L'obésité des enfants en 10 questions

Quand dit-on qu'un enfant est obèse ? Quelle prise en charge lui proposer ? Le Pr Patrick Tounian, Chef du service de Nutrition et gastroentérologie pédiatriques de l'Hôpital Trousseau répond à vos questions.

L'obésité des enfants en 10 questions
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Quand on évoque l'obésité, il n'est pas rare d'entendre nombre d'idées reçues ! Facteurs de risques, différence entre surpoids et obésité, prise en charge... Le Pr Patrick Tounian, Chef du service de Nutrition et gastroentérologie pédiatriques de l'Hôpital Trousseau (Paris) détaille tout.

Quand dit-on qu'un enfant est obèse ?

Pr Patrick Tounian : "Il y a une définition officielle à partir de l'IMC (qui se calcule en divisant le poids par la taille au carré). Si le chiffre obtenu est au-dessus du 97ème percentile de la courbe de corpulence, c'est que l'enfant est en surpoids. Mais cette définition est plus ou moins arbitraire. Par exemple, un enfant qui est juste en dessous de la limite du surpoids et qui consulte parce qu'il veut maigrir, doit quand même être pris en charge. Ce qui importe, c'est ce que souhaite l'enfant.

Quels sont les facteurs de risques ?

PT : Il existe des facteurs de risques statistiquement associés à l'obésité qui sont :

-  Si l'un des deux parents est en surpoids ou en obésité. L'obésité est très génétiquement transmise.

- Un facteur prédictif qui est le rebond précoce de l'IMC. Normalement, la courbe de croissance d'un enfant monte jusqu'à un an, baisse puis remonte vers 6 ans. Chez les enfants obèses, elle remonte à 3 ans. La maladie débute à ce moment-là.

- Enfin, le niveau socio-économique peut jouer. En France, on observe plus d'obèses dans les familles défavorisées. Ce n'est pas parce que ces familles sont défavorisées que les enfants sont obèses mais parce qu'il y a plus d'obèses chez eux, ce qui induit ensuite des enfants obèses.

Si un enfant mange trop, va-t-il devenir obèse ?

PT : Non. Un enfant qui n'est pas programmé pour devenir obèse ne le deviendra pas juste à cause de son alimentation. L'obésité est une maladie essentiellement génétiquement déterminée. Les enfants obèses sont poussés à manger beaucoup par leur maladie mais c'est bien parce qu'ils mangent beaucoup qu'ils vont devenir gros.

Un enfant en surpoids va-t-il forcément tomber dans l'obésité ?

PT : Les limites entre surpoids et obésité sont arbitraires. La courbe du poids est plus ou moins préprogrammée. L'enfant va grossir jusqu'à ce qu'il atteigne son poids programmé. Mais s'il a déjà atteint sa phase statique, il ne grossira pas davantage.

Quelle prise en charge pour un enfant obèse ?

PT : Avant tout, il faut savoir si ses parents et lui sont d'accord. S'ils ne sont pas d'accord, on ne fait rien. Si les parents veulent mais que l'enfant n'en a pas envie, on fait un minimum. Si c'est l'enfant qui désire vraiment maigrir, on lui prescrit un régime restrictif. Il faut qu'il modifie son alimentation pour manger moins de calories. Il faut aussi augmenter l'activité physique mais cela reste moins essentiel que l'alimentation.

Un enfant obèse sera-t-il forcément un adulte obèse ?

PT : Statistiquement, 75 % des enfants obèses après 10 ans le restent. Mais cette statistique ne vaut que pour ceux qui ne font rien pour changer. L'obésité est un état constitutionnel. A tout moment on peut le renverser. Si on décide d'arrêter le régime, on regrossit. Mais si on le reprend, on maigrit.

Tous les jours, une nouvelle étude paraît sur l'obésité. La dernière montrait un lien entre consommation d'antibiotiques avant 2 ans et obésité. Que pensez-vous de ces études ?

PT : De manière abrupte, je dirais que cette étude ne démontre pas d'élément essentiel. Elle présente un lien qui est très marginal. Il n'est pas nécessaire d'inquiéter les parents avec des études qui ne sont pas forcément scientifiquement correctes et qui, si elles sont avérées, restent tout à fait anecdotiques.

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L'obésité en 10 questions. © ulkas - Fotolia

Pourriez-vous rappeler les conséquences de l'obésité sur la santé ?

PT : Concernant la santé de l'enfant, elles sont exclusivement psycho-sociaux-esthétiques. Cela peut être de la discrimination et des problèmes avec l'image de soi pour le psycho-social. Pour l'esthétique, il y a des vergetures, une adipo-gynécomastie (seins chez les garçons) ou des verges enfouies. Quant aux autres conséquences comme le diabète ou les apnées du sommeil, ce sont des cas très exceptionnels.

Comment gérer l'état psychologique d'un enfant obèse (moqueries à l'école, image de soi) ?

PT : Il est important d'avoir une prise en charge psychologique en effet. Mais déjà, il faut faire comprendre à ces enfants pourquoi ils sont gros. L'obésité est une maladie essentiellement génétique, c'est une injustice de la nature. On essaie donc de déculpabiliser l'enfant et sa famille. J'ai coutume de dire que si je vois venir un enfant gros et triste et qu'il repart gros et souriant, c'est déjà un succès thérapeutique.

Quelles sont les règles essentielles de l'alimentation à transmettre à son enfant ?

PT : Il existe 5 piliers de l'alimentation de l'enfant. Les voici :

- Assurer les besoins en fer (avec du lait de croissance pour les petits puis un produit carné deux fois par jour)

- Assurer les besoins en calcium (avec 3 produits laitiers par jour)

- Fournir des acides gras essentiels (grâce à du poisson une à deux fois par semaine. Si ce n'est pas possible, choisissez une huile végétale bien équilibrée comme l'huile de colza)

- Apporter des phyto-nutriments c'est-à-dire qui sont apportés par les végétaux. Une à deux fois par jour suffit.

- Assurer des féculents une à deux fois par jour pour combler les besoins en énergie des enfants.

Une fois que ces 5 piliers sont en place, on pose le toit de la maison en apportant du plaisir. Tous les enfants doivent prendre du plaisir à chaque repas. Ils ont alors le droit à un soda, une crème au chocolat ou un bonbon en fin de repas. Les adultes prennent bien du plaisir en s'offrant un verre de vin ou un café accompagné d'un carré de chocolat ! Les enfants aussi ont droit à un aliment qui leur fait plaisir. En revanche, on ne débute pas un repas par ce petit plaisir sinon on n'aura plus faim après."