Gauvain Sers : "J'aime créer des musiques visuelles"

Le protégé de Renaud, qui a pu compter sur Jean-Pierre Jeunet pour réaliser son premier clip vient de sortir son premier opus "Pourvu". Rencontre avec Gauvain Sers, la nouvelle pépite de la chanson française.

Gauvain Sers : "J'aime créer des musiques visuelles"
© Universal

Gauvain Sers. Ce nom ne vous dit peut-être rien. Pourtant, ce jeune artiste de 27 ans a déjà tout d'un grand. Originaire de la Creuse où il retourne souvent pour "se ressourcer", Gauvain Sers s'est fait un nom en assurant les premières parties de Tryo et de son idole de toujours, Renaud. Il faut dire que ce musicien auto-didacte - il a appris la guitare tout seul à l'adolescence - possède une voix rouillée, une plume aiguisée lui permettant de créer des musiques poétiques et visuelles, à la fois touchantes et teintées d'humour. Inspiré par les chanteurs français à texte comme Alain Souchon, Georges Brassens ou Jean Ferrat, et par le folk américain de Bob Dylan, Neil Young ou Simon and Garfunkel, Gauvain Sers signe un premier album où se mêlent souvenirs d'enfance, textes engagés et coups de gueule.

C'est dans les bureaux de sa maison de disques que nous le rencontrons. Avec sa casquette sur la tête, sa chemise à carreaux et sa guitare dans la main, il a tout du mec cool. Pas encore totalement habitué à l'exercice de l'interview, il dévie son regard bleu-grisé à chacune de nos questions, avant de se détendre au fur et à mesure de l'interview.

Quelques jours plus tard, nous le retrouvons pour un showcase dans l'un des bars du Ventre de Paris. Derrière le micro, Gauvain Sers se transforme. Exit le mec réservé rencontré quelques jours avant, sur scène, il est à l'aise, taquin avec son public et totalement maître des lieux. Signe qu'il a vraiment trouvé sa voie. Confidences d'un artiste déjà grand.

Journal des Femmes : La musique a-t-elle toujours fait partie de votre vie ?
Gauvain Sers :
Mon père a toujours été fan de chansons françaises à texte. Plus jeune, avec mes frères, on allait à des concerts d'artistes de la nouvelle scène française des années 90 comme Tryo, Delerm ou Bénabar. J'ai commencé à écrire des textes à la fin du lycée, puis à m'accompagner à la guitare que j'ai appris tout seul, en regardant des vidéos sur internet.

Sur quoi écriviez-vous à l'époque ?
Au début, on écrit tous des chansons d'amour, on parle des premiers émois, des premières ruptures… Quand je les relis aujourd'hui, je n'en suis pas fier mais ces chansons ont été importantes. C'était très autocentré puis je me suis ouvert petit à petit en parlant de ce qui se passait autour de moi, tout en développant mon propre univers. Je pense que c'est à force d'écrire qu'on s'améliore.

Vous avez fait une école d'ingénieur avant de tout plaquer pour vous lancer dans la chanson. Pas trop difficile de convaincre vos parents de ce choix ?
Je leur ai dit vouloir me lancer dans la musique une fois mon diplôme en poche. A l'époque, comme je ne travaillais pas encore, ils se sont dit que c'était peut-être le bon moment. J'ai donc intégré la Manufacture Chanson à Paris où, pendant un an, des intervenants me conseillaient sur l'écriture, la musique et le chant. A la fin de cette année de cours, j'ai commencé à travailler en tant que programmeur informatique dans une entreprise tout en faisant de petits concerts de temps en temps à côté. Un an plus tard, je plaquais tout pour me consacrer entièrement à la musique et c'est à ce moment-là qu'ils ont vraiment flippé. Ils ont été rassurés quand j'ai commencé à faire les premières parties de Tryo puis de Renaud.

"Le coup de fil de Renaud a changé ma vie"

Justement, il paraît que vous aviez acheté des billets pour la première date de la tournée de Renaud. Comment avez-vous réagi quand il vous a appelé ?
En fait, je ne voulais pas louper son grand retour. Tout le monde dans la famille l'avait vu sur scène sauf moi. Quand il m'a appelé, j'étais au restaurant et j'ai bien sûr cru à une blague mais j'ai assez vite reconnu sa voix. Il m'a parlé avec des mots incroyables de deux de mes chansons qu'il avait écouté. J'étais tout tremblotant, un peu sans voix… Puis il m'a vite proposé de faire les premières parties du Zénith à Paris. Ça restera le coup de fil le plus improbable de ma vie, et qui a changé beaucoup de choses pour moi.

Que s'est-il passé ensuite ?
On s'est rencontrés la veille de son premier Zénith. Il ne connaissait que deux de mes chansons, il m'a donc proposé de venir chez lui les jouer. Avec Martial qui m'accompagne à la guitare, on a joué 8 morceaux dans son canapé. C'était complètement surréaliste. Le lendemain, on était au Zénith et il nous présentait chaque soir avec des mots incroyables… A l'origine, on ne devait faire que 10 dates à Paris, on a finalement fait toute la tournée.

Votre premier album s'appelle Pourvu. Comment le définiriez-vous ?
L'album brasse des choses différentes que j'aime beaucoup : ça va du piano-voix à des musiques plus arrangées, des rythmiques et des émotions différentes à l'écoute. Le contenu est également très vaste. J'y parle de mon enfance, d'amour, de choses légères sur le quotidien, mais aussi de sujets plus sociaux et il y a même quelques coups de gueule. Je voulais qu'il représente ce que je fais sur scène : passer du rire aux larmes et proposer des choses très différentes.

Dans Mon fils est parti au djihad, vous abordez ce sujet sérieux un peu casse-gueule avec élégance, sans tomber dans la surenchère.
Même si le sujet est grave, j'essaie d'y intégrer quelques touches d'humour pour ne pas plomber l'ambiance. J'ai opté pour l'angle de vue de la mère, qui apporte de l'émotion à la chanson. C'est important d'équilibrer l'ensemble.

Quand vous avez signé chez Universal, vous avez soumis l'idée que Jean-Pierre Jeunet réalise le clip de Pourvu. Qu'avez-vous ressenti quand il a accepté ?
C'était un autre moment incroyable ! Jean-Pierre Jeunet est l'un de mes réalisateurs préférés, je fais quelques clins d'oeil à son univers dans mes titres et il collait parfaitement à la chanson. C'était l'un de mes rêves ultimes. Il a refusé dans un premier temps, sans même écouter la chanson, car il n'avait pas fait de clip depuis longtemps. Puis, à force de l'écouter, il a eu quelques idées et s'est vite laissé prendre au jeu. La cerise sur le gâteau, ça a été que Jean-Pierre Darroussin et Gérard Darmon que je cite dans la chanson, acceptent eux aussi de participer au clip. Au final, je trouve qu'il nous ressemble à tous les deux, il est à la fois poétique et drôle... J'en suis très content.

Le premier clip avec Jeunet… Quel sera le réalisateur du prochain ?
(rires) Ça va être difficile de faire mieux… On a mis beaucoup d'énergie dans le premier et on a eu de la chance de tourner avec toute l'équipe de Jeunet. Pour l'instant, on est encore sur ce clip-là.

"Ma casquette me correspond bien"

Dans Le ventre du bus 96, vous parlez de ce "creusois, casquette marron, qui colle sa joue contre la vitre, qui pense à sa prochaine chanson, j'crois même qu'il a déjà le titre". Comment se passe votre processus d'écriture ?
Quand je travaillais à Montparnasse, je croisais beaucoup de monde dans ce fameux bus 96. Il y a toujours des scènes cocasses et je trouvais que se serait intéressant de dresser toute une galerie de personnages. Plus globalement, c'est d'abord un sujet, une phrase ou un angle original qui me donne l'envie d'écrire une chanson. J'essaie ensuite de dérouler une histoire autour de ce sujet et de faire en sorte qu'il y ait une chute. J'aime le fait de comprendre visuellement la chanson, d'en faire une sorte de court-métrage. C'est ce que j'essaie de développer en tout cas.

Vous vous produirez en fin d'année à la Cigale. Vous appréhendez ?
Forcément, j'ai hâte d'y être. C'est une salle que j'aime beaucoup, l'album sera sorti et le public connaîtra mes chansons… Ce qui m'a marqué, c'étaient surtout mes deux dates au Café de la Danse en "tête d'affiche" à Paris. Les deux soirs affichaient complet et voir le public chanter mes titres alors que l'album n'était pas encore sorti m'a beaucoup ému.

Vous portez constamment une casquette marron sur la tête. Un porte-bonheur ?
C'est la casquette du gars de la Creuse, la casquette de campagnard, mais aussi celle du Titi parisien, là où j'habite. Cette double casquette me correspond bien. Je l'ai achetée par hasard sur un marché de Bruxelles avant d'arriver à Paris, et elle ne m'a jamais quitté depuis.

© Universal

Quelle est votre mélodie du bonheur ?
J'aime beaucoup les mélodies assez tristes… Je dirais que la bande-originale du film Amélie Poulain de Yann Tiersen est assez mélancolique, mais elle représente assez bien le bonheur.

Est-ce qu'il vous arrive de jouer du pipeau ?
Le moins possible.

Qu'est-ce que vous menez à la baguette ?
C'est compliqué ça ! (Il réfléchit, ndlr) La cuisson des pâtes.

Qu'est-ce qui vous met des trémolos dans la voix ?
Une scène touchante au cinéma, la première fois que j'ai entendu le public chanter l'une de mes chansons ou quand on m'envoie des vidéos d'enfants chanter mes titres.

Qu'est-ce que vous envoyez valser ?
La bêtise humaine.

La dernière fois que vous l'avez mise en sourdine ?
Peut-être pendant le tournage avec Jeunet. J'écoutais et observais tout ce qui se passait avec des yeux d'enfants. J'étais plus dans l'observation que dans le fanfaron.

La dernière fois que vous vous êtes réveillé en fanfare ?
Ça arrive souvent ça. Surtout quand j'ai un truc important le lendemain, j'ai peur de rater mon réveil donc je me lève avant. 

Une musique qui adoucit les mœurs ?
Il y en a plein mais je dirais Mistral Gagnant.