Déesses Indiennes en Colère : Kali, vénérée et énervée

Dans "Déesses Indiennes en Colère", puissant film de Pan Nalin sur la condition de la femme en Inde, Kali a une place particulière. Figure totem des héroïnes, elle symbolise les contradictions d'une société rongée par le patriarcat.

Déesses Indiennes en Colère : Kali, vénérée et énervée
© ARP Sélection

Pays de la spiritualité, l'Inde fait régulièrement la Une de l'actualité, pour des motifs bien plus dramatiques. Les affaires de viol et d'attaques à l'acide se multiplient, symptômes de la dégradation constante de la condition de la femme dans le pays. Dans le film Déesses Indiennes en Colère, au cinéma le 27 juillet, le réalisateur Pan Nalin dresse un état des lieux percutant. Le cinéaste livre une ode aux femmes et fait simultanément cet amer constat : alors que les divinités féminines ont une large place dans le panthéon hindou, les femmes sont toujours considérées comme inférieures aux hommes et leur émancipation reste difficile. L'un des personnages souligne ainsi le paradoxe d'une société qui voue un culte à la déesse-mère Kali, mais considère les femmes comme des êtres inférieurs et entend leur dicter une conduite jugée "convenable".
Plusieurs scènes sont particulièrement marquantes dans le film, comme celle où les héroïnes, en panne au bord de la route, sont prises à partie par un groupe d'hommes choqués par leur simple présence. Ou celle où elles imitent la déesse et font leur plus belle grimace en tirant la langue, exprimant ainsi leur force et leur puissance destructrice. 
Une attitude d'autant plus incompréhensible que Kali a une place à part dans le culte. À la fois mère protectrice et déesse de la mort, elle symbolise la transformation, la préservation et la destruction. Selon les croyances indiennes, Kali détruit le mal et l'ignorance et quiconque la vénère est libéré de la peur de la destruction. Un symbole fort et sa mention dans Déesses Indiennes en Colère est loin d'être anodine. 
En psychologie analytique, théorie élaborée par Carl Jung en 1913, la déesse Kali représente la "femme de la sublimation", comme la Vierge Marie chez les Chrétiens. C'est la part féminine de l'homme. Puisque que la discipline vise à étudier l'inconscient et ce que l'on nomme l'"âme" d'une personne, le clin d'œil n'est pas innocent. Ce principe se retrouve aussi dans le concept de shakti qui désigne l'énergie dynamique féminine des divinités du panthéon indien. En d'autres termes, il s'agit de l'énergie d'un dieu personnifiée sous la forme d'une déesse; la fusion des deux entités permettant d'accéder à la sérénité. Si ce principe fait partie intégrante de la culture hindoue, la dramatique actualité montre qu'il ne trouve pas vraiment d'application concrète. Alors que la dimension féminine de la divinité est louée, les femmes, bien humaines, ne sont pas mises sur le même piédestal. De quoi être plus qu'en colère...     

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"Déesses indiennes en colère"