Zaz : "J'ose être belle et m'habiller sexy"

INTERVIEW - Zaz vole à la rescousse de l'environnement avec la première édition de son Crussol Festival consacré au développement durable, à découvrir les 8 et 9 juillet à Saint Péray. A cette occasion, on a rencontré cette chanteuse ambitieuse qui a joué le jeu des confidences, sans aucun complexe.

Zaz : "J'ose être belle et m'habiller sexy"
© Kastl Wolfram/DPA/ABACA

C'est avec une mine radieuse qu'Isabelle Geffroy, alias Zaz, nous salue chaleureusement. Après un passage au conservatoire de Tours alors qu'elle n'avait que 5 ans, la chanteuse originaire d'Indre-et-Loire s'est fait remarquer au cabaret Chez Nello. Dès l'âge de 15 ans, elle suit des cours de chant au Centre d'Information et d'Activités Musicales de Bordeaux, où elle perfectionne sa voix atypique et mélodieuse qui la rend célèbre grâce à son titre "Je Veux" en 2010. Inspirée par la légendaire Ella Fitzgerald et les rythmes latino-américains, Zaz se voyait donner de la voix "pour changer le monde". Interprète mais aussi auteure-compositrice, elle manie les instruments avec brio. Au-delà de ses talents musicaux, celle qui voulait "de l'amour, de la joie, de la bonne humeur" a plusieurs cordes à son arc. Pour la première fois, avec son réseau Zazimut, elle lance la première édition du Crussol Festival, du 8 au 9 juillet.. Un événement qu'elle dédie à la vie en communauté et au respect de l'environnement. Rêveuse et grande passionnée de la vie, elle s'est livrée sur ce nouveau projet, sur les critiques qu'elle a réussi à accepter et sur son image qu'elle apprend encore à aimer.

Vous lancez le Crussol Festival. Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans ce projet ?

J'ai toujours voulu créer un festival. Je voulais un lieu où les gens se réunissent à travers des débats, des discussions et de la musique. Les gens ont besoin de se rencontrer. On voulait un lieu sublime donc j'ai missionné Pbox, une boîte de production basée à Valence, en leur disant que j'avais très envie de monter ce projet. On a choisi le château de Crussol, qui est très emblématique. C'est un lieu qui a une histoire et qui symbolise l'enfance de beaucoup de monde. Rendre un lieu en ruine vivant m'intéressait. On voulait faire travailler les acteurs locaux et faire vivre ce lieu. 

Vous avez choisi des artistes principalement français pour cet évènement, mais aussi Flavia Coelho, d'origine brésilienne et Yuri Buenaventura, d'origine colombienne. Pourquoi ?

On souhaitait trouver un artiste local mais c'est finalement la SMAC qui nous a aidés à trouver les artistes que l'on voulait. PBox m'a conseillée le groupe Orange Blossom qui est en accord avec l'esprit du festival. En ce qui concerne Yuri Buenaventura, j'ai fait sa première partie au théâtre des Bouchauds alors que je n'étais même pas encore connue et j'adore la musique latine.. On avait déjà sympathisé. Pour Flavia, j'avais déjà travaillé avec elle au piano-bar des Trois Mailletz. Mickey 3D m'avait écrit une chanson et correspond parfaitement à l'esprit du festival. Je voulais qu'il y ait plein de choses différentes et tout s'est fait naturellement.

Quelle est la particularité de ce nouveau festival ?

A part le côté apolitique du Crussol Festival, il n'y a pas besoin de différencier. Ce sont des gens qui ont envie de discuter ensemble de ce qu'ils pourraient faire pour la société. Ils veulent savoir comment ils pourraient s'y investir et ce qu'ils pourraient faire au quotidien pour que les choses changent progressivement. Il suffit juste d'impliquer les gens et de se rendre compte que l'on peut faire beaucoup de choses seul, mais aussi ensemble. Il y aura énormément de choses pour l'éducation des enfants, mais aussi pour celle des adultes, pour le respect du vivant et de la terre. On parle de développement durable et de l'avenir de l'humanité dans la joie ; tout peut s'ouvrir avec de la joie. La musique et l'art donnent la pêche.

Diriez-vous que vous êtes une artiste engagée ?

Avant d'être une artiste, je suis un humain engagé. On a besoin de créer pour s'épanouir. L'éducation me tient vraiment à cœur. Un enfant devrait avoir le droit de s'épanouir. Beaucoup de méthodes fonctionnent. Il suffit de tout changer, même si le changement fait peur. Il faut oser sauter dans le vide vers quelque chose qui n'a pas encore été fait. 

Avez-vous d'autres talents qui méritent d'être connus ?

Je me suis mise à la peinture. Je le faisais auparavant, mais j'étais gênée parce que je ne me sentais pas légitime. Je suis très exigeante envers moi-même. J'ai rencontré un peintre au Québec, il y a un an, qui m'a montré comment peindre. Je risque de faire une exposition au Québec avec lui, d'ailleurs. Ce que je peins est très abstrait. Je peux y passer des heures car ça me fait du bien.

"J'ai toujours trouvé que j'étais différente et je n'arrivais pas à m'adapter"

Pourriez-vous vous imaginer faire autre chose que de la musique ?

J'aimerais faire du cinéma. Je voudrais d'abord être devant la caméra parce que les émotions me plaisent beaucoup. On doit trouver une vraie liberté en incarnant un personnage, ça en deviendrait une passion. Ça pourrait m'apprendre beaucoup de choses sur mes peurs et sur le fait que je n'ose pas être totalement être moi-même.

Auriez-vous peur du regard des autres ?

Sûrement, mais j'y travaille encore. J'ai toujours trouvé que j'étais différente et je n'arrivais pas à m'adapter. J'ai une manière de faire qui est atypique. Comme tout le monde, je me juge par rapport à ça car l'on m'a toujours appris à faire d'une certaine manière. Ce que je n'ai jamais réussi. J'ai réussi à m'adapter, mais ça a été un très long chemin. J'ai vécu l'enfer.

Comment réagissez-vous aux critiques dont vous êtes la cible ?

Je ne les ai jamais vues comme quelque chose de mauvais. Les critiques m'ont permis de me rendre compte que j'avais encore besoin de travailler sur énormément de choses. Si une critique nous atteint, c'est parce que l'on y croit. Si j'ai été touchée, c'est parce que je n'y étais pas préparée. Je ne pensais pas que les gens pouvaient être si méchants. J'essaie toujours de regarder le meilleur de chacun et je vis dans un monde qui ne connaît pas la méchanceté. Mais grâce aux critiques, j'ai commencé à prendre soin de moi et à me rendre compte que si ça me touche, je donne raison à ces paroles. La célébrité a été un apprentissage. On apprend à se connaître avec les épreuves et même si je peux très vite tomber, je rebondis tout aussi vite. On doit accepter ce qui ne nous plaît pas.

Vous dîtes agir de manière atypique : serait-ce la cause des réactions virulentes que vous pouvez susciter ?

Oui. Les gens ont l'image médiatique de la fille qui veut "de l'amour, de la joie, de la bonne humeur". Je me protège en acceptant ce que je suis tout en m'adaptant. Je suis ce qui me semble juste.

Et il y a les fans aussi ?

Dans mes chansons, je dis qu'il faut reprendre le pouvoir. Il y en a pour qui je suis un modèle, qui m'écrivent en me disant que j'ai réussi à chanter ce qu'ils pensaient et qu'ils ont réussi à se reconnaître dans ma musique. Ils me donnent le courage de croire en moi.

"Il faut faire ce que l'on aime faire et s'autoriser à être ce que nous sommes vraiment"

Quelle est selon, vous, l'injustice la plus intolérable ?

Briser les rêves des enfants en les formatant au lieu de les laisser expérimenter ce qu'ils sont. Ils pensent être obligés de suivre ce qu'on leur demande d'être. Si l'on veut que nos enfants soient heureux, il faut d'abord s'engager à être heureux, de notre côté. En l'étant, on rayonne et on transmet ce bonheur, comme le soleil. Il faut faire ce que l'on aime faire et s'autoriser à être ce que nous sommes vraiment, sans frôler la contestation. Tout est dans l'acceptation.

Procèderiez-vous de cette manière si vous aviez envie de refaire le monde ?

Je veux refaire le monde en prenant soin de moi et en m'aimant profondément. Quand je n'y arrive pas, je le fais quand même. Pour changer le monde, il faut apprendre à se connaître avant tout et savoir ce qui nous rend heureux.

On vous a souvent mise dans la case de "punk à chien", selon vos propres mots. Comment le prenez-vous ?

J'aime les punks à chien, ce ne sont pas eux le problème. En me définissant comme tel, c'est insultant. Nous faisons tous partie de la même société. On essaie souvent de coller des étiquettes aux gens. Je peux avoir des points communs avec un punk à chien ou un homme d'affaires. Je peux être timide comme plus extravertie : je suis multiple. L'image médiatique a dû contribuer à ça. On m'a identifiée à cette image sans chercher plus loin. J'ai peut-être surjoué certaines choses, mais les préjugés sont humains après tout. J'essaie toujours de me remettre en question.

Quel rapport avez-vous avec votre propre image ?  

Ça va beaucoup mieux. Même si j'ai 37 ans aujourd'hui, je serai toujours une enfant. Je suis aussi femme, mais je peux aussi être une ado ou une grand-mère. J'espère être maman, un jour, même si je le suis déjà un peu. Je rencontre des enfants, je discute avec eux et je les adore. Je m'amuse plus, dorénavant. Dans mes débuts, je voulais me débarrasser des artifices, mais je me suis rendue compte que je ne suis pas obligée d'en être victime. Je vois ça comme un jeu de déguisement. J'ose plus de choses : être belle, m'habiller sexy et accepter qu'un homme puisse me regarder avec désir.

Qui pourriez-vous citer comme une inspiration, hommes et femmes confondus ?

Pierre Rahbi, un écrivain qui a développé l'agro écologie et qui a redonné tout le pouvoir aux paysans en leur apprenant le fonctionnement de la terre et le respect du vivant. Ses bouquins sont des mines d'or. Le mouvement Colibri a été inspiré par ses travaux et c'est un ami de Nicolas Hulot.

Où et comment vous voyez-vous dans 10 ans ?

Encore plus épanouie avec une famille, des enfants et dans des projets qui me font du bien. Entourée de gens avec qui je peux construire une communauté qui nous rend heureux… Ou perchée sur une montagne en train de faire du yoga. Tout est possible !