Suzanne Clément nous emmène au vent

Muse de Xavier Dolan, Suzanne Clément est une star au Canada... Elle a traversé l'Atlantique et se retrouve sur une plage du Nord de la France, dans la peau adipeuse de Rose, l'une des trois héroïnes d'A La Vie, le nouveau film du réalisateur Jean-Jacques Zilbermann. Rencontre.

Révélée grâce à J'ai tué ma mère, mise en lumière par Lawrence Anyways, Suzanne Clément est aussi la bègue et magistrale Kyla dans Mommy. Actrice "sans domicile fixe" selon ses propres mots, cette célibattante, passionnée de sciences et de dessin, "adore conduire", voyage au gré de ses envies et joue la comédie si le cœur lui en dit. Incarner une déportée d'Auschwitz qui retrouve ses amies et reprend goût A La Vie, voilà de quoi galvaniser notre interprète qui a posé ses valises en juillet dernier dans le Pas de Calais pour tourner aux côtés de Julie Depardieu, Johanna ter Steege et Hippolyte Girardot, l'histoire des retrouvailles à la mer, dans une certaine douceur, de trois femmes, 15 ans après l'horreur des camps...
Dans l'hôtel parisien où nous la rencontrons, Suzanne Clément, 46 ans, silhouette menue, cuissardes à talons et verbe haut, impose son "fucking" style. Québécoise sexy, désirable, mais pas sirupeuse, elle nous parle avec un accent charmant et sait aussi jurer comme charretier. Non, ce sacré brin de fille n'a pas eu peur de se confronter au poids de l'histoire !

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A la Vie, en salles le 26 novembre © Le Pacte

Le Journal des Femmes : Pourquoi vous, dans A La Vie ?
Suzanne Clément : Parce que le réalisateur m'a choisie alors que j'étais à Vancouver.. et parce que le personnage vit un éveil tardif que j'ai trouvé beau. A la lecture du scénario, j'ai aimé le ton subtil et sans lourdeur du film qui évoque un traumatisme à travers des événements délicats, des petits gestes et un humour particulier aux survivants juifs.

Vous pouvez nous décrire Rose en quelques mots ?
Rose est très complexe : c'est une petite fille blessée avec des sautes d'humeur et des manques affectifs et une mère de famille responsable voire autoritaire. Elle ne contrôle pas ses émotions, maîtrise mal ses relations car elle est têtue, campée sur ses positions et pas toujours gentille. Je suis du signe du taureau, elle me ressemble un peu !

Pourquoi faudrait-il aller voir A la Vie sur grand écran ?
Pour la luminosité des sentiments. Ces femmes ont vécu l'une des choses les plus terribles de l'histoire de l'humanité et rattrapent le temps perdu. Elles sont à la redécouverte de tout. Manger quelque chose de bon prend un sens énorme, vivre des petites choses est très important...

La déportation, c'est une période qui historiquement et personnellement vous interpellait ?
Plus jeune, j'ai vu de nombreux films et documentaires sur l'Holocauste et les atrocités de la guerre. Je trouvais ça intéressant que cet opus soit le premier film que je fasse en France, avec un cinéaste français.

Vous connaissiez les côtes de la Manche ?
Non. C'est magnifique. Ce sont des plages impressionnantes de caractère, d'une vastitude incommensurable. Dès que je suis arrivée à Berck-sur-mer, je suis allée marcher sur le sable. J'avoue, au bout d'une semaine face à cette mer agitée, j'ai quand même demandé à changer d'hôtel. Le vent, le bruit des vagues, c'est génial, mais pas apaisant...

Vous avez pris quelques kilos pour le rôle...
Cet enveloppement était plus ou moins voulu... Rose mange beaucoup pour compenser le mal-être, elle s'enrobe d'une carapace pour se protéger. Heureusement, j'ai minci...

L'image, c'est important pour vous ?
En public, je prends soin de moi. Je trouve que c'est important, ce que l'on reflète. Je me mire dans les yeux des autres... A partir du moment où l'on dit "action", il ne faut plus se regarder, mais se dépasser.

Diriez-vous que vous êtes une angoissée ?
Il y a toujours de la nervosité dans ce job. On s'interroge sur tout : Est-ce que je me souviens des dialogues ? Ai-je joué la scène comme il fallait ? Bien répondu aux journalistes ? J'ai eu des périodes où le stress me rongeait. Cela affectait ma peau, mon sommeil. Je buvais beaucoup d'alcool... Maintenant j'm'en crisse, j'ai appris à gérer la pression grâce au sport. Je fais de la gym, du cardio-training et beaucoup de natation en piscine.

Peut-on vivre sans téléphone portable ?
Je vis une carrière avec des creux. Je me suis rendu compte que les réseaux sociaux étaient trop présents dans mon quotidien et j'ai eu besoin de déconnecter. J'ai tout laissé tomber et je suis partie au Maroc sans téléphone, sans tablette, sans musique, avec juste mon passeport, une petite culotte et un appareil photo. Sans bagages, sans attaches, je suis restée deux mois dans le désert. Fantastique.  

Quel souvenir vous vient à l'esprit quand je vous dis "enfance" ?
Ma sœur. Mon enfance a été bercée par ma relation avec ma sœur. Elle est plus âgée que moi, travaille dans le domaine de la santé, en épidémiologie. Filles d'une secrétaire et d'un employé des service-généraux, nous avons grandi auprès de parents présents, autant physiquement que psychologiquement.

Vous êtes fusionnelles ?
C'est avec ma frangine que je suis la plus à l'aise. Cet été, nous avons pris un mois de vacances ensemble. Nous dormions dans un champ, sous une tente. C'était zéro confort, zéro maquillage et les mêmes fringues 10 jours d'affilée !

Quel est votre péché mignon ?
Le chocolat ! Je ne cuisine pas, mais dès que qu'un aliment est à base de cacao, je peux en manger des quantités déraisonnables.

Quel était votre fantasme d'adolescente ?
Coray Hart. Il chantait des ballades rock. Il était cool et rebelle à la fois.

Quelle expérience de cinéma vous a le plus marquée ?
Le Confessionnal de Robert Lepage. Je sortais tout juste du Conservatoire d'Art dramatique de Montréal, ce film m'a subjuguée.

Qu'est-ce que vous ne perdrez jamais ?
Mon honnêteté.

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A la Vie © Le Pacte