Travailler enceinte : un moment difficile pour 4 femmes sur 10

Selon un sondage Odoxa pour la Fondation Premup, 43% des femmes vivent leur grossesse au travail comme "un moment difficile" et 70% des 25-34 ans partagent ce sentiment.

Travailler enceinte : un moment difficile pour 4 femmes sur 10
© Fotolia

Si la France est championne de la natalité en Europe avec 2 enfants par femme, elle possède aussi un taux d'emploi remarquable (2 femmes sur 3 ont un emploi). Mais travailler pendant la grossesse, c'est une autre histoire pour certaines futures mamans. "La grossesse n'est pas une maladie, c'est un moment heureux. Mais les maux de la grossesse entraînent parfois un mal-être : fatigue et insomnies, mal de dos, contractions utérine, et inquiétudes liées au travail... Qui amènent souvent les médecins à prescrire des arrêts", a expliqué Philippe Deruelle, professeur de gynécologie-obstétrique à Lille, lors d'une conférence de presse organisée ce matin par la Fondation Premup, qui oeuvre pour sensibiliser à l'importance de la préparation et du suivi de grossesse. D'autant que 20% des grossesses en France sont pathologiques, ce qui n'arrange pas leurs conditions pour travailler en entreprise.

Comment les femmes enceintes vivent-elles leur grossesse sur leur lieu de travail ? Selon un sondage Odoxa pour la Fondation Premup portant sur près de 1 500 personnes, si la moitié des femmes (55 %) ont vécu leur grossesse au travail comme "un moment épanouissant", elles sont tout de même quatre femmes sur dix (43 %) à l'avoir vécu comme "un moment difficile". Et on compte parmi elles 70 % des jeunes futures mamans âgées entre 25 et 34 ans. La différence plus importante chez les jeunes femmes s'explique sans doute par "la nature des emplois chez les jeunes et par le fait qu'elles vivent actuellement leur grossesse ou que ce souvenir est plus récent, tandis qu'avec le temps, les mamans ont peut-être tendance à oublier ces moments".

Pourquoi sont-elles si nombreuses à mal vivre leur grossesse sur leur lieu de travail ? 

21% des 25-34 ans ont caché leur
grossesse le plus longtemps possible
à leur employeur © Production Perig

Outre les douleurs physiques qui posent notamment problème dans certaines professions impliquant de rester debout, de faire de longs trajets en voiture, etc., "il y a aussi une crainte et une pression plus forte pour les femmes enceintes qui travaillent : elles se préoccupent de terminer leurs dossiers avant leur congé maternité, et se sentent moins opérationnelle en raison de la fatigue et des hormones de grossesse", précise Philippe Deruelle. Ces inquiétudes se retrouvent dans l'annonce de la grossesse à l'employeur. Selon l'étude, 12 % des femmes interrogées et 21 % des 25-34 ans déclarent avoir caché leur grossesse le plus longtemps possible parce qu'elles craignaient une mauvaise réaction de leur chef. Ainsi, 17 % des futures mamans ont attendu entre 4 et 6 mois de grossesse pour leur en parler. 

Qu'en pensent les hommes ? L'étude relève aussi quelques idées reçues et stéréotypes, principalement partagés par les hommes. 36% (contre 31% des femmes) pensent en effet que leurs collègues "font en sorte d'être arrêtées le plus tôt possible" lorsqu'elles sont enceinte, tandis que 40% des hommes interrogés (contre 31% des femmes) déclarent qu'elles ont "moins la tête au travail" ou encore "moins d'ambition", pour 20% des hommes et 16% des femmes. Enfin, pour 42% des hommes (contre 36% des femmes), leur retour reste incertain : "on ne sait jamais si elles reviendront après", ont-ils répondu.

Un manque d'information et d'aménagement dans les entreprises.

Beaucoup de salariées ignorent les 
aménagements possibles dans leur
entreprise © forestpath

"Il y a un réel manque d'informations", constate Céline Bracq, directrice de l'Institut Odexa. Selon les chiffres de l'enquête, avant leur grossesse, 97% des femmes déclarent ne pas avoir été informées des risques liés à leur activité professionnelle sur leur lieu de travail et 95% n'ont reçu aucune information pendant qu'elles étaient enceintes. Quant aux aménagements dont certains sont prévus par la loi (aménagement des conditions de travail, changement de poste si celui-ci n'est pas compatible avec la grossesse...), ils sont souvent peu proposés dans l'entreprise, ou beaucoup de salariés l'ignorent. Ainsi, 42% des futures mamans déclarent que leur société propose un aménagement des horaires de travail, 40 % peuvent bénéficier d'un aménagement du poste si l'actuel exige des efforts physiques, et seules 27 % des femmes interrogées affirment qu'il est possible de limiter les déplacements professionnels. Enfin, 9 % déclarent pouvoir faire du télétravail. "Cela ne signifie pas que l'employeur refuserait d'accorder la demande de sa salariée si elle lui demandait de travailler de chez elle. Néanmoins, on constate une méconnaissance sur le sujet", précise Céline Bracq. De manière générale, 67 % des femmes estiment que les entreprises ne prennent pas assez de précautions avec les femmes enceintes au travail. Conséquence : un quart des femmes enceintes se sont arrêtées avant le troisième trimestre de grossesse (contre 74% au cours du troisième trimestre de grossesse). 

Quelles solutions ? "Les résultats de l'enquête sont sans appel et montrent que tout, ou presque, reste à faire", déclare Robert Dahan, Président de la Fondation PremUp. Dialoguer, coopérer et informer sont donc les maîtres mots de cette étude pour une meilleure prise en charge de la femme enceinte dans son environnement professionnel. La Fondation PremUp a par ailleurs lancé un mouvement appelé "Sweet" qui propose d'accompagner les organisations qui le souhaitent dans la mise en place et le déploiement d'actions de prévention et de mobilisation : campagnes d'affichage, diffusion de contenus pédagogiques, workshops et conférences, etc. 

Les 8e assises de la Fondation PremUp qui porteront sur "la femme enceinte et son environnement professionnel" se tiendront le 30 juin prochain au Ministère de la Santé.