Sean Penn, du mâle enragé au cinéaste engagé

C’est le dernier bad boy du showbiz, une icône à part dans le cinéma américain, presque une légende de son vivant. Un an après son ex, Scarlett Johansson, qui n’avait pas décroché un sourire de la soirée, Sean Penn recevra un César d'Honneur ce soir, pour l’ensemble de son œuvre. Portrait d’un baroudeur exalté, entre violence et citoyenneté…

Deux oscars, un Golden Globe, un ours d’argent à Berlin, deux coupes Volpi à Venise, une Palme à Cannes… et bientôt un César d'Honneur: Sean Penn est attendu sur la scène du Théâtre du Châtelet, il est la guest star de la 40e Cérémonie des César, quelques heures après s’être entretenu à l’Elysée avec le président François Hollande.

Acteur réclamé par les plus grands (Woody Allen, Terrence Malick, Brian de Palma, David Fincher, Sydney Pollack, Oliver Stone, Barry Levinson), réalisateur d'exception, Sean Penn est un idéa­liste engagé contre le libé­ra­lisme et la mondia­li­sa­tion, figure de la gauche (tendance alternative latino) améraicaine, fervent défenseur des droits des homosexuels, Sean Penn est une sorte de George Cloo­ney, plus brut, plus tour­menté et d’au­tant plus prêt à foncer…Réa­li­sa­teur d’une dizaine de films dont le remarqué Into The Wild, Sean Penn n'a pas pour habi­tude de jouer la complai­sance.

Le double Penn. Regard trans­lu­cide, éton­nant d’in­no­cence, sour­cils froncés et puis­santes rides du lion, Sean est un sex-symbol au tempé­ra­ment fort. Monstre de viri­lité, trou­blant concen­tré de testo­sté­rone, l’homme n’a peur de personne et défie ouver­te­ment les Républicains. Il se paie des pages entières dans le Washing­ton Post et le New-York Times pour dénon­cer la guerre en Irak. Part à La Nouvelle-Orléans pour prêter main-forte aux victimes de l’Ou­ra­gan. Se rend à Bagdad, pour voir de ses propres yeux l’hor­reur des combats, puis de longues semaines en Iran, aider les enfants. Sean Penn est aussi le fondateur d’une organisation humanitaire pour Haïti à laquelle il consacre le plus clair de son temps depuis le tremblement de terre, il y a cinq ans.
Instinc­tif, spon­tané, Sean Penn essaye d’être en phase avec lui-même et consi­dère de son «devoir» d’aler­ter ceux qui n’ont pas «la même chance que lui», ceux «qui ne peuvent pas voya­ger». L’en­ga­ge­ment est pour lui le prolon­ge­ment de son métier: «engran­ger des émotions, des infor­ma­tions pour les faire parta­ger».

Sensibilité et engagement. Moue boudeuse, ciga­rette au bec et barbe de trois jours, Sean Penn trouve qu’on lui accorde trop d’at­ten­tion, au point qu’il a parfois «honte de sa noto­riété». Singu­lier et auda­cieux, il dit ne «suivre que ses tripes». Tiraillé entre acti­visme poli­tique et ambi­tion ciné­ma­to­gra­phique, Sean Penn pense que le 7e art est un outil pour construire un peu d’es­poir. Son rêve ? Faire un jour «le film qui change le monde».

Enfant terrible du cinéma. Né le 17 août 1960 à Burbank en Cali­for­nie, Sean est le cadet des trois garçons de l’ac­trice Eileen Ryan et du réali­sa­teur Léo Penn. Enfant du sérail, accro au théâtre depuis que teen-ager, il gran­dit sur la côte cali­for­nienne à Santa Monica.
Très tôt, sa mère (dont il confie qu’ «elle était dure et buvait dur») l’en­cou­rage à s’aven­tu­rer et à faire l’ap­pren­tis­sage de la nature. Son père ne trouve pas le sommeil et l’em­mène marcher de longues heures dans le désert… Adoles­cent en rupture, grand pote de Charlie Sheen, Sean noie les fantômes qui lui collent à la peau dans les vagues… et dans la bière! Fêtard et surfeur fou d’océan, il risque tous les jours sa vie sur une planche, près d’un litto­ral semé de rochers. Aujourd’­hui encore, il «déteste la prudence»…

Anti-héros. En 1979, Sean Penn quitte le lycée et s'inscrit en fac de droit. Mais le code pénal le passionne beau­coup moins que l’im­mense Marlon Brando, «une créa­ture poétique, un esprit libre et pur», son idole… Attiré par la scène, il rejoint le Group Reper­tory Theatre de Los Angeles, puis obtient son premier rôle au cinéma en 1981 dans Taps d'Harold Becker (avec Tom Cruise). Traumatisé, le jeune premier ne sent pas du tout à l'aise dans ce milieu et n'arrive pas à expri­mer ses talents. En mettant un pied à Holly­wood, Sean renoue avec l’his­toire de son père: la Mecque du cinéma améri­cain a banni, black­listé, condamné à faire du télé­film pour nour­rir sa famille ce réali­sa­teur qui ne voulait pas dénon­cer ses amis pendant le maccar­tisme. Pilote héroïque de la Seconde Guerre Mondiale, Leo Penn est passé des honneurs de la guerre à l’hor­reur de la Chasse aux sorcières. Empreint de ce destin bafoué, Sean Penn devient agres­sif et vindi­ca­tif. Comme Un Chien Enragé, de James Foley, parvient à le révé­ler. Par sa perfor­mance de petite frappe, ce bad boy  acquiert simul­ta­né­ment un début de noto­riété et une sulfu­reuse répu­ta­tion.
Un carac­tère bien trempé, donc, qui séduit, le temps d’une liai­son, l’ac­trice Susan Saran­don, et, qui n’est pas pour déplaire, à une certaine Madonna, chan­teuse de son état… Le 16 août 1985, la (déjà) pops­tar épouse à Beverly Hills le jeune rebelle de 24 ans.Mister Madonna, il maîtrise mal sa violence. Pendant les années de folie de son premier mariage, visage émacié et mous­tache provo­cante, Sean Penn incarne un mélange d’eu­pho­rie et de déses­poir. Il boit, écrit des poèmes, perd le droit de conduire et sous l’em­prise de l’al­cool, amoche les mâchoires des papa­razzi (et de sa belle, parait-il)…
En octobre 1985 le couple explo­sif part à Hong-Kong pour tour­ner le film Shan­ghai Surprise. Comme pour sauver les appa­rences, ils campent au cinéma un ménage modèle. Mais La Madone accuse son mari d’être brutal. L'idylle qui défraye la chro­nique ne tarde pas à virer au cauche­mar. En I987, Penn passe trente-trois jours en prison au péni­ten­cier de Los Angeles County. Un fan, suspecté de suivre de trop près sa femme, vient de subir la hargne physique de l’époux posses­sif. Le couple divorce en 1988.Foudres de la critique comme du public. Sa person­na­lité impé­tueuse, sa petite gueule ingrate et son regard perçant cantonnent Penn à des rôles de brutes épais­ses… Petit teigneux (1,70m, à peine) dans Outrages et l’Im­passe, il façonne la légende d’un acteur qui effraie autant qu’il exas­père.

Un père hors pair. C’est sur le tour­nage des Anges De La Nuit en 1990 que le boxeur fati­gué rencontre Robin Wright, la poupée blonde. De leur union naissent deux enfants: une fille, Dylan Frances, en 1991 et un garçon, Hopper Jack, en 1993. Aux côtés de la douce inter­prète de Kelly dans Santa Barbara, Sean Penn appa­raît tempéré et assagi. Il atteint le sommet de son art dans l’in­car­na­tion nuan­cée de person­na­li­tés ambi­guës. Plus rare à l'écran, Sean Penn exprime ses convic­tions, notam­ment contre le racisme, la guerre en Irak, la peine de mort. Sa conscience citoyenne gran­dit en même temps que ses enfants. Sa peur immo­dé­rée qu’on touche à un cheveu de sa femme ou de sa progé­ni­tu­re aussi… La petite famille s’installe dans la bour­gade de Marin County, au nord de San Fran­cisco… mais les vieux démons persis­tent… Quand son couple traverse une crise, ce grand impul­sif sombre dans la folie. Chaque fois qu’il part à l’étran­ger, la sépa­ra­tion d’avec les siens déchire. Pour­tant Sean Penn n’est pas un exemple de fidé­lité. Les jolies filles défilent…  Jusqu’au divorce du couple en 2009. Un temps au bras de la top tchèque Petra Nemco­va, puis main dans la main avec Scarlett Johannson, Sean Penn s’affiche depuis près d’un an avec l’actrice Charlize Theron et se dit prêt à lui passer la bague au doigt. Il a aussi entamé une démarche d’adoption du fils de la sublime Sud-Africaine. La paternité décuple son sens des reponsabilités... et son charisme.