Ces petites victimes de l'opium

En Afghanistan, qui produit plus de 90% de l'opium mondial, les parents sont directement responsables de la toxicomanie de leurs enfants. Dans la plus grande partie du pays, ceux-ci deviennent en effet accros à cette terrible et ravageuse substance.

Ces petites victimes de l'opium

Dans le centre de traitement de Jalalabad, une marmaille gesticulante reprend goût à la vie, après des années d'addiction. Deux fillettes vêtues d'un uniforme bleu, dont l'une a les cheveux recouverts d'un foulard, s'essaient au badminton. Des garçons se disputent un ballon jaune. D'autres sont captivés par un jeu électronique rudimentaire.

"Quand je les vois pour la première fois, ces enfants sont déprimés, malheureux. Ils ne jouent pas, ne se préoccupent pas de leur hygiène", observe Massouma Khatima, une aide-soignante. "Ils sont comme des fantômes", acquiesce l'une de ses collègues.
Après 45 jours passés au centre de l'ONG Wadan, qui accueille 25 bambins et 35 femmes, souvent leurs mères, ils sont comme transfigurés. Normaux. Un traitement médicamenteux léger et des douches froides (en cas de manque), sont passés par là.
Héroïne. La petite Marwa, un joli minois de 10 ans, en est ressortie transformée. "Je prends des pilules pour dormir depuis que je suis bébé. Avant j'étais fatiguée. Je somnolais. J'avais mal à la tête. Mes copains se moquaient de moi. Ils m'appelaient 'l'endormie'", raconte-t-elle doucement. Maintenant, je me sens mieux, même si je ne suis pas complètement en forme. Je sens que je peux apprendre à jouer", poursuit celle qui se rêve "ingénieure".

"Ici, dans les zones rurales, on donne de la drogue aux enfants pour des maux d'estomac, des grippes.... Comme l'opium est facilement disponible, les gens ne considèrent pas cela comme une drogue qui peut conduire à la dépendance", regrette selon Fazalwahid Tahiri, l'administrateur de l'téablissement

Trois des cinq enfants de Baspari, une jeune femme de 28 ans, sont désormais accros. Les deux autres, un nourrisson de 10 mois et un bébé de moins de 2 ans, sont consommateurs passifs. Et cette fermière peu éduquée, qui cultive de l'opium avec son mari, de décrire en souriant les effets de la drogue sur sa progéniture: "Parfois ils dansent, parfois ils peuvent dormir trois jours d'affilée." "On m'a donné la même chose quand j'étais petite, reprend-elle. De toute façon, quand on n'a pas d'argent pour acheter des médicaments, on n'a pas le choix."

Mais dans certaines provinces, les plus pauvres, des mères donnent sciemment de la drogue à leurs bambins pour qu'ils se tiennent tranquilles. Une technique en vogue dans le Nord, qui leur permet de tisser des tapis sans être importunées par leur progéniture.

Quelque 1,6 million d'Afghans, sur une population d'environ 30 millions, sont drogués, dont 300.000 enfants, selon une estimation américaine.

Et toujours plus de toxicomanes signifie toujours plus d'enfants frappés par ce fléau, note le Dr Jabarkhail, médecin travaillant pour le Bureau des Nations unies contre les drogues et la criminalité (UNODC). La menace est de taille pour un pays très jeune (plus de la moitié des habitants ont moins de 18 ans), et dont les enfants incarnent un avenir... incertain.

"Les enfants afghans drogués, victimes innocentes de l'opium"