Peu de femmes accouchent sans péridurale, finalement

Les femmes qui expriment leur volonté d'accoucher sans péridurale sont plus nombreuses que celles qui s'en passent réellement le jour J. La France reste ainsi l'un des pays où le recours à cette analgésie est la plus fréquente.

Peu de femmes accouchent sans péridurale, finalement
© Tyler Olson

Si un quart des femmes enceintes souhaiteraient accoucher sans péridurale, ce serait quand même la moitié d’entre elles qui y aurait finalement recours. C’est en tout cas ce qu’a observé une équipe de chercheurs de l’Inserm en analysant les données de l’enquête nationale périnatale 2010. Celle-ci inclue toutes les femmes qui ont accouché dans les maternités françaises pendant une semaine soit plus de 14 600 femmes au total. Les femmes chez lesquelles une césarienne avait été pratiquée et celles pour qui la péridurale paraissait incontournable (haut risque de césarienne ou contractions très douloureuses) ont été écartées de l’étude.

Qui sont les femmes "contre" la péridurale ? Dans cette enquête, 26% des participantes avaient assuré pendant leur grossesse ne pas vouloir de péridurale lors de l’accouchement. Elles sont toutefois 52% à avoir finalement reçu une analgésie péridurale en cours de travail. En analysant les résultats, les scientifiques ont observé que ces femmes qui ne veulent pas de péridurale avant l’accouchement, sont "souvent les plus jeunes (moins de 25 ans), celles qui ont déjà eu des enfants, celles qui ont un faible niveau d’études, ou encore celles de nationalité étrangère". Cependant, ni l’âge, ni le niveau d’étude, ni la nationalité n’interviennent dans le choix final d’avoir recours à la péridurale lors de l’accouchement. Cette situation serait en fait plus fréquente "chez les femmes qui accouchent pour la première fois, en cas de surcharge de travail des sages-femmes et de présence permanente d’un anesthésiste dans la maternité, ou encore chez les femmes qui ont reçu de l’ocytocine en cours de travail [l'hormone qui déclenche l'accouchement, ndlr]".

L'organisation des soins joue aussi. L’analyse de ces données mettent ainsi en évidence que c’est moins le profil de la femme que l’organisation des soins qui intervient dans la pose d’une péridurale en cours de travail. Béatrice Blondel, responsable de ces travaux dans l’Equipe d’épidémiologie périnatale, obstétricale et pédiatrique (EPOPé), affirme que "le choix d’administrer une péridurale à des femmes qui n’en souhaitaient pas au départ semble en fait multifactoriel […]. Certaines femmes disent peut-être non au cours de leur grossesse tout en sachant qu’elles pourront y avoir accès par la suite, si elles en ressentent le besoin. Par ailleurs, la péridurale est disponible dans tous les services et fait partie de la prise en charge habituelle de la douleur proposée aux femmes. Cela les incite donc probablement à l’accepter a priori. En outre, le nombre de sages-femmes est limité en salle de travail et la pose d’une péridurale peut être un moyen de faire face à la surcharge de travail au moment de certaines gardes".

77% des femmes y ont eu recours en France. L’hexagone fait partie des pays où l’analgésie péridurale est la plus fréquente avec 77% des femmes accouchant par voie basse qui y ont eu recours en 2010. La visite obligatoire avec un anesthésiste lors du dernier trimestre de grossesse y jouerait d’ailleurs un rôle. "Dans un sens, le recours fréquent à la péridurale est une bonne chose car cela répond aux besoins des femmes qui souhaitent une prise en charge efficace de leurs douleurs. Et cela réduit les risques associés à l’anesthésie générale en cas de complication du travail. Mais d’un autre côté, cela laisse peu de choix à l’expression de la préférence de certaines femmes pour des formes moins médicalisées de l’accouchement", estime Béatrice Blondel.