Tavi Gevinson : "Grandir avec Internet a été un levier pour moi"

Tavi Gevinson est à l'affiche de "Manhattan Stories", en salles, de Dustin Guy Defa. Dans cette charmante fresque new-yorkaise aux personnages aussi décalés qu'attachants, l'ex-blogueuse de 22 ans campe le rôle de Wendy, une adolescente misanthrope qui s'interroge sur sa sexualité. Entretien avec une actrice qui a démarré dans la mode.

Tavi Gevinson : "Grandir avec Internet a été un levier pour moi"
© UFO Distribution

Tavi Gevinson est Wendy dans Manhattan Stories, une charmante comédie signée Dustin Guy Defa. La jeune femme de 22 ans interprète une adolescente désabusée par la société qui tente d'établir des liens "normaux" avec les gens qui l'entourent. Entretien avec une jeune prodige touche-à-tout – tantôt fondatrice du site rookiemag.com, tantôt conférencière, tantôt actrice – qui a démarré sa carrière à 11 ans,

Le Journal des Femmes : Qui est Wendy, votre personnage ?
Tavi Gevinson : Wendy détonne des rôles d'adolescentes habituels, qui ne parlent que de garçons et de potins. Les émotions et les désirs de cette jeune lycéenne sont trop complexes pour qu'elle rentre dans une case. Elle ressemble à une version plus jeune de moi. Elle est tellement intense et bien évidemment, tellement déprimée… J'ai vraiment été inspiré par Wendy.

Qu'avez-vous de commun avec elle ?
J'ai été dans la même situation avec des amis ; quand tu estimes avoir passé l'âge pour certaines relations amicales et que tu t'en détournes. Si sa meilleure amie fait semblant d'être à l'aise avec le sexe, Wendy ne l'est clairement pas. Je lui ressemble dans la manière qu'elle a de ne pas s'exprimer librement sur certains sujets, d'avoir du mal à interagir avec des inconnus. 

Ce film, c'est aussi une balade à New York. Que représente cette ville pour vous ? Dans quelle(s) autre(s) ville(s) pourriez-vous habiter ? 
J'adore vivre ici et je ne pourrais vivre de la sorte dans aucun autre lieu. Cette ville est tellement bouillonnante. Je suis casanière et c'est assez difficile de justifier mon envie de vivre ici. Cependant, je songe parfois à aller vivre ailleurs pour être loin du tumulte.

Qu'avez-vous appris grâce à ce film ?
Je jouais déjà au théâtre donc cela m'a permis d'être plus à l'aise avec la caméra.

Comment était l'ambiance lors du tournage ?
C'était trop cool ! Ce genre de petit film, avec une petite équipe… C'était comme une colonie de vacances, mais à New York ! Dustin ( (le réalisateur, ndlr)) était bienveillant, ce qui encourageait tout le monde à donner le meilleur de soi-même. La plupart d'entre eux avait certainement déjà été dirigés par des réalisateurs malsains qui leur mettaient la pression.

On est habitués à vous voir au premier rang des défilés… Comment en êtes-vous arrivée là ?
Je suis une grande cinéphile et je vis dans une ville qui respire le cinéma. Petite, je suivais des cours de théâtre, je passais des auditions et je travaillais dans un cinéma de quartier à Chicago. Là où j'ai grandi, on disait : "Si tu veux faire du cinéma, prend des cours de théâtre à l'université puis va t'installer à New York ou Los Angeles et peut-être qu'un jour tu tomberas sur les bonnes personnes". Ce n'était pas mon but. Même si j'aimais faire du théâtre, je n'envisageais pas mon parcours de cette manière. C'est grâce à mon autre activité (blogueuse, ndlr) que j'ai rencontré les bonnes personnes, qui sont aujourd'hui devenues mes agents et qui m'ont encouragée à poursuivre mes projets. Dustin et moi, on s'est rencontrés alors que je jouais dans la pièceThis Is Our Youth.

Avez-vous subi des pressions dans le milieu de la mode ?
Je n'ai jamais été vulnérable dans la mode comme je pourrais l'être en tant qu'actrice Je n'ai jamais fait de choses à contrecœur. Je ne suis pas en train de dire qu'il n'y a pas de tensions dans le milieu de la mode, mais personnellement, je n'ai jamais eu de mauvaises expériences.

Qu'est-ce que votre blog vous a apporté ?
Avoir ce blog m'a permis de découvrir de nouvelles personnes, d'interviewer de grands créateurs, ou encore d'aiguiser ma plume. C'est un excellent moyen pour s'exprimer, pour ceux qui aiment écrire.

La mode et le cinéma, c'est complémentaire ?
Bien sûr ! Mes plus grandes inspirations viennent de mes films préférés, où les costumes mettent en exergue le personnage et son univers. Ces deux industries sont faites pour avancer main dans la main.

A 21 ans, vous avez déjà tout d'une pro. Comment avez-vous fait pour garder les pieds sur terre avec votre succès précoce ?
Je suis allée jusqu'au bout de ma scolarité, mes parents sont des gens "normaux", ils ne cherchent pas d'attention particulière, j'ai de très bons amis… Et puis on n'a rien sans rien : je dois continuer à travailler et ce milieu peut être très rude.

Vous avez commencé votre blog à 11 ans. Qu'est-ce qui vous a poussé à vous exprimer si tôt et si intensément sur les vêtements ?
Grandir avec Internet a été un levier pour moi. Je ne m'attendais pas à ce qu'autant de personnes fréquentent mon blog, donc j'ai rapidement dû prendre des décisions. Pour les vêtements, j'étais inspirée par les gens que je croisais, les filles de mon collège qui postaient des photos de leurs tenues après les cours... C'était purement un loisir, bien avant que tout cela ne devienne lucratif. 

Le 9 décembre 2016, vous avez publié un communiqué poignant résumant votre activité de blogueuse. Pourquoi avoir arrêté vos sujets sur la mode ?
Au lycée, j'ai commencé Rookie, en dehors de mon blog. C'était mon propre magazine dont je suis devenue l'éditrice et je ne voulais pas juste parler de mode, mais aussi des autres filles qui ont mon profil, des artistes de ma génération, de leur vie, de toutes les cultures... C'était un réel besoin de changement.

Manhattan Stories (1h25), de Dustin Guy Defa, avec Abbi Jacobson, Michael Cera et Tavi Gevinson