Défilé Vetements haute couture printemps-été 2017, le décryptage

Mardi 25 janvier, le label Vetements a présenté son deuxième défilé haute couture au sein du Centre Georges-Pompidou. Une collection basée sur les stéréotypes et qui a bousculé les codes de la mode et du luxe. Décryptage.

Défilé Vetements haute couture printemps-été 2017, le décryptage
© WWD/Shutterstock/SIPA

Le militaire en combinaison à imprimé camouflage, la vieille dame en fourrure et lunettes oversize, le vigile en veste de cuir, la mère coincée des années 2000 en veste de jean, pochette serpent et top asymétrique léopard, la "dadame" chic en tailleur Chanel un peu désuet, la gravure de mode en robe bleu électrique, la BCBG en pull court sur chemise et jupe tube midi, la secrétaire en tenue de travail, le geek mal dans sa peau en chemise sur long gilet, la gothique en immense manteau de cuir, ou encore la mariée sous une choucroute de voile en tulle, le casting du défilé Vetements haute couture printemps-été 2017 a de quoi surprendre.

Après un premier défilé haute couture animé par 18 collabs dont Schott, Manolo Blahnik, Levi's ou Comme des Garçons, avec en toile de fond les Galeries Lafayette parisiennes, Vetements a cette fois ci envahi le hall du Centre Pompidou. Cette saison, le label créé par Demna Gvasalia s'interroge sur les stéréotypes. Une interrogation, ou peut-être juste un prétexte pour, une fois encore, provoquer la planète mode en présentant une garde-robe "normale", destinée à faire parler d'elle.
En effet, depuis sa création, la griffe peut se targuer d'avoir non seulement réussi à imposer son style underground sur les podiums de la mode, mais surtout d'être devenu (sur)populaire grâce à ses hoodies Champion, ses t-shirt de la compagnie de transporteur DHL, ses manches interminables, ses épaulettes démesurées, ses capuches étriquées et bien d'autres gimmicks qui constituent son allure si reconnaissable...

Mardi 24 janvier 2017, la toute nouvelle tribu Vetements a donc évolué devant un parterre d'invités triés sur le volet. Le punk a bien sa coupe iroquoise sur la tête, la Parisienne et son trench sur le dos, le touriste et son sac ceinturé à la taille, le père de famille et son pantalon de velours côtelé… en bref, le moindre détail est pensé pour deviner les rôles de chacun à travers son look. Selon Demna Gvasalia, le vêtement serait-il donc un prolongement de la personnalité ou une manière de nous catégoriser ?
Aussi intéressants qu'ils puissent être, ces questionnements ne peuvent résolument pas constituer une "collection de vêtements", soit quelque chose de palpable et surtout qui a un prix (et pas des moindres puisque les créations Vetements sont bien loin d'être abordables.)

Bien sûr, le label ne se contente pas de faire défiler un cortège de pièces disponibles dans n'importe quelle penderie de n'importe quel humain. L'intervention Vetements dans le travail des pièces mode, même si elle se veut subtile, réside dans des jeux de reconstruction et de réinterprétation de ces dernières. Pour exemple, une veste en jean est en fait le fruit de plusieurs vestes en jean recoupées entre elles, une cravate devient ceinture ou pochette de costume, une chemise à carreaux se porte sur une doudoune ou une veste de smoking double une parka. Ces enchaînements de basiques transformés en pièces uniques et qui font le succès de Vetements, trainent trônent depuis maintenant longtemps sur les podiums de la griffe, sans forcément se renouveler.
 
Alors oui, un peu de réalité dans le monde de la mode ne fait pas de mal, oui, le mélange des genres a apporté un nouveau souffle à l'industrie, oui, jouer sur l'anonymat de ses créateurs cultive le mystère du label, oui, en mode le laid peut devenir tendance…. tout cela, Vetements n'a eu de cesse de nous le marteler, au fil de ses collections. Seulement avec cette nouvelle expression d'une volonté de "démocratiser" la mode, Vetements atteint les limites de la création, et de l'innovation, et tombe dans une caricature grotesque. Hormis la démonstration artistique digne d'une étude sociologique, les tenues n'arrivent pas à combler nos attentes de haute couture. Parce que, rappelons-le, il s'agit bien là de haute couture, soit une appellation prestigieuse répondant à plusieurs critères bien précis dont la confection main et faite en France, mais aussi un savoir-faire artisanal de haute voltige.
Loin de démocratiser la mode, Demna Gvasalia la scinde un peu plus en confrontant ceux qui crient au génie devant une telle insolence, à ceux qui trouvent les défilés ridicules ou tout simplement laids. Entre ces deux clans, il y a encore ceux qui réussissent à comprendre l'intention mais qui s'ennuient devant ses interprétations uniformes. Si Vetements continue à ne jamais se renouveler, il y a fort à parier que les adulateurs commencent eux aussi à se lasser.
Mais tout cela est bien loin d'inquiéter le directeur artistique de Balenciaga qui n'est pas résolu à arrêter de bousculer les codes dans ses créations, que cela plaise ou non.

 

VETEMENTS SHOW TODAY

Une vidéo publiée par VETEMENTS (@vetements_official) le

Le punk © WWD/Shutterstock/SIPA
La dadame chic en tailleur Chanel © WWD/Shutterstock/SIPA
La mariée © WWD/Shutterstock/SIPA