Jalil Lespert : "Je ne brûle pas du désir d'être acteur depuis toujours"

Jalil Lespert passe devant la caméra pour donner la réplique à Gemma Arterton en tant que french lover dans "Une Femme Heureuse". Cet acteur et réalisateur passionné nous a parlé de ce qui l'anime, des périodes de doute de sa vie et de son implication en tant que père. Entretien.

Jalil Lespert : "Je ne brûle pas du désir d'être acteur depuis toujours"
© KMBO

Le Journal des Femmes : Qui est Philippe ?
Jalil Lespert : Ils sont un peu similaires avec Tara. Je me raconte que comme elle, il s'ennuie dans sa vie, qu'il a besoin d'autre chose. On ne sait pas trop qui il est. Ils se bâtissent une parenthèse enchantée sur un tissu de mensonges. Ils s'inventent une romance possible, qui aurait pu marcher. J'ai eu besoin de me raconter tout ça pour ne pas en faire un portrait trop dégueulasse. J'aime avoir un minimum d'empathie et de compréhension pour mes personnages.

Maintenant que vous êtes réalisateur, ce n'est pas trop difficile de reprendre une place d'acteur ?
Quand on est acteur depuis longtemps, il y a des périodes de vie où on fait des films juste pour gagner sa vie. Moi, j'ai la chance que ça reste ludique. J'ai de plus en plus le trac. Acteur, c'est comme sportif : plus tu as de temps de jeu plus, tu t'aguerris. Il faut pratiquer régulièrement pour être le plus efficace techniquement. A chaque fois que j'y retourne, j'appréhende. Puis, très vite, je suis pris par le simple plaisir de jouer, de participer à une histoire et de la raconter avec d'autres. Plus c'est différent, mieux je me porte.

Avez-vous déjà eu le sentiment de passer à coté de votre vie ?
C'est un sentiment partagé par tous ceux qui vivent en couple et qui ont des vies de famille, à des degrés différents. C'est parfois extrêmement sombre. J'ai divorcé, donc j'ai eu un moment où je n'étais pas heureux. On connait tous ce sentiment. Une Femme Heureuse, c'est une histoire universelle et profonde. J'aime beaucoup l'idée de traiter de la simplicité, du quotidien, avec des personnages ancrés dans le réel.

En voyant le film, vous êtes-vous interrogé sur la place de la femme ?
Notre génération partage beaucoup plus les tâches domestiques. J'ai une famille nombreuse et je ne peux pas envisager de ne pas m'investir. Les femmes en font beaucoup plus entre le rôle de mère, l'aspect professionnel, familial… C'est une charge de travail colossale. Tout le monde sait que leurs carrières en pâtissent. Dans le film, Tara n'a pas d'accomplissement personnel, or c'est la chose la plus importante dans la vie. Avoir son monde à soi, un jardin à cultiver tous les jours.

De quoi avez-vous besoin pour être épanoui ?
J'ai une passion et que j'ai la chance d'en vivre. Ce qui n'est pas le cas de 80% des gens. Comment se contenter de vivre une vie non-choisie, dans laquelle on est ferrés par les responsabilités ? Ce qui me sauve, et ma compagne aussi, c'est le sentiment d'avoir une vie de famille et un couple auxquels ont tient profondément, et en parallèle, nos vies à nous.

Qu'est-ce qui vous a amené au cinéma ?
Je me serais peut-être retrouvé dans la situation de Tara…  Je voulais faire philo ou socio, mais je me suis dit que je ne pourrais pas gagner ma vie (sourire).., alors je me suis tourné vers le droit. J'ai eu la chance de faire un court-métrage l'année du bac et qu'on me propose ensuite un rôle dans un téléfilm Arte pendant ma première année de droit. J'ai réalisé que je ne pouvais pas passer à côté de ça. J'avais 20 ans, j'aurais regretté de ne pas tenter le coup. Je ne brûle pas du désir d'être acteur depuis toujours. C'était de l'opportunisme, poussé par mon amour du cinéma.

Faites-vous attention à la représentation des femmes dans vos films ?
Ce n'est pas un leitmotiv, ni au cœur de mes films. Je suis d'origine franco-algérienne et inconsciemment, j'ai souvent envie de filmer une France qui me ressemble, métissée. Filmer des hommes me met plus à l'aise, parce que je me projette naturellement. J'essaie d'avoir un regard universel sur mes personnages. Je me dis que les êtres humains pensent, agissent, fonctionnent de la même manière. Les héroïnes sont de plus en plus présentes sur petit et grand écran. Les cinéastes français les plus intéressants du moment sont des femmes. C'est bien que ça change. Je le vois avec mes enfants : ils ont moins ce rapport hommes-femmes marqué, même dans leur vision du sexe hétéro ou homo… Il y a une plus grande ouverture d'esprit et c'est tant mieux.

Si vous deviez prendre la fuite : où iriez-vous et pour quoi faire ?
J'irais au soleil pour le sentir sur ma peau et faire des sieste. J'adore être écrasé de chaleur.

Une Femme Heureuse, avec Gemma Arterton et Jalil Lespert. Au cinéma le 25 avril 2018.