pour une personne de disposer de son corps et de sa vie est une responsabilité collective. Il revient en effet à la société non pas de condamner, mais d'accompagner ses membres dans leur choix face à la fin de vie. Le droit de mourir dans la dignité en ce sens est une réconciliation avec la vie. Ce n'est pas le choix de la mort, c'est au contraire l'expression d'une personne vivante, responsable et libre. L'idée même de vie humaine repose sur l'idée de liberté. Tout comme nous devons reconnaître un droit à vivre et à une fin de vie dans la dignité, j'appelle de mes vœux une évolution de notre droit pour une aide médicale active à mourir. Elle concernera toutes les personnes atteintes d'une maladie incurable, au moment où elles le souhaitent, et non plus seulement lorsque leur pronostic vital est engagé à court-terme.

Que ferez-vous pour aider les personnes en situation de handicap ?
Beaucoup de sujets ont malheureusement été éludées au cours de cette campagne par les affaires et les mises en scènes égotiques. J'ai toujours souhaité, loin de ça, baser ma campagne, sur le fond, sur un projet porteur de progrès. C'est aussi vrai sur ma politique sur le handicap. Pour que les personnes en situation de handicap et leurs aidants aient accès à une vie sociale et citoyenne active, je ferai de l'accessibilité un des principes de la 6e République.
Pour faciliter la scolarisation des personnes en situation de handicap et pour une école inclusive, je propose de diminuer les effectifs des classes en fonction du nombre d'élèves en situation de handicap. Je renforcerai aussi leur accompagnement en permettant aux personnes en contrat précaire d'accéder à un emploi d'accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH) pérenne. Je ferai également de l'accessibilité de l'Enseignement supérieur un des chantiers prioritaires du quinquennat.

"Je faciliterai la vie des salariés en situation de handicap dans l'entreprise"

Nous améliorerons le fonctionnement des maisons départementales des handicapés : simplification, personnalisation, réduction des délais, participation des usagers. Je sacraliserai le financement de places d'accueil en établissements sociaux, ou médico-sociaux, notamment pour les enfants en situation de polyhandicap. Je faciliterai la vie des salariés en situation de handicap dans l'entreprise par l'aménagement des postes de travail et en favorisant le télétravail. Enfin, j'augmenterai l'allocation adulte handicapé de 10 % dès 2017.

Que ferez-vous pour remédier au problème des déserts médicaux ?
Pour informer et inciter l'installation des professionnels de santé dans les déserts médicaux, nous créerons une "Mission nationale d'accès aux soins", dotée de larges prérogatives. Elle aidera à la création et au fonctionnement de 1500 maisons de santé pluridisciplinaires ainsi qu'à la pratique de consultations spécialisées avancées des hôpitaux dans ces territoires. Si malgré ces mesures incitatives, la pénurie d'offre de soins de premier recours devait perdurer, l'Etat prendra ses responsabilités en ayant recours si besoins à des médecins salariés. L'installation de médecins supplémentaires dans les zones déjà sur-dotées n'ouvrira pas le droit au conventionnement automatique par l'Assurance maladie. Nous favoriserons le développement de la télémédecine et le numérique en santé.

Quelles mesures mettrez-vous en place pour favoriser l'éducation sexuelle à l'école ?
L'école ne doit pas uniquement servir à instruire, mais aussi à former des citoyennes et des citoyens. Je souhaite qu'en sortant de l'école de la République, les jeunes partagent une culture commune de l'égalité. Cela passera par la formation initiale et continue des professeur.e.s, à l'égalité femmes-hommes, par la multiplication des campagnes de promotion de l'égalité et de lutte contre le sexisme, et par la multiplication des interventions en milieu scolaire par les associations, notamment concernant la sexualité. En effet, il faut permettre aux adolescent.e.s de comprendre le plus tôt possible pas uniquement comment on met un préservatif, même si c'est important, mais aussi les implications de la notion de consentement, le fait que la pornographie ne représente pas la réalité de la sexualité, l'existence d'une culture du viol dont il faut pouvoir se détacher pour avoir une sexualité véritablement libre et choisie. Cela signifie aussi alerter sur le fait que la prostitution, qui touche des publics de plus en plus jeunes notamment du fait d'Internet, est une forme de violence.

Reviendrez-vous sur la loi sur le délit d'entrave numérique à l'IVG si vous êtes élu ?
Non. Je suis de ceux qui soutenaient cette loi. Il est essentiel de garantir aux femmes une information fiable sur l'IVG leur permettant de faire un choix informé. Il faut pour cela les protéger des mensonges véhiculés par les réseaux anti-avortement, qui visent toujours à ramener les femmes à leur fonction de mère. La société doit chérir le droit au choix, gagné de haute lutte, mais jamais garanti. Je souhaite d'ailleurs que ce droit soit inscrit dans la Charte des droits fondamentaux de l'union Européenne. Je suis effaré par le fait que la commission européenne se préoccupe davantage des déficits des Etats que des reculs extrêmement graves provoqués par la droite européenne sur ce sujet en Espagne et en Pologne.

Y-a-t-il des mesures adoptées à l'étranger en matière de droits des femmes qui vous semblent intéressantes à transposer en France ?
La répartition des tâches domestiques n'a quasiment pas évolué en 50 ans en France. Les femmes y consacrent moins de temps qu'avant uniquement grâce à l'apparition des machines. Il faut que cela évolue. Je pense que l'allongement du congé paternité permettrait cette évolution et répondrait à la volonté des familles d'aujourd'hui. C'est déjà le cas dans les pays scandinaves notamment. C'est pourquoi je propose de le porter à 11 jours obligatoires et 6 semaines facultatives.
Je veux aussi m'inspirer de certains lieux qui ont été créés à l'étranger, notamment aux Etats-Unis, mais aussi en Belgique, pour valoriser les droits des femmes, leur Histoire leur création. Aucun musée n'est consacré à leur histoire en France – elle diffère pourtant souvent de celle des hommes ! Il s'agit encore une fois d'une forme d'exclusion de l'espace public et de notre mémoire collective. Prenez l'ère de Napoléon, qui est souvent présentée comme une ère de modernité. C'est loin d'être le cas pour les femmes pour qui cette période a représenté une régression totale de leur statut, réduit à celui d'enfants dénués de toute autonomie. Je me suis donc engagé à soutenir la création d'une Cité des femmes qui sera un lieu de rayonnement de l'Histoire des femmes et de leurs droits, ouvert à toutes et à tous.

Composerez-vous un gouvernement totalement paritaire ?
Oui, je suis attaché à la parité et aux mécanismes qui la garantissent. Celle-ci doit être quantitative mais aussi qualitative, en permettant aux femmes d'accéder également aux fonctions régaliennes. J'y serai attentif, et j'ai d'ailleurs évoqué la possibilité de nommer une femme première ministre. Je souhaite également lancer une nouvelle vague de la parité dans nos assemblées, par le renforcement des sanctions vis-à-vis des partis ne respectant pas la parité, l'introduction d'une part de proportionnelle et le non-cumul des mandats dans le temps. Il est en effet inacceptable que malgré la loi l'assemblée nationale compte seulement 27% de femmes, et le sénat 25%.