Faut-il utiliser le numérique à l'école, dès la maternelle ?

Alors que plusieurs professionnels sont contre, un récent rapport de l’Institut Montaigne suggère d’avoir recours au numérique pour lutter contre l’échec scolaire, et ce dès 2 ans. Explications.

Faut-il utiliser le numérique à l'école, dès la maternelle ?
© andreykuzmin

Retard de langage, troubles de l'attention… Depuis quelques temps, les tablettes sont accusées par les professionnels de santé de troubler les capacités d'adaptation des enfants. Le CSA a quant à lui lancé fin février une campagne de protection des jeunes enfants afin de rappeler que la télévision n'est pas adaptée aux enfants de moins de 3 ans. Pourtant, l'Institut Montaigne a une toute autre vision de ce que peut apporter le numérique aux 2-11 ans. Le think tank a en effet publié un récent rapport suggérant d'utiliser les outils numériques dès le plus jeune âge afin de lutter contre l'échec scolaire.

Tirer parti du temps passé devant les écrans à la maison. Le système français actuel "ne parvient ni à corriger les travers d'un système scolaire de plus en plus inégalitaire, ni à enrayer la dégradation de ses performances", selon Eric Charbonnier, expert à la direction éducation de l'OCDE, dans l'avant-propos. Ainsi, "dès l'école primaire, le numérique pourrait contribuer à l'amélioration des performances du système scolaire". Comment ? En permettant notamment "une acquisition plus systématique et efficace des savoirs fondamentaux (parler, lire, écrire, compter)" de la maternelle jusqu'au CE2, selon le rapport. L'Institut Montaigne propose par ailleurs que le numérique soit "envisagé comme un nouveau savoir fondamental" en CM1 et en CM2. Il suggère également que les élèves transforment "une partie du temps passé à la maison devant les écrans en temps de consolidation des savoirs". D'autant plus qu'un "enfant de dix ans passe davantage de temps devant des écrans que sur les bancs de l'école. Ce simple constat permet de prendre la mesure de l'écart immense qui sépare les environnements familiaux et scolaires des enfants en 2016". Il est donc nécessaire que l'école s'adapte à ces changements "sous peine de perdre sa pertinence et, plus encore, sa légitimité", assure le rapport, ajoutant qu'elle "doit tirer profit du numérique et du temps dégagé, notamment par la réforme des rythmes scolaires". Mais le numérique est tout de même déjà enseigné dans certaines écoles. En effet, dans le cadre du plan numérique pour l'éducation, ce sont plus de 500 écoles et collèges qui expérimentent déjà l'apprentissage par le numérique. Cette expérimentation sera généralisée à toutes les écoles à la rentrée 2016.

Repenser la formation des enseignants. Toutefois, "pour que le numérique pallie les défaillances de notre système éducatif, l'accompagnement des enseignants dans leurs pratiques en classe, mais également dans le développement de modalités de travail plus collaboratives, est essentiel et nécessite un important dispositif de formation initiale comme continue, alors que cette dernière fait cruellement défaut", estime Eric Charbonnier. En plus de la nécessité de repenser leur formation, le rapport considère qu'il est important de "donner aux enseignants les moyens de mesurer les progrès et d'établir des diagnostics précoces des difficultés individuelles de leurs élèves".

Un bénéfice limité. S'il est vrai que la France a des progrès à faire pour améliorer les compétences numériques de ses élèves, le numérique ne fait pas tout. Suite à la publication du premier rapport PISA de l'OCDE, l'Education nationale avait en effet assuré que "si, grâce aux nouvelles technologies, les élèves défavorisés peuvent accéder à une richesse de ressources et de connaissances, ce bénéfice demeure limité pour ceux dont les compétences en lecture sont faibles". Une note de l'OCDE pour la France avait quant à elle ajouté que "pour tirer profit des ressources en ligne […], la maîtrise d'un niveau suffisant de compétences fondamentales en compréhension de l'écrit est peut-être plus importante que la facilité d'accès à Internet". Un sujet qui n'en finit pas de faire débat.