Valeria Golino : "Au quotidien, je suis immortelle"

Valeria Golino a illuminé le Festival de Cannes en tant que réalisatrice. "Euforia", son drame sur deux frères aux antipodes réunis par la maladie de l'un, était sélectionné dans la catégorie Un Certain Regard. La star italienne nous avait alors accordé un entretien sur la Croisette.

Valeria Golino : "Au quotidien, je suis immortelle"
© Matt Baron/Shutterstock/SIPA

Le Journal des Femmes : Ça fait quoi d'être de retour à Cannes en tant que réalisatrice ?
Valeria Golino : C'est puissant, beau, ça fait du bien, mais c'est plus stressant d'être ici pour son film qu'en tant qu'actrice.

Comment vous est venue l'idée d'Euforia ?
Cette histoire est arrivée à un ami qui ressemble beaucoup à Matteo. Comme lui, il est irrésistible et il a dû affronter la maladie et la mort de son frère. Pendant qu'il me racontait ses histoires au début de la maladie, je me disais que ça devait devenir un film. Il n'est pas le seul à avoir endurer ce sentiment de vide, de peur, ce tabou de la mort.

Matteo cache à son frère qu'il va mourir et agit de manière démesurée envers lui...
Sa grande compassion se traduit pas des gestes incongrus. Le sentiment d'origine est très beau, mais il se transforme en actes totalement incompréhensibles.

Comment décrivez-vous vos personnages ?
Je les aime beaucoup, mais ils me font de la peine. Ils sont très seuls, complexes et plein de défauts. C'est comme s'ils faisaient partie de ma famille. Je trouve qu'ils sont drôles… et les deux acteurs ont fait beaucoup de propositions pendant le tournage. Au début j'avais peur, parce qu'ils se connaissaient à peine. Riccardo Scamarcio et Valerio Mastandrea sont très connus en Italie, mais ils n'ont pas le même background, les mêmes origines ou avis politiques. Et il y a leur ego… J'ai cru que ça allait être un désastre. Par miracle, ils se sont vraiment bien aimés et ça se sent dans le film.

De quel frère êtes-vous la plus proche ?
Matteo, plus qu'Ettore. J'ai une façon vitaliste de vivre, j'ai le désir de m'enchanter. Ettore juge les autres. Moi je les accepte. Je suis plus pour l'extériorisation que l'intériorisation…

Matteo veut tout contrôler, il est dans le culte du physique… C'était une manière pour vous de critiquer le monde actuel ?
Non, d'observer. Critiquer n'est pas dans ma nature. Quelque chose peut ne pas me plaire, mais je ne veux pas porter un jugement dans mes films ou faire la morale. Par exemple, le rapport normalisé aux drogues me dérange, mais si je fais des réflexions, je les fais sans rien ridiculiser.

Dans votre premier film en tant que réalisatrice, Miele, vous abordiez déjà le thème de la mort. Cela vous angoisse ?
Allez savoir pourquoi, je ne l'ai pas fait exprès… Au quotidien, je suis immortelle. C'est quand je me mets à y penser, à réaliser que ça arrivera, que je n'échappe pas à l'angoisse.

Trouvez-vous qu'il est plus difficile de concrétiser ses films quand on est femme ?
C'était plus difficile avant, c'est plus facile maintenant et on verra après. En ce moment, tout le monde veut des réalisatrices, c'est presque la folie ! Netflix arrive à Rome et demande une femme… Mon imaginaire n'est pas à disposition. Il faut faire attention à ça. Je suis très contente que ce soit en train de changer, mais il ne faut pas tomber dans cette image d'animaux sauvages à protéger. Je veux être là parce que je bosse bien, pas parce que je suis femme.

Euforia, de Valeria Golino, en salles le 20 février 2019