Brigitte Fossey, femme solaire et inspirée

A l'occasion de la sortie en salles de la version restaurée de "Jeux interdits", Brigitte Fossey, regard clair, boucles folles, taille fine et sourire vrai, se souvient de son premier rôle au cinéma et nous livre ses secrets. Confidences.

Brigitte Fossey, femme solaire et inspirée
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Brigitte Fossey, femme solaire et inspirée © SIPA

Dans Jeux Interdits, elle est la petite Paulette, dont les parents sont tués lors des bombardements de juin 1940. Recueillie par une famille de paysans, la gamine se lie d'amitié avec le jeune Michel... Plus de soixante ans après le film mythique de René Clément, Brigitte Fossey, reconnaissante au public qui l'a toujours respectée et visiblement heureuse de nous parler, se rappelle... de tout !

Actrice libre, sensible, fantaisiste, spirituelle et douce, Brigitte Fossey, 68 ans, a conservé un enthousiasme, une joie communicative et une faculté d'émerveillement que l'on ne retrouve chez aucune autre comédienne. La rencontrer transcende votre quotidien.

Le Journal des Femmes : Vous êtes originaire de Tourcoing, dans le Nord, comment décrivez-vous votre éducation ?
Brigitte Fossey : Pleine de contraste, complète, spirituelle, pleine d'esprit, d'humour. J'avais une grande liberté. Je pouvais jouer, dessiner sur les murs, coudre des torchons, des serviettes, faire des fresques... J'avais tous les droits, mais deux principes forts et stricts : il ne fallait jamais manquer de respect aux aînés et bien travailler à l'école.

Blondinette au visage d'ange, vous n'étiez pas sage comme une image ?
Mes parents tenaient à ce que je me couche tôt. J'ai transgressé cela. Chaque nuit, je lisais en cachette, sous les draps avec une lampe électrique, parfois jusqu'à 2h du matin... Je n'étais pas une petite fille modèle.

Êtes-vous issue d'un milieu artistique ?
Mon père était professeur d'anglais et d'allemand. C'était un homme extrêmement intelligent et tolérant qui écrivait des poèmes et des revues pour le théâtre de Boulogne-sur-Mer. Ma mère chantait à l'opéra. Ils étaient très cinéphiles.

Racontez-nous votre rencontre avec le cinéma ?
La première fois, c'était une projection de La Belle et la Bête, de Jean Cocteau, organisée par mon père à la maison. J'ai regardé le film à travers le trou de la serrure de ma chambre. La deuxième fois, mes parents m'ont emmenée à Lille pour voir Les Temps Modernes de Chaplin, j'étais fascinée. Mon troisième souvenir sur grand écran, c'est Romance inachevée, une histoire d'amour extraordinaire.

A 5 ans, vous avait été l'héroïne de cette rencontre avec le 7e Art...
Un pur hasard. Je passais mes vacances, en famille, à Cannes. Ma tante buvait son café en feuilletant Nice-Matin, sous le magnolia. Elle est tombée sur une annonce, le casting d'une "petite fille de 9 à 11 ans". Elle a parié 100 Francs avec ma mère que si le réalisateur me voyait, il me prendrait malgré mon jeune âge. René Clément m'a trouvée trop petite, mais sa compagne, qui avait un accent russe, a insisté pour que je passe les essais. J'étais beaucoup moins intimidée que les autres gamines. Ils m'ont choisie.

Et si vous aviez une anecdote à nous confier sur ce long-métrage ?
La scène sur le pont. Ce sont mes "vrais" parents qui se font tuer. Je me souviens du bruit de la mitraillette, des plaques en acier sous leur costume avec des poches en caoutchouc pleines de grenadine... Leur mort, tout ce sang, c'était assez traumatisant.  

Evoquer ces souvenirs, c'est une souffrance pour vous ?
C'est une tâche, une forme de reconnaissance, un devoir de mémoire et de partage. J'ai eu la chance d'entrer dans un chef-d'œuvre, il est normal que je le soutienne, que je dise à quel point il est formidable d'appartenir à l'histoire de cette façon-là.

Le temps qui passe vous angoisse-t-il ?
Non, grâce au cinéma. Tourner avec Sautet, Truffaut, Pinoteau, Altman... c'est un privilège immense, une fierté, la satisfaction de se dire qu'on laisse quelque chose, une trace derrière soi. Grâce à ces réalisateurs, à leurs films, je ne mourrai pas tout à fait...

Yvonne de Galais dans Le Grand Meaulnes, César de la meilleure actrice pour Les Enfants du Placard de Benoît Jacquot, mère de Vic dans La Boum 2... L'histoire est belle et votre parcours, exceptionnel !
Je procède par coup de cœur, par passion et  je m'investis à fond. C'est important de se retrouver dans ce que l'on fait et d'apporter du bonheur aux gens.

Justement, qu'est-ce qui plaît chez vous ?
Je ne sais pas, cela m'échappe complètement.

Alors qu'est-ce que vous aimez chez vous ?
Pas grand-chose, c'est pour ça que je suis comédienne d'ailleurs : parce que je rentre dans la peau des autres.

Est-ce qu'il y a un personnage que vous rêvez d'incarner ?
Aliénor d'Aquitaine, la mère de l'Europe, une  femme très courageuse que j'admire profondément.

La mode, la beauté, la déco : cela vous intéresse ?
J'adore ça ! Pour moi le vêtement est une sensation, une apparence, le reflet de ce que l'on est à l'intérieur ou de ce que l'on veut voir dans le regard des autres. Je me sens plus féminine quand j'ai un costume de garçon, mais j'aime porter des talons. J'adore le style qu'avait Lauren Bacall. Je suis férue de parfums, cela finit une tenue. Le shampoing aussi, l'odeur des cheveux, c'est primordial.

Quelles sont vos fragrances préférées ?
Shalimar de Guerlain, L'Eau d' Issey Miyake, le N°5 et le N°19 de Chanel...

Vous êtes mince et élancée, votre corps vous le soigner, vous le respectez, le torturez ?
J'ai tendance à penser que l'esprit et le corps sont liés, je cherche l'harmonie. Elle passe par la pratique du sport, de la marche, de la danse classique, de la bicyclette. J'ai été élevée dans l'amour de la nature et j'ai besoin de nager, de faire de la gym, du yoga pour me sentir belle.

Vous faites attention à ce que vous mangez ?
J'ai un gros problème avec ça parce que je suis terriblement gourmande et il y a des moments où je me lâche. La balance affiche plus ou moins 5 kilos et mon pantalon fait l'accordéon.

Vous cuisinez ?
Très peu, seulement quelques grillades et des potages de légumes.

Vous rayonnez Brigitte, quel est votre secret ?
J'ai des plaisirs simples : écouter de la musique, aller dans les expositions de peintures... Savoir contempler, se ressourcer, c'est important.

Quel mot aimez-vous particulièrement entendre ou prononcer ?
Jubilation.

Portrait chinois

Si vous étiez...

un film : Singin' in the Rain
une chanson : Pour une Amourette de Leny Escudero
un plat, une recette de cuisine : Le Patrouillard, c'est un gâteau du Nord, une sorte de clafoutis aux pommes qu'on donnait aux soldats. Ma mère en faisait 3 fois par semaine.
un végétal : un poireau (rire). Il y a les cheveux dans la terre, il s'épanouit, il est excellent pour la santé
un animal : un faon
une odeur : la bruyère de Sologne
une drogue : le vin rouge
Et si vous étiez un homme ? Robert Redford parce qu'il murmure à l'oreille des chevaux...