L'Ombre D'Emily : Paul Feig, homme à femmes

Le réalisateur de "Mes Meilleures Amies" et "SOS Fantômes" délaisse la comédie pour s'attaquer au thriller, dans "L'Ombre d'Emily". Un nouveau genre pour cet expert des situations cocasses, qui en profite là encore pour déconstruire l'image que Hollywood se fait des femmes. Entretien.

L'Ombre D'Emily : Paul Feig, homme à femmes
© Metropolitan FilmExport

L'Ombre d'Emily est une histoire de faux-semblant, de réputation, d'image et de secrets. Blake Lively incarne une mystérieuse beauté fatale, qui disparaît du jour au lendemain, laissant sa nouvelle meilleure amie avec son enfant et une foule de questions. S'en suit une enquête improvisée par cette dernière pour découvrir qui se cache derrière cette énigmatique blonde. Un film à suspens réalisé par Paul Feig, abonné aux comédies "de filles", dans le sens, avec des filles qu'on ne voit pas ailleurs. Le cinéaste nous a parlé de ce nouveau challenge.

Le Journal des Femmes : Qu'est-ce qui vous a séduit dans cette histoire ?
Paul Feig
: Le thriller est mon genre préféré. J'ai toujours cherché à en faire un, tout en sachant que je ne pourrais pas l'écrire de A à Z. J'attendais le bon script. Quand on nous a contactés pour produire le film, j'ai tellement aimé l'histoire que j'ai voulu le réaliser. J'ai vu le potentiel des rebondissements, mais aussi l'humour qu'on pouvait y incorporer à travers le personnage de Stephanie. La question ne s'est pas posée.

Pour l'habitué aux comédies que vous êtes, quel a été le plus gros challenge ?
Le plus flippant, c'était de faire en sorte que ça fonctionne tout le long. Un thriller doit entretenir le mystère. Rien ne captive plus l'audience que d'avoir quelque chose à découvrir, mais si la fin est une déception, le public déteste tout le film et il vous en veut de l'avoir embarqué là-dedans sans le satisfaire. On devait s'assurer de tourner assez autour du pot pour intriguer, tout en ajoutant de l'humour sans impacter l'aspect thriller.

Comment avez-vous trouvé le juste milieu entre drôlerie et anxiété ?
C'est ma partie préférée. Les thrillers ne sont plus aussi drôles qu'ils l'ont été. Hitchcock était bon pour ça. Dans toutes les situations tendues que j'ai vécues, il y avait toujours quelqu'un pour faire une blague. Je voulais vraiment rendre cet aspect au thriller, qui reste un genre absurde. Les mauvaises décisions des personnages en deviennent drôle tellement les situations sont folles.

C'est vrai que c'est plus difficile de faire rire les gens ?
C'est pour cela que la comédie ne gagne pas beaucoup de prix : si on le fait bien, ça semble facile. Mais on travaille dur pour donner l'impression que c'est simple. Quand une comédie montre le travail derrière on dit qu'elle est sweaty. C'est quand une scène ou une blague galère… comme quand vous rencontrez quelqu'un qui veut absolument vous plaire, vous avez envie de lui dire "stop".

L'histoire de L'Ombre d'Emily aurait-elle été aussi intéressante avec des hommes ?
J'aime les films de femmes parce que vous ne comprenez jamais ce que ça implique d'être femme, comment la société veut que vous agissiez. Vous pouvez ne pas vous en préoccuper, mais cette pression existe. Stephanie est maman, elle veut protéger son enfant, Emily aussi. Elles ont un fort instinct maternel. Je n'aurais pas eu autant d'intérêt avec deux hommes.

Dans tous vos films, vous dépeignez des femmes aux caractères forts, drôles, exubérantes… Qu'est-ce qui vous plaît chez elles ?
J'aime les portrait de femmes en 3D. J'ai grandi en regardant des films des années 30 ou 40, dans lesquels les personnages féminins étaient les égaux des hommes : forts, cool, drôles, vulnérables... Et puis je les ai vu avoir moins d'importance et devenir plats. Aujourd'hui on nous sert la vision d'un garçon de 15 ans, pour qui la femme est une mère qui lui dit quoi faire ou une conquête. Je connais tant de femmes qui ne s'y retrouvent pas. Et tant de talentueuses actrices qui ont plus à offrir. Je suis heureux de pouvoir réaliser ce genre de films, de voir que Hollywood se réveiller. La prochaine étape, c'est que l'industrie laisse les femmes raconter des histoires aussi derrière la caméra. On y arrive. Les studios pensent à des réalisatrices, ce qui va enfin les légitimer aux yeux de l'industrie.

Comment avez-vous su que Blake Lively et Anna Kendrick seraient parfaites ?
Personne n'avait vu Blake dans un rôle comme celui-ci. Les gens ont un image d'elle, parce qu'elle est charmante, sympa… J'ai pensé qu'on pourrait surprendre le public. J'aime faire faire à un acteur quelque chose auquel les gens ne s'attendent pas, comme avec Jason Statham dans Spy et Chris Hemsworth dans SOS Fantômes. Pour Anna, j'ai joué avec ses précédents rôles pour déconstruire cette image au fil du film… C'est comme dans la vraie vie. On voit une maman joviale, on se dit qu'elle n'a aucune ambiguïté et puis on découvre sa vie intime. C'était fun de savoir que j'allais manipuler le public.

L'Ombre d'Emily, avec Blake Lively et Anna Kendrick. Au cinéma le 26 septembre.

"L'Ombre d'Emily : bande-annonce"