"La jalousie entre frères et sœurs est normale"

L’arrivée d’une petite sœur ou d’un petit frère n’est pas toujours facile à accepter pour l’aîné. Pourquoi devient-il jaloux ? Que peuvent faire les parents ?... Entretien avec le Dr Louis Vera, pédopsychiatre.

"La jalousie entre frères et sœurs est normale"
© Tatyana Gladskih

Pourquoi un enfant est-il jaloux de sa sœur ou de son frère ?

Louis Vera : L’arrivée d’une petite sœur ou d’un petit frère met l’enfant dans une situation de stress, d’insécurité. Il se pose différentes questions. Que va-t-il advenir ? Sera-t-il toujours valorisé ? Sera-t-il moins aimé ?… Un sentiment de jalousie peut naître mais c’est une réaction tout à fait normale. Parfois, les parents vont avoir un sentiment d’échec mais il faut déculpabiliser. Cela arrive qu’il y ait des disputes entre frères et sœurs comme dans tout couple !

Que peuvent faire les parents pour atténuer cette jalousie ?

La jalousie est accentuée par le contexte actuel. Dans notre société, les parents mettent en effet tout en œuvre pour éviter que l’enfant ne souffre. Il est ainsi valorisé à l’extrême et finit même par attendre les compliments. Pour atténuer la jalousie, il faut d’abord apprendre à l’enfant à exprimer ses sentiments. Les parents doivent également savoir l’écouter. C’est en effet essentiel de ne pas nier ce qu’il ressent. Ainsi, s’il affirme ne pas aimer sa sœur ou son frère, il faut l’amener à expliquer pourquoi. L’enfant doit se sentir entendu. En revanche, s’il a des gestes ou des propos violents, les parents doivent être inflexibles. Il ne faut aucune ambiguïté.

Quelles erreurs peuvent faire les parents ?

Les parents confondent souvent la jalousie fraternelle et le manque d’amour entre frères et sœurs. Ils ont ainsi tendance à s’immiscer dans les conflits, à vouloir les analyser et les régler, ce qui finalement aggrave la situation. Ils ne doivent pas chercher à savoir qui a commencé, quitte à punir tout le monde si cela s'avère nécessaire.

Bon nombre de parents veulent par ailleurs donner la même chose à chacun de leurs enfants. En plus de ne pas être possible, c’est nier l’individualité de chacun. Et si l’enfant réclame une histoire parce que son frère ou sa sœur en a eu une, les parents peuvent lui demander tout simplement s’il n’a pas besoin d’autre chose. L’essentiel est de passer du temps avec chacun.

Enfin, il ne faut pas attiser la jalousie avec des comparaisons. Elles renvoient une image négative de l’enfant qui s’évalue déjà lui-même par rapport aux autres. De plus, on ne compare pas des personnes différentes. Elles ont chacune leurs points forts et leurs points faibles. Chaque enfant doit être ainsi valorisé pour ce qu’il est.

Quelle attitude adopter vis-à-vis de l’enfant lors d’une seconde grossesse ?

La famille doit tout d’abord se réjouir de cette future naissance. Lorsque les parents sont heureux, l’enfant l’est aussi. Ensuite, il ne faut pas hésiter à rendre l’enfant actif au cours de la grossesse. Lui confier que sa future petite sœur ou son futur petit frère est dans le ventre comme lui il y a quelques années, lui expliquer qu’il peut parler au bébé, etc., sont des étapes importantes. Si l’aîné s’inquiète du grand intérêt que portent ses parents au futur bébé, c'est essentiel d'insister sur le fait qu’il n’y aura pas de différence d’amour, que ce futur enfant sera un excellent partenaire de jeu…

Une fois le bébé né, on peut le faire participer aux soins du bébé (donner le biberon par exemple) s'il est en âge de le faire et si c'est une demande de sa part. Sinon, cela n'est pas nécessaire. Tout comme la mère, l’aîné cherche à trouver sa place et ce n'est pas toujours facile.

La jalousie a-t-elle un rôle dans le développement de l’enfant ?

Elle va permettre à l’enfant de gérer ses émotions. C’est pour cela qu’il faut lui apprendre à les gérer autrement que par la violence, en les exprimant par la parole. Cela permet de résoudre les conflits et non la jalousie.

Quand se résolvent ces conflits ?

L’adolescence étant une période très fragile où l’adulte en devenir attend une valorisation de la part de ses parents, cela a lieu plutôt à l’âge adulte. Cela dépend toutefois de la sensibilité individuelle mais aussi du comportement des frères et sœurs. S’il y a eu beaucoup de dévalorisation, c’est ainsi plus difficile pour la personne de se construire.