Adeline d'Hermy : "Je crois en ma bonne étoile"

Sociétaire de la Comédie Française, comédienne surdouée et peu médiatisée, Adeline d'Hermy crève l'écran et passe au rang d'espoir du 7e Art en incarnant la délicate "Maryline" de Guillaume Gallienne, qui -excusez du peu- a écrit le rôle pour elle. Aussi douce et réservée lors de l'interview qu'elle excelle devant la caméra, Adeline d'Hermy est un talent à suivre. Une actrice star en devenir, assurément !

Adeline d'Hermy : "Je crois en ma bonne étoile"
© Copyright : Fliip Van Roe

Pouvez-vous vous présenter à nos lectrices ?
Adeline d'Hermy : Je suis comédienne de théâtre à la Comédie Française. J'ai 30 ans, je viens du Nord de la France, du Pas-de-Calais et j'ai tourné un film pour Guillaume Gallienne qui s'appelle Maryline et qui raconte la vie d'une actrice…

© Photo Thierry Valletoux

Comment décririez- vous Maryline ?
Maryline est une jeune femme qui a énormément de blessures en elle et qui vient à Paris pour devenir comédienne, une manière de fuir son foyer, un métier choisi un peu par instinct…. Elle va tomber sur un réalisateur très pervers et manipulateur qui va la bousiller. Elle va se prendre un mur, ça va être très violent : le début d'une descente aux enfers avec notamment une addiction à l'alcool. Le film, basé sur une histoire vraie, montre comment une femme très introvertie -qui n'a pas les mots pour se défendre, pas les codes de ce milieu parisien du cinéma et du théâtre, qui est extrêmement sensible, complexe et en déséquilibre- va réussir et rencontrer des personnes bienveillantes qui vont l'aider à remonter la pente et à s'épanouir.

Comment avez-vous appréhendé ce rôle écrit pour vous ?
C'est la classe. J'ai été bouleversée quand Guillaume m'a annoncé qu'il pensait à moi pour incarner cette femme, une amie qui s'était confiée à lui, il y a environ 15 ans. Après la joie, je me suis dit : "mais comment je vais-je faire pour interpréter quelqu'un qui ne parle pas et qui a une vie intérieure aussi mouvementée ?". On a l'impression que ça bouillonne en elle, mais que ça ne sort pas. Moi j'ai l'habitude de hurler sur scène, là il fallait faire le chemin inverse, travailler sur du minuscule, sur l'humain, regarder tout à la loupe : l'œil, l'expression de la bouche, faire passer le maximum de sentiments, de bouleversements, sans le discours. C'était un immense challenge rendu possible par la confiance que j'avais en mon camarade Guillaume.

© Photo Thierry Valletoux

Ce film, vous l'avez regardé, comment vous êtes-vous vue ?
J'avais peur. Je m'étais déjà vue au cinéma, entendue à la radio et je déteste ça. La plupart des acteurs ne supportent pas leur image, pas leur voix, c'est un vrai calvaire. J'étais dans le public au Festival d'Angoulême et me suis dit : "Adeline tu en as pour une heure et demi, ça va être dur". En fait, j'ai trouvé ça drôle et j'ai beaucoup ri. Je pense que Guillaume devait se retourner en se disant "mais pourquoi elle rigole celle-là ? ". Je riais parce que je me souvenais du tournage et de moments joyeux, de rencontres importantes dans ma vie. J'ai oublié que c'était moi et j'ai découvert le personnage de Maryline, le montage, la musique…

Cette thématique de la peur de ne pas trouver les mots, de ne pas réussir à verbaliser les émotions, c'est quelque chose que vous avez pu ressentir ?
Enormément. Je commence à travailler là-dessus, mais c'est très compliqué pour moi de prendre la parole et de défendre un point de vue. J'ai la sensation que c'est plus facile sur scène. Ce ne sont pas nos propres mots. On joue un rôle, on s'exprime à travers le prisme d'un autre, c'est rassurant.

Est-ce que vous avez envie de vous raconter ? Est-ce un exercice facile d'évoquer votre éducation ? Je crois savoir que vous êtes passée par l'expression du corps avant celle de la voix. Venez-vous d'un milieu artistique ?
J'ai hurlé pour faire de la danse dès l'âge de 5 ans. Ma mère a supplié les professeurs de m'accepter au club. J'ai ensuite voulu continuer de manière plus sérieuse et je suis rentrée en danse contemporaine au Conservatoire de Lille. C'est là que s'est déclenchée ma vocation. On me demandait de faire de l'improvisation sur des thèmes et de me laisser aller. J'ai compris que ce qui me plaisait c'était l'interprétation plus que de faire des pas-chassés, des entrechats. Je n'étais pas très forte pour lever la guibole... J'ai eu un déclic quand l'un de mes profs de danse m'a conseillé de m'inscrire à un cours de comédie à l'étage du dessous… Je n'avais jamais été au théâtre de ma vie, j'avais ouvert deux ou trois livres comme tout le monde, à l'école mais ça ne me passionnait pas du tout. J'ai passé le concours du cours Florent et tout s'est enchaîné de façon un peu absurde.

© Photo Thierry Valletoux

Quel était votre fantasme d'adolescente ?
J'aimais beaucoup le rap à l'époque, j'écoutais surtout NTM !

Qu'est-ce que le public apprécie chez vous ?
Mince, c'est très difficile de répondre à ça ! Je pense que le public voit que j'adore jouer, que j'y prends plaisir. C'est un métier qui me rend heureuse. J'ai vraiment de la chance de faire partie de ces gens qui ont trouvé leur voie sans aucune hésitation, sans regrets. Il y a des soirs où c'est plus difficile que d'autres, où l'on n'a pas envie, où c'est laborieux… mais le bonheur de retrouver ses partenaires compense.

Qu'est-ce que vous aimez chez vous ?
Je suis obstinée. C'est chiant parfois, ça saoule les autres, mais ça m'a beaucoup sauvée. Cela m'a permis d'oser.

Le destin, c'est une notion à laquelle vous croyez ?
Oui, je crois en ma bonne étoile.

Pourquoi faut-il aller voir Maryline ?
Parce que c'est un très beau film qui peut toucher, émouvoir de manière très personnelle… et aider à aller mieux.

La chanson aussi c'est quelque chose qui vous plaît ?
J'en rêve, mais je suis nulle ! Sous la douche, je chante Georges Brassens. Je vais travailler toute une année avec une prof et je vous rappellerai quand j'aurai fait des progrès.

Qu'est ce qui peut vous vexer ?
Pleins de choses. Je suis assez susceptible, surtout dans mon rapport au travail. Quand je ne suis pas contente de moi et que je sens que ma prestation n'a pas plu, cela m'énerve. Heureusement, j'accepte la critique… pour l'instant ! (rires)

Adeline, que peut-on vous souhaiter ?
Le meilleur ! De pouvoir allier cinéma et théâtre, de continuer ma carrière en passant du coq à l'âne et surtout de faire de belles rencontres. Ce sont les choses les plus importantes dans la vie, les rencontres. Beaucoup d'amour aussi, j'espère. Mes parents, qui sont restés dans le Pas-de-Calais, sont hyper fiers de moi. Ils me suivent et m'encouragent. "Pourvu que ça dure !"

Adeline D'Hermy © Fliip Van Roe