Interview d'Alice Rigal, apprentie tatoueuse chez Hand in Glove

Alice Rigal, 21 ans, a accepté de partager son expérience en tant que femme dans le milieu du tatouage.

Quand et comment êtes vous entrée dans ce milieu ?
Je suis allée à la fac, puis j'ai fait mon premier apprentissage qui s'est mal passé. Je ne suis pas tombée sur les bonnes personnes. Mais dans le salon où j'exerce actuellement, c'est autre chose : il y a des rapports fraternels avec mes collègues, je les considère comme des grands frères et eux me voient comme une petite soeur, peut-être à cause de mon âge.

Votre insertion a-t-elle été difficile dans un milieu considéré comme masculin ?
Pour ma part, je me suis toujours bien entendue avec les mecs, ce n'est pas un problème. On a le même humour, il n'y a pas eu d'ambiguïté dès le début, donc ça s'est bien passé. Ce milieu possède ses propres codes et sa propre institution, le pourparler et la franchise en font partie. Il y a beaucoup de forts tempéraments dans ce monde là, mais être une femme ça ne change rien, il faut juste être intègre.

Avez-vous dû en faire plus que les hommes pour vous faire un nom ?
Non. Sauf pour me faire respecter. Mais ça, c'est une question d'attitude. Il faut être honnête avec les gens, faire du bon travail et il n'y a pas de difficulté supplémentaire. Dans mon salon, on n'a pas envie de s'écraser les uns les autres, donc ça va. Si une fille a des moeurs légères, elle sera mal vue mais comme partout, donc peut être qu'il faut faire plus attention à ce niveau là.

Y-a-t-il eu des avantages ou inconvénients à être une femme ?
Encore une fois, il faut se faire respecter et projeter une bonne image de soi. Des avantages ? Peut être que ça adoucit d'avoir une femme dans un salon. Mais ça dépend des gens, il y a des mentalités différentes. Par exemple, chez les plus vieux, qui ont une vision plus dure, ça leur fait bizarre. Dans la nouvelle génération, ça choque moins de voir une femme dans un salon, sauf peut être chez les jeunes machos, cela existe encore.

Avez-vous déjà vécu le sexisme dans votre milieu?
A partir du moment où une femme ne minaude pas ou n'utilise pas ses charmes pour parvenir à ses fins, il n'y a pas de raisons que cela arrive. Il faut savoir se positionner face aux hommes. Dans mon salon, ils sont tous protecteurs, il y a un rapport de camaraderie, voire paternel. Ils sont protecteurs : ils pourraient casser la gueule de quelqu'un pour moi. Les hommes ont du mal à accepter certains métiers, certes, mais je pense qu'ils sont contents d'avoir des femmes dans le tatouage. Pour ma part, je suis un garçon manqué, j'ai un humour de mec : c'est mon arme à moi. Les autres femmes qui tatouent peuvent être discrètes et être là pour bosser, chacun sa personnalité. D'autres vont plus être dans la répartie et chercher à se positionner sur un pied d'égalité. Il faut juste savoir s'imposer dans une milieu où il y a de la concurrence, mais pas plus qu'ailleurs.

On dit par exemple que les femmes ont un trait " doux " ... Est-ce une légende ?
Pour moi, ç'en est une et je trouve ça sexiste. Ce genre d'idée est conditionné par l'éducation, les femmes sont douces et mettent du rose... C'est bidon. Dans le tattoo ça ne se joue pas comme ça.

Comment décririez vous le regard que l'on pose sur les femmes tatouées ?
Ca dépend. Pour la génération de mes parents, c'est choquant. Ils associent le tattoo à un truc de voyou, de prisonniers russes ou de beauf, c'est bizarre pour eux. Mais les hommes de mon âge, même s'ils aiment les femmes conventionnelles, finissent par changer d'avis et trouver cela joli ou sexy. Le tatouage fait partie de la personnalité de la personne tatouée, si l'autre n'aime pas, c'est dommage d'avoir des tabous et de ne pas partager les même goûts.

Et selon vous, la perception du tatouage selon les femmes ?
Certaines filles se font des trucs girly, moi non. Pour moi, la valeur symbolique est plus forte. Mais ça aussi ça dépend de l'éducation et de la culture. Je ne pense pas que ce soit que de l'ornement : je ne ferai pas un motif fleuri pour plaire aux autres par exemple, les filles tatouées ambiance pin-up, ce n'est pas moi du tout. Si je me fais tatouer c'est parce que j'aime le travail d'un artiste. Je me suis tatouée plein de choses différentes, pour pleins de raisons. Puis, ça me fait du bien le tatouage : la profondeur du côté irréversible de l'acte, se marquer, dépasser la douleur et s'accomplir là dedans. Puis, ça s'éloigne de la consommation : on ne va pas se faire tatouer comme on va s'acheter une paire de chaussures, il y a tout un rituel autour. Il y'en a qui arrivent avec une photo d'un motif tout prêt parce que c'est stylé, mais j'espère qu'il n'y a pas que ça.

Qu'avez vous pensé du Mondial du Tatouage ?
C'était la foire à la saucisse ! La population, c'est celle du salon de l'auto.. Par exemple, il y avait un artiste mondialement reconnu qui a son style bien à lui : il y avait des meufs qui venaient parader autour de lui pour lui demander un lettrage en chiffres romains... Mais il y avait beaucoup d'artistes que j'admire, avec un niveau impressionnant et des vrais passionnés. J'ai acheté pour au moins 300 euros de prints, d'artwork et de sérigraphies là-bas ! Il y avait tout de même une ambiance festive.

Instagram : alice_tattoos_
Site : alicerigal.tumblr.com