Divorce sans juge : "il faut évaluer les conséquences"

Depuis janvier 2017, la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel n'oblige plus les couples à passer par un tribunal pour se séparer. Le CESE vient d'adopter un avis sur "les conséquences des séparations sur les enfants" et livre ses recommandations pour préserver l'intérêt supérieur de l'enfant. On fait le point.

Divorce sans juge : "il faut évaluer les conséquences"
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Depuis le 1er janvier 2017, dans le cadre de la promulgation de la loi de modernisation de la justice, le nouveau divorce par consentement mutuel ne nécessite plus de passer par un tribunal, devant un juge aux affaires familiales. Désormais (et excepté les divorces pour fautes), les ex-époux se présentent chacun avec leur propre avocat pour signer une convention de divorce à l'amiable. C'est alors le notaire qui donne son aval et signe les documents, à la place du magistrat. En outre, la procédure est moins longue qu'avant : le couple a 15 jours de réflexion pour signer le projet de convention de divorce, les avocats ont alors 7 jours pour le transmettre au notaire, qui a, à son tour 15 jours pour enregistrer la convention.

Un divorce simplifié au détriment de l'enfant ? "Un couple sur trois se sépare avec, dans la moitié des cas, un enfant à charge", rappelle le Conseil économique, social et environnemental (CESE), et selon le Haut conseil de la famille, 315 000 enfants sont concernés par le divorce de leurs parents. Si les démarches semblent aujourd'hui plus rapides et pratiques, l'intérêt de l'enfant doit donc rester au cœur des décisions. Pourtant, le divorce par consentement mutuel soulève de nouvelles problématiques. En effet, l'enfant (quel que soit son âge) signe désormais un formulaire dans lequel il précise s'il souhaite ou non être entendu par un juge. L'avis du CESE sur "les conséquences des séparations parentales sur les enfants"  rendu public ce 24 octobre et adopté avec 139 voix pour, souligne que l'âge de discernement de l'enfant n'est pas clairement précisé. "Ce document, jugé inadapté à la compréhension du jeune enfant, ne permettrait pas d'écarter tout risque de déstabilisation ou de manipulation", prévient le rapport. En outre, "les enfants peuvent se sentir responsables du divorce de leurs parents", ajoute Pascale Coton, co-rapporteure de l'étude avec Geneviève Roy. Et si l'enfant ne sollicite pas d'intervention, dans le cas d'une garde alternée par exemple, "aucun juge ne pourra vérifier que les conditions sont réellement respectées", avait précisé au Journal des Femmes Maître Yves Toledano, avocat spécialiste du divorce, lors d'une précédente interview.

Evaluer les conséquences des séparations "sans juge" sur les enfants. Si la majorité des couples se mettent d'accord sur le mode de résidence de leur(s) enfant(s), ce n'est pas toujours le cas en ce qui concerne les décisions du quotidien (santé, éducation, religion, etc.). Dans cet avis, le CESE préconise de nouvelles mesures visant à mieux protéger les enfants, qui en moyenne, sont âgés de 8 ans au moment de la séparation. "Ce rapport constitue une étape extrêmement importante pour la valorisation et la mise en oeuvre des droits des enfants dans notre pays", a déclaré la Défenseure des enfants Geneviève Avenard lors de la présentation de l'avis du CESE. Dans un premier temps, le Conseil économique, social et environnemental souhaite une évaluation scientifique des conséquences des séparations parentales sur les enfants. "Cette étude devra être qualitative - quelles sont les conditions à respecter pour assurer la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ? - et statistique - quelle est la part des divorces réalisés selon cette procédure ? Quelle proportion d'entre eux donne lieu à une saisine ultérieure du juge ?", précise le rapport.

Les principales préconisations du CESE pour préserver l'intérêt supérieur de l'enfant. 

  • Un plan de coparentalité.  Le CESE met l'accent sur la prévention des différends en cas de séparation par consentement mutuel en proposant "un plan de coparentalité" sur la base d'une trame, qui permet de faire évoluer le contenu des conventions conclues entre les parents. Il vise à éviter les difficultés sur le long terme, à favoriser le dialogue et à engager la responsabilité des parents qui pourront alors le produire devant la justice pour en demander l'application. "Les parents pourront ainsi mieux anticiper la façon dont les décisions futures seront prises, telles que celles concernant les soins de santé, l'éducation ou même la religion", précise le rapport.
  • Un meilleur accompagnement des parents qui rencontrent des difficultés est nécessaire. Les dispositifs mis en place manquent de visibilité et de financements pour assurer leur accessibilité sur tout le territoire, estime le Conseil. Mais il s'agit aussi d'accompagner les ex-conjoints dans la mise en oeuvre des décisions de justice, avec l'aide d'un avocat, d'une assistante sociale ou encore d'un médiateur, afin d'éviter les conflits liés à une mauvaise compréhension des textes juridiques. Enfin, le CESE préconise une meilleure information auprès des parents, en diffusant un guide qui leur permettrait de faire face aux difficultés, notamment lorsque la décision est rendue.
  • Des éléments complémentaires dans le barème des pensions alimentaires. Les pensions alimentaires sont dans 30 à 40% des cas totalement ou partiellement impayées en France. Le CESE préconise une refonte du barème des pensions ainsi que l'intégration d'éléments complémentaires (revenus du parent créancier, âge des enfants, distinction enfant unique/fratrie). Les frais réels d'hébergement de l'enfant et des prestations en nature dans le calcul des pensions pourraient également être mieux pris en compte, estime le Conseil, qui souhaite par ailleurs qu'un partage des aides personnalisées au logement soit possible en cas de résidence alternée ou de double domiciliation. 
  • Permettre à l'enfant de conserver ses repères. "La permanence des repères affectifs, éducatifs et sociaux est primordiale pour les enfants", précise le Conseil. Ainsi, en matière de résidence et de droit de visite, des solutions doivent être adaptées à son âge. En ce qui concerne les nouveaux-nés, les principales figures d'attachement doivent être présentes et accessibles pour sécuriser l'enfant.