Boulimie et anorexie chez l'ado : comment l'aider ?

Pendant l'adolescence, certains jeunes, fille comme garçon, sont touchés par des troubles de conduites alimentaires, appelés aussi TCA. L'anorexie mentale et la boulimie en font partie. D'après les chiffres de Santé publique France, cela concernerait 1 adolescent sur 4 et 1 adolescent sur 5. Mais ces dernières années, il semblerait que le phénomène se soit accentué avec la crise sanitaire liée au Covid-19, à en croire une récente étude menée par l'équipe du chef du service de nutrition du CHU de Rouen, Pierre Déchelotte, et publiée en février 2022 dans la revue Nutrition Clinique et Métabolisme. D'après les recherches, il a été constaté une "augmentation inquiétante de la prévalence des TCA chez les étudiants au moment de la pandémie de COVID-19", due aux différents confinements, aux cours en distanciel, ainsi qu'au stress et à la précarité alimentaire que cela a induit chez les jeunes. Quels sont les symptômes à surveiller ? Que faire si mon ado souffre de boulimie ou d'anorexie ? Quelle prise en charge ? Les expertes Nathalie Godart, pédopsychiatre, et Corinne Blanchet-Collet, endocrinologue-nutritionniste nous en parlent.

À quel âge un ado est-il touché par l'anorexie et la boulimie ?

Ces troubles du comportement alimentaire peuvent survenir à n'importe quel âge, même si "l'anorexie connaît un pic entre 14 et 18 ans, la boulimie quant à elle apparaît un peu plus tard, autour de 16-20 ans et l'hyperphagie boulimique, vers 21 ans", détaille la pédopsychiatre.

Parce qu'ils sont plus ou moins passagers et plus ou moins sévères, "ces TCA demandent un diagnostic précoce et un accompagnement adapté", ajoute le Dr. Corinne Blanchet-Collet, endocrinologue-nutritionniste, "d'autant plus que ces troubles peuvent se guérir dans plus de 80 % des cas". 

Quels sont les symptômes de la boulimie et de l'anorexie chez l'ado ?

Les symptômes de la boulimie et de l'anorexie mentale sont nombreux et parfois certains sont même communs aux deux maladies.

Symptômes de la boulimie chez l'adolescent

La boulimie se manifeste sous la forme de crises, dit aussi de pulsions alimentaires, auxquelles l'adolescent ne peut résister. Cela se traduit en premier par un besoin presque vital de manger dans l'instant, de le faire en dehors des repas et en cachette, de manger rapidement sans s'arrêter et en grande quantité, aussi bien du salé que du sucré. Après la crise, la personne se sent mal, regretté et a une mauvaise estime d'elle-même, ce qui provoque souvent des vomissements. 

En parallèle de ces crises, l'adolescent contrôle son poids et son alimentation. Elle peut utiliser des laxatifs ou une activité physique intensive pour parvenir à ses objectifs. 

Symptômes de l'anorexie mentale chez l'adolescent

L'anorexie mentale s'installe progressivement, généralement sous prétexte d'un régime alimentaire. L'ado a comme une obsession pour ce qu'il mange et ce que ses proches mangent aussi. Il cache aussi sa perte de poids, et fait tout pour montrer qu'il va bien en étant hyperactif. Certaines jeunes filles peuvent aussi ne plus avoir leurs menstruations.

Plusieurs signes d'alerte peuvent présager un comportement anorexique ou boulimique chez un adolescent et ainsi mettre la puce à l'oreille des parents.

• Perte de poids de 10% ou plus
• Variations brutales ou progressives de comportement
• Perte d'appétit
• Maux de ventre
• Migraines
• Difficultés scolaires ou surinvestissement à l'école
• Propension à l'isolement
• Sommeil perturbé
• Aménorrhée
• Préoccupation excessive de l'image du corps, de l'alimentation
• Mauvaise estime de soi
• Vomissements
• Régimes suivis rigoureusement
• Activité physique intense

À quoi sont liés les troubles alimentaires à l'adolescence ?

Généralement, les troubles du comportement alimentaire sont associés à des problèmes psychologiques impactant la santé somatique, psychique et l'insertion sociale.

Comment aider son ado qui souffre d'anorexie ou de boulimie ?

Pour comprendre d'où vient cette souffrance, les parents peuvent tout d'abord discuter avec l'ado et lui demander ce qui ne va pas, les éventuels problèmes qu'il rencontre à l'école, l'image qu'il a de lui... Bien sûr, tous les ados ne seront pas enclins à évoquer leurs souffrances et à en parler avec leurs parents.

Il ne faut donc pas hésiter à consulter un médecin, même son médecin traitant, et entamer une démarche de soins. Veillez à aborder le sujet tout en douceur, en lui manifestant votre inquiétude de façon claire : "nous sommes inquiets pour toi et nous avons besoin d'aide". Pensez que très peu de jeunes refusent de se faire soigner. Et en effet, "les plus grandes réticences ne viennent pas des adolescents, ce sont plutôt les parents qui ont du mal à accepter l'idée que leur enfant souffre", nous certifie Marie-Rose Moro, professeur en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent et directrice de la maison de Solenn à l'hôpital Cochin à Paris. 

Quel traitement en cas de troubles alimentaires chez un ado ?

Un ado qui est touché par les troubles alimentaires peut bénéficier d'une prise en charge médicale et thérapeutique, et dans certains cas d'un traitement. Cette prise en charge se fait généralement en trois étapes. L'ado est reçu en consultation par un médecin qui va évaluer, sans jugement, le "retentissement" de son trouble alimentaire sur son état de santé global (taille, poids, IMC, attitudes par rapport à la nourriture, vécu corporel, image corporelle, estime de soi…). Afin de lui proposer un suivi ambulatoire adapté, une évaluation psychologique ou psychiatrique est effectuée en fonction de ses besoins. Le médecin coordonnateur propose ensuite à l'ado et à ses parents un projet global (médical, psychologique, psychiatrique, scolaire et diététique). Le projet de soins est individualisé, évolutif et négocié avec le jeune et sa famille.

Les objectifs des soins ? "Restaurer le poids et le maintenir, traiter la souffrance psychologique et minimiser les conséquences sociales et relationnelles", précise-t-elle. Le temps du suivi dépendra des séquelles somatiques, psychologiques et sociales, mais "une prise en charge dans la durée, pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, est souvent envisagée", afin de "minimiser les risques de TCA chroniques et favoriser la guérison sur le long terme, idéalement à vie", insiste la directrice de la maison de Solenn.

Qui contacter si mon ado souffre de TCA ?

Les parents, qui ont remarqué des signes ou qui se posent des questions sur les TCA à l'adolescence, peuvent téléphoner à la ligne "Anorexie, boulimie, info écoute" au  09.69.325.900 (numéro non surtaxé). 

Les jeunes, eux, peuvent se rendre dans une Maison des Adolescents (MDA), située dans chaque département en France. C'est un lieu d'accueil et de conseils pour les jeunes de 11 à 25 ans (l'âge peut varier selon les structures) et leurs familles. L'accueil dans ces maisons est entièrement gratuit et anonyme si l'ado le souhaite et lui permettra de rencontrer différents professionnels (psychologues, médecins, infirmières, nutritionnistes, assistante sociale…) en fonction de ses besoins. Pour trouver la maison des adolescents la plus proche, rendez-vous sur le site de l'Association nationale des adolescents.

Quelles sont les statistiques sur l'anorexie et la boulimie à l'adolescence ?

D'après les statistiques de l'Assurance maladie, l'anorexie mentale toucherait davantage les filles, au moins dans 80% des cas. Concernant la boulimie, cette maladie concernerait 1,5% des 11-20 ans et notamment trois filles pour un garçon. L'hyperphagie boulimique, qui se caractérise par des crises répétées de boulimie, serait plus fréquente avec des formes précoces sévères. 

"Les ados peuvent connaître à la fois des phases d'anorexie, de boulimie ou d'hyperphagie."

La boulimie et l'hyperphagie boulimique – qui se caractérise par une absorption d'une très grande quantité de nourriture sur une courte durée, mais sans l'éliminer en vomissant, et qui touche autant les hommes que les femmes – sont des troubles plus répandus, mais bien moins médiatisés et donc plus difficiles à appréhender. D'autant plus que les jeunes concernés par ces troubles peuvent "connaître à la fois des phases d'anorexie, de boulimie ou d'hyperphagie", nous explique le Pr. Nathalie Godart, pédopsychiatre spécialisée dans le champ de l'adolescent et du jeune adulte.