Emily Beecham : "Les acteurs boivent beaucoup, ils n'ont aucune structure"

Emily Beecham, talent prometteur du cinéma britannique est Daphné dans le film du même nom. Dans ce premier long-métrage de Peter Mackie Burns, en salles le 2 mai elle ne croit pas en l'amour, boit, fume, couche et lit Slavoj Žižek. Derrière ce cynisme et cette désinvolture affichés se cache une actrice drôle et pétillante.

Emily Beecham : "Les acteurs boivent beaucoup, ils n'ont aucune structure"
© The Bureau - Paname Distribution

Dans Daphné, premier long-métrage de l'Ecossais Peter Mackie Burns, Emily Beecham joue une trentenaire, employée dans un restaurant hype de Londres. Une jeune femme qui court de bars en boîtes une fois la nuit tombée, oscillant entre l'alcool, la drogue et les rencontres sans lendemain. Sous cette carapace teintée de cynisme se cache une jeune femme drôle, sensible, spirituelle et cultivée. Comme Daphné, Emily Beecham nous réserve bien des surprises. En attendant le 2 mai pour la découvrir sur grand écran, voici son interview.

Le Journal des Femmes : Qui est Daphné ?
Emily Beecham : Cette jeune femme qui vit à Londres est belle dans sa manière d'être, non conventionnelle, une je-m’en-foutiste qui s’habille n'importe comment... Elle est le reflet de toute une génération.

Qu'est-ce qui vous a convaincu de participer à ce projet ?
Peter (Mackie Burns, le réalisateur, ndlr) et moi avions déjà l'habitude de tourner des courts-métrages ensemble, où je jouais quasiment tout le temps le même personnage. J'ai toujours apprécié son travail : ses rôles, sa manière de filmer les femmes... Avec lui, les acteurs sont créatifs et performants. Ce rôle-là, je voulais l’interpréter depuis tellement longtemps ! Daphné me rappelle Tilda Swinton dans Julia, une femme tarée, mais brillante et fascinante.

C'était important que l'histoire se situe à Londres ? 
Peter voulait surtout filmer le quartier d'Elephant and Castle, au Sud de la ville. C'est un coin en pleine gentrification. Daphné et ses fréquentations représentent bien le métissage culturel de Londres, Comme elle est distante, déconnectée du monde et sans empathie, les gens n'arrivent pas à la cerner. Si tu es comme ça dans une ville comme Londres, tu peux te sentir très seule. Mais lorsqu'elle essaie de s'intéresser aux gens, de créer des connexions, elle a des moments de bonté. Elle est donc façonnée par son environnement, où son hédonisme est exalté.

Vous êtes-vous inspirée de votre entourage, des personnes que vous connaissez ou de vous, pour incarner Daphné ?
J'ai construit ce personnage en m'inspirant un peu de mes amis et de ma propre expérience. Daphné est quelqu'un de réel. Beaucoup de gens m'ont dit qu'elle leur évoquait une amie, une sœur... Je pense qu'elle représente beaucoup de personnes. Certains voient en elle quelqu'un d'innocent, beaucoup se sentent très proches d'elle. Personnellement, je ne l'ai jamais désapprouvée, je la trouve hyper intéressante et vulnérable. 

Qu'avez-vous en commun ? 
Je me reconnais indéfiniment dans sa manière de vivre, instable. Un acteur ne sait jamais de quoi demain sera fait et souvent cela te rend anxieux, comme dans le film, d'ailleurs. Notre expérience de Londres est similaire.

Dans le film, vous buvez beaucoup… Avez-vous l'impression que votre génération se noie dans la fête (plus que celles d'avant) ?
J'ai l'impression que les jeunes d'aujourd'hui boivent moins... C'est une chose que je faisais plus au début de ma vingtaine. Les acteurs boivent beaucoup car ils ont un mode de vie bohème et n'ont aucune structure. Honnêtement, je ne bois pas tant que ça ! 

Avez-vous connu une phase de doutes, sans savoir ce que vous vouliez faire ?
Quelques années après avoir obtenu mon diplôme à la London Academy of Music and Dramatic Art (LAMDA) je n'étais pas certaine de vouloir rencontrer des réalisateurs et de m'impliquer dans le cinéma indépendant. En plus, mon ancien agent n'était pas intéressé par ce genre, qui ne rapporte pas assez d'argent. Mais il faut oser se lancer et suivre ses envies. J'ai donc d'abord appris derrière la caméra, en passant par l'écriture. J'ai adoré. Convaincue que j'allais rester dans l'industrie, mon nouvel état d'esprit m'a finalement amenée au jeu. Depuis que j'ai eu la chance de rencontrer Peter, je reçois des scénarios intéressants de réalisateurs stimulants.

Qui ou qu'est-ce qui vous a donné envie de faire du cinéma ?
Ma mère m'a initiée au théâtre dès mon plus jeune âge et lorsque j'ai emménagé à Londres, j'ai eu le déclic en allant à la LAMDA.

Vous êtes célèbre pour votre rôle de "La veuve" dans la série Into the Badlands... Plutôt petit ou grand écran ?
Peu importe du moment que le projet me correspond et que le réalisateur est bon. J'aime beaucoup les films car ils permettent de mieux se démarquer. Je ne compte pas les gros budget, qui peuvent être inhibants à cause du nombre de personnes qui prennent les décisions au-dessus... Ne te laissant aucune liberté créative.

Qu'avez-vous appris avec ce film ?
Un peu de cuisine ! J'ai appris pas mal de recettes à base de poisson... Et comme on avait l'autorisation de manger à l'écran, c'était le pied ! 

Vous jouez aussi dans Ave, César!. C'est comment de tourner avec les Frères Coen ?
Très cool ! Ils ont l'habitude de tourner avec les mêmes acteurs, la même équipe technique... C'était une véritable expérience créative où j'ai pu tenter toutes sortes d'improvisations, tant que ça les faisait rire, bien entendu ! J'ai beaucoup apprécié travailler avec eux, ils sont relax, naturels et modestes.

Quelles sont les qualités d'un bon réalisateur ?
Personnellement, j'aime les réalisateurs qui privilégient l'originalité, ceux qui font un travail très syncrétique, c'est le plus intéressant à regarder. J'accorde beaucoup d'importance à ceux qui savent tirer le meilleur des acteurs sans leur mettre trop de pression ou les harceler, ce qui arrive souvent. Avoir une bonne capacité d'adaptation est primordial quand on sait que tous les acteurs sont différents.