Balenciaga en phase avec le réel

De ses tics normcore à ses références aux populations réfugiées en passant par une collaboration altruiste avec le Programme Alimentaire Mondial, Demna Gvasalia resitue l'automne-hiver 2018-2019 de Balenciaga dans son époque.

Balenciaga en phase avec le réel
© Imaxtree.com

C'est au pied du mont Balenciaga, une imposante colline recouverte de graffitis digne d'un module de skate park que les lignes féminines et masculine automne-hiver 2018-2019 de Balenciaga ont défilé, dimanche 4 mars dans les studios de la Plaine Saint-Denis, Dans ce décor urbain, en marge de la ville lumière et face aux tags "No borders", Demna Gvasalia aborde un hiver concerné.

En guise d'introduction, le designer lève le voile sur une première série de silhouettes sophistiquées : des robes moulantes aux drapés qui sculptent le corps, déclinées dans des velours et lurex et dans des couleurs et motifs 80's. Ces party girls cèdent rapidement aux vestes au tailoring singulier, avec épaules étriquées et hanches rondes chez les femmes comme les hommes. Un travail du volume directement hérité de Cristóbal Balenciaga. On retrouve dans ces premier looks les éléments signature désormais évidents du designer : des jambes et des bras couverts, des touches normcore comme des clés de voiture ou un sac de courses, des tonalités criardes qui s'accordent avec des carreaux de mamie et une nouvelle paire de dad sneakers taillée pour le succès. Mais cette saison la proposition de Demna va plus loin.

Est-ce l'actualité, l'enfance de réfugié ou un besoin de rendre la mode plus éthique qui a motivé le designer pour l'automne-hiver 2018-2019 ? Toujours est-il que les ponts avec le réel ne manquent pas. Sur leur chemise, les hommes portent un numéro de téléphone qui permet d'atteindre une hotline robotique qui enquête en posant des questions sur le genre, la couleur préférée comme la langue maternelle. Mais Balenciaga ne fait pas que récolter de la data. Le geste de la saison de Demna est d'accumuler les vestes et manteaux pour une allure engoncée, volumineuse dans l'ADN de la maison, irrégulière et hétéroclite comme il l'adore. Derrière ces dix par-dessus en un, ou un par-dessus en dix, il mentionne la culture snowboard mais impossible de ne pas lire entre les lignes une relecture du look de débrouille des populations déplacées ou des marginaux. D'autant qu'en dessous, la marque inaugure un partenariat avec l'organisme de l'ONU, le World Food Programme, qui se matérialise par des t-shirts et hoodies à logo dont 10% du prix de vente reviendra à l'ONG. Par ce geste humaniste, Demna réussit à légitimer ce qui avait été reproché à John Galliano dans sa collection homeless pour Christian Dior en 2000 : lier l'inspiration à l'utile. 

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