Mais pourquoi fait-il semblant ?

Histoires, jeux… Les enfants aiment raconter des histoires et faire "comme si". Zoom sur ce comportement qui contribue à leur construction.

Mais pourquoi fait-il semblant ?
© Oksana Kuzmina - 123RF

"Et si on disait que j'étais la maîtresse ?" Vous avez déjà certainement entendu plus d'une fois cette phrase dans la bouche de votre enfant. Lorsqu'il joue, votre bout de chou s'imagine également qu'il est dans un vaisseau, qu'il a préparé de délicieux gâteaux, qu'il est au téléphone… Il lui arrive aussi de se prendre pour la maman ou le papa de sa petite sœur ou de son petit frère. C'est en fait vers l'âge de 18 mois que les enfants commencent à s'amuser à "faire semblant". Lorsqu'ils sont seuls, ils vont alors utiliser un objet pour imiter des personnes, parler à leurs peluches… Ce n'est que vers 3 ou 4 ans, que les enfants adoptent ce comportement en groupe et mettent en place des jeux symboliques à plusieurs.

Mais pourquoi a-t-il à ce point besoin de "faire semblant" ? Les histoires que l'enfant s'imagine répondent à ses propres besoins. C'est une manière pour lui de tester ses émotions. "Son imaginaire va induire des réactions émotionnelles réelles, comme la peur ou la joie. Il entraîne également ses compétences prosociales par des mises en scène en se mettant lui-même de côté pour se projeter dans un rôle", affirme Edouard Gentaz, professeur de psychologie du développement, dans son livre La vie secrète des enfants. Ce comportement spontané va en fait contribuer à sa construction. En faisant semblant, l'enfant va en effet explorer ses souvenirs, revivre des moments passés et verbaliser certaines émotions. Il va par exemple imiter ses parents en répétant certains de leurs faits et gestes. C'est en fait une manière de s'approprier des actions observées chez les adultes et de développer sa connaissance du monde qui l'entoure. Cela permet aussi à l'enfant de développer son empathie et de comprendre petit à petit les points de vue des autres.

Fait-il la différence entre fiction et réalité ? Pour distinguer la réalité de l'imaginaire, l'enfant va se référer à des éléments contextuels. Si de tels éléments sont disponibles, il est ainsi capable de comprendre seul, dès l'âge de 3 ans, ce qui est vrai ou non. Pour le Pr Gentaz, "l'enfant qui invente son propre jeu sait où se situe la limite entre le réel et le fictif". Il distingue parfaitement ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas, et il en est conscient tout au long de son jeu. Il est ainsi préférable de le laisser jouer seul et de respecter cet espace intime de créativité. C'est aussi le cas lorsque les enfants sont en groupe. Ils "s'organisent et s'autorégulent : apprendre à résoudre des conflits et discuter les idées de chacun fait également partie des apprentissages sociaux", explique le Pr Gentaz. 

La vie secrète des enfants du Pr Edouard Gentaz, aux éditions Odile Jacob.

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