Sara Giraudeau, sœur et soignante de Petit Paysan

Dans "Petit Paysan", premier long-métrage d'Hubert Charuel, Sara Giraudeau enfile la double veste de sœur et vétérinaire d'un agriculteur dont le troupeau est frappé d'une épidémie. Entre alliée et ennemie, elle nous raconte l'ambivalence de son rôle.

Sara Giraudeau, sœur et soignante de Petit Paysan
© Domino Films

Un pedigree impressionnant (Sara Giraudeau est la "fille de" Bernard Giraudeau et Anny Duperey) une voix fluette reconnaissable, cette enfant du sérail a grandi entre les plateaux de tournage, mais n'envisageait pas d'être artiste. C'est pourtant sur les planches qu'elle commence à se faire entendre, suivant les conseils de son papa. Sa première fois sur scène remonte à 2005 dans le remarqué Les Monologues du vagin. Suit La Valse des pingouins pour lequel elle décroche le Molière de la révélation théâtrale. Une récompense qui lui donne des ailes, mais dont elle connaît le caractère volatil. Sara Giraudeau poursuit son apprentissage dans une école de mime avant d'enchaîner les rôles. Depuis trois ans, c'est à la télévision qu'elle impose sa présence dans l'excellente série d'Eric Rochant, le Bureau des Légendes. L'actrice est Marina, agent de la DGSE à l'apparence fragile, mais à la personnalité complexe. Comme Sara à la ville, semble-t-il, lorsque nous la rencontrons dans un café du 14e arrondissement. Avec sa robe à fleurs, son physique délicat et ses yeux azur, cette jeune maman dégage quelque chose de naïf. La comédienne le sait et en joue. Dans Petit Paysan, elle a apporté à son personnage de la douceur qu'elle a doublée de force de caractère. Doucement, mais sûrement, c'est elle qui met son frère en péril sur la bonne voie. Elle nous raconte. 

Pourquoi avoir accepté de mettre les mains dans les fesses d'une vache ?
Pour le challenge mais surtout pour le scénario. L'histoire de cet agriculteur ainsi que sa relation avec sa sœur m'ont touchée. J'avais envie de faire partie de l'aventure. Mais j'ai senti que j'allais devoir me battre. La personnalité de Pascale qui ressortait du script était très éloignée de celle que je m'en faisais. Hubert avait dressé un personnage rentre dedans, un peu rude, qui peut rapidement se mettre en colère. Lors du premier essai, j'ai proposé une composition différente, plus proche de moi. Une sorte d'autorité basée sur l'écoute, quelque chose de plus doux et naturel. Ça a turlupiné Hubert qui m'a fait revenir pour des essais avec Swann. J'ai fait la même proposition et ça a bien fonctionné. C'était une petite victoire car c'est rare de réussir à faire changer d'optique à un réalisateur qui a un type de personnage bien précis en tête.

Techniquement, comment vous êtes-vous préparée ?
J'ai suivi pendant deux jours le vétérinaire qui soigne les animaux de la famille d'Hubert. Il m'a montré comment fouiller les vaches. L'observation était presque plus importante que l'acte. Il fallait que ma gestuelle soit la plus naturelle possible. Je me suis ensuite entraînée sur des "vaches de tournage", des bêtes qui avaient été habituées à la présence humaine.

Le fait d'avoir tourné dans la ferme avec des proches d'Hubert Charuel a-t-il ajouté une pression supplémentaire ?
Aucune. Hubert était exigeant mais l'ambiance était hyper agréable. Il y avait ses parents, ses grands-parents, des amis. Il se dégageait une atmosphère émouvante, chaleureuse. Comme une bande de potes qui se retrouvent pour porter un projet qui leur tient à cœur.

Pascale, rétive au départ, a justement à cœur de couvrir son frère qui transgresse la loi. Il y a un basculement dans son attitude.
Parce qu'elle prend conscience de l'injustice de la loi, radicale. Une vache malade : c'est tout le troupeau qui est éliminé. Le travail d'une vie. Dans le film, Pascale comprend qu'elle a un rôle à jouer pour que l'acceptation de son frère se fasse en douceur. Elle entre dans son intimité, pose un autre regard sur lui. "Grâce" à cette malheureuse situation, leur rapport évolue.

Elle l'aide à rester debout, à ne pas envisager le suicide ?
C'est vrai qu'on pourrait se pose la question du suicide. La fin est assez ouverte. On se demande ce que Pierre va faire. Même s'il se retrouve seul, il paraît apaisé, presque serein. Parce que les choses ont évolué. Il sait qu'il peut compter sur sa sœur, devenue une alliée. C'est presque un mal pour un bien.

Pascale exerce un métier qui reste proche de son univers familial. Vous venez d'une famille d'artistes. Est-ce impossible d'échapper à son milieu ?
Ce n'est pas impossible mais c'est certain que ce sont deux métiers très prenants qui font partie intégrante de la vie personnelle. Il n'y a pas d'horaires. Les enfants sont autant spectateurs qu'acteurs. Très jeune, j'allais souvent au théâtre, j'assistais aux répétitions, aux tournages. J'ai forcément été imprégnée parce que j'ai grandi dans une ambiance représentée par le métier. Cela ne m'a pas empêchée de me questionner. Ce métier n'était pas une évidence. Il l'est devenu quand j'ai compris la liberté qu'il pourrait m'apporter. C'est toi qui le fabrique, le façonne. En fonction de tes rencontres, tes envies. Il y a des côtés très injustes, quand ça ne marche pas ou que tu n'attires pas. Personnellement, j'en fais quelque chose de positif. C'est une remise en question permanente. Et c'est galvanisant de pouvoir vivre plusieurs vies. Surtout lorsque tu sais que tu as ta vie à côté et que tu peux te reposer dessus. C'est très galvanisant.

Parmi ces vies que vous avez vécue, l'une d'elle vous-a-t-elle habitée plus qu'une autre ?
Le personnage de Marina du Bureau des légendes. Parce que c'est un rôle très prenant. Ça représente trois ans de ma vie. Et ce n'est pas fini. C'est une jeune femme j'ai vue et faite grandir. Je l'aime énormément car elle a une dualité. Elle est aussi forte que fragile. Parfois elle m'ennuie mais en général elle me fait plutôt kiffer.

Un "kiff" de tournage de Petit paysan à partager ?
Quand on met le bras dans le cul d'une vache, si on le fait plus d'une fois, elle pète. Forcément, avec toutes les prises, c'est arrivé sur quelques scènes. On a eu de beaux petits prouts. Difficile de rester sérieuse.

Questions / réponses animalier 

Etes-vous têtue comme une mule ?
Pas frontalement. Je boue plutôt intérieurement.

Avez-vous un bœuf sur la langue (garder un secret) ?
Oui. Quand je suis garante de quelque chose, cela me flatte.

Vous levez-vous avec les poules ?
Avec deux enfants, je n'ai pas le choix. Mais je n'ai jamais été une "dors tard", une "grasse mateuse", donc ça ne me dérange pas. 

A l'école, étiez-vous le vilain petit canard ?
Peut-être un peu avec les profs. Mais sinon, j'étais plutôt la cool pour les copines.

Êtes-vous à cheval sur les principes ? 
Non ça coupe complètement l'instinct.

Qu'est-ce qui vous rend fier comme un coq ?
Mes filles. 

Qu'est-ce qui vous donne le bourdon ? 
Plein de trucs mais le sale temps plus particulièrement

Êtes-vous plutôt cigale ou fourmi ?
Une juste mesure entre les deux.

Que mangez-vous quand vous avez une faim de loup ?
Un gros hamburger maison cuisiné à quatre mains avec mon homme. J'adore manger mais je suis assez flemmarde quand il s'agit de cuisiner sauf quand on le fait à deux.

Qu'est-ce qui vous fait monter sur vos grands chevaux ? 
Dans la vie, la politique. Au cinéma, une erreur de casting. Je suis super exigeante donc quand je vois qu'il y a une vraie coquille dans le jeu, ça peut me faire sortir de mes gonds.

Petit paysan, en salles le 30 août 2017 d'Hubert Charuel, avec Swann Arlaud et Sara Giraudeau