Le Majordome : une histoire au service de l'émotion

Une larme que l'on essuie furtivement en prenant garde que notre voisin de gauche ne nous ai pas vu, et quelques rires qui s'échappent de la salle. Le nouveau chef d'œuvre de Lee Daniels, Le Majordome, nous fait vivre ces deux émotions à la fois.
Dès le début du film, le spectateur est captivé par l'histoire du personnage principal : Cecil Gaines, 89 ans, qui attend patiemment dans la salle d'attente de la Maison Blanche. La voix off, c'est lui, et il va raconter son histoire de façon chronologique. Pas une seule seconde le spectateur ne s'égare dans la narration. Le film débute en 1926 par une scène typique de ségrégation mettant en place Cecil, enfant, dans un champ de coton qui entend sa mère se faire violer et voit son père mourir devant ses yeux. Cette scène nous rappelle immédiatement celle de Django Unchained où le personnage principal réussit à se libérer de son maître abattu par le chasseur de primes. Dans Le Majordome, Cecil fuit à sa manière, en devenant "nègre de maison", puis serviteur jusqu'à gravir les échelons et devenir majordome de la Maison Blanche.
Forest Whitaker incarne à la perfection son personnage car il parvient à transmettre une forte émotion. On s'attache à Cecil Gaines, fier de son travail et obéissant afin de subvenir aux besoins de sa famille.

Le Majordome est le premier film qui relate le mouvement des droits civiques à travers l'histoire d'un père et de son fils. Lee Daniels a voulu montrer ce que la communauté noire a vécu au cours des 50 dernières années, son combat, sa douleur, son histoire dans la rue mais aussi dans la plus grande intimité. Au delà du mouvement des droits civiques, l'œuvre de Daniels présente surtout la relation étroite et intime à la fois entre un père et son fils.
En père serviteur exemplaire, Cecil se distingue de son fils qui se révolte et se bat contre la ségrégation raciale. Des conflits père-fils se profilent tout au long du film, mais nous devinons très rapidement qu'ils luttent chacun à leur façon. Les deux hommes sont tous les deux pour l'émancipation raciale : Cecil Gaines tente de faire évoluer le statut social du personnel noir américain en demandant une revalorisation de leur salaire. Son fils, lui, mène une bataille plus physique en organisant des manifestations notamment en devenant membre des groupes Malcom X et Black Panthers. Louis Gaines (Daniel Oyelowo) comprend que la passivité ne résout rien à partir du moment où Martin Luther King, manifestant pacifique, est assassiné.
Cecil a beau être un majordome "qui ne voit rien, n'entend rien, et ne dit rien" il n'est pas moins passif. Il a réussi à faire avancer la cause des gens de couleur et gagner le respect de ses semblables ainsi que de ses supérieurs blancs.
On aurait pu reprocher au réalisateur de ne pas traiter en profondeur des problèmes sociaux de la communauté noire et de ne pas choquer comme il avait l'habitude dans Precious et dans Paperboy. Car dans Le Majordome, pas de scène à caractère sexuel et très peu de propos grossiers. Lee Daniels rompt ici avec son style trash et s'en sort plutôt bien pour une première.
À travers les présidences d'Eisenhower, Kennedy, Johnson, Nixon, Carter, Reagan et même l'élection de Barack Obama; Lee Daniels a voulu montrer que la Maison Blanche a plus que jamais été au cœur de la ségrégation raciale, et que presque chacun, à sa manière s'est battu pour ses droits.

La bonne surprise : Oprah Winfrey excelle dans le rôle de Gloria Gaines, la femme du Majordome. Elle a su faire parvenir tristesse, colère, amour aux spectateurs et tout cela avec simplicité.
Pour l'anecdote : Lee Daniels avait pensé aux acteurs Will Smith ou Denzel Washington pour incarner le rôle de Cecil Gaines.

Sortie en salles le 11 septembre 2013.