Raphaël Personnaz : "Je déteste les donneurs de leçon"

Pour la première fois de sa carrière, Raphaël Personnaz prête sa voix à un personnage de film d'animation. Et pour son baptême, il double le personnage de Weedon Scott, le shérif valeureux de "Croc-Blanc". Adapté du roman éponyme de Jack London, le film réalisé par Alexandre Espigares sort au cinéma le 28 mars. L'occasion de rencontrer le comédien et d'en savoir plus sur son rêve de gamin.

Raphaël Personnaz : "Je déteste les donneurs de leçon"
© Shaine Laverdiere

On l'avait vu en duc d'Anjou dans La Princesse de Montpensier, en marin amoureux dans Marius et Fanny ou encore en inspecteur de la police judiciaire dans L'Affaire SK1. Raphaël Personnaz crève l'écran, mais se démarque aussi sur les planches. Il ne lui manquait plus qu'une corde à ajouter à son arc : le doublage. C'est avec Croc-Blanc, le nouveau film d'animation d'Alexandre Espigares, en salles le 28 mars, que le comédien aux yeux bleu azur a prêté pour la première fois sa voix à un personnage. Une expérience sur laquelle il est revenu pour nous tout en décontraction et sympathie.

Le Journal des Femmes : Pourquoi avoir accepté de rejoindre l'aventure Croc-Blanc ?
Raphaël Personnaz : Le producteur, avec lequel j'avais déjà travaillé, m'a appelé pour me demander si je voulais faire une voix sur Croc-Blanc. Je n'avais jamais fait de doublage donc j'étais super content de tenter l'expérience. J'avais lu Croc-Blanc à l'âge de 10 ans et j'avais vu l'adaptation avec Ethan Hawke. Lors d'un tournage en Sibérie, j'ai relu le livre. Les thèmes qui y sont abordés m'ont toujours parlé : le roman initiatique, l'aventure, les grands espaces… C'est un peu la combinaison de toutes ces choses qui m'a motivé.

Qu'est-ce qui vous a plu dans l'expérience du doublage ?
J'ai eu la chance de le faire en même temps que Virginie Efira, que je connaissais déjà. Cela m'a mis à l'aise. Dans un film d'animation, le dessin est déjà tracé, tout est déjà créé donc il faut s'adapter. Il faut essayer de trouver une liberté pour s'amuser un peu et faire que ce rêve de gamin soit un jeu d'enfant. Certes, c'est dans un studio, c'est assez confiné, mais c'est le terrain de jeu qu'on doit adopter. J'ai vraiment adoré et le simple fait de me dire que des enfants que je connais vont reconnaître ma voix me rend content.

Quel est le travail que vous avez du fournir ? 
Comme je faisais la voix d'un homme, je n'avais pas trop à la transformer. Mais comme tout notre jeu passe par la voix, on y est beaucoup plus attentif. C'est un processus un peu inconscient qui se fait sur le moment. Il ne faut pas que ça soit trop préparé. C'est comme un enfant lorsqu'il s'amuse : si on le laisse libre, il va sortir des trucs qui n'étaient pas prévus et qui seront biens.

Dans un film d'animation, l'acteur n'est qu'une voix. Est-ce que cela fait du bien quand tout ne repose pas sur l'image ?
Oui, bien sûr. Paradoxalement, on commence ce métier pour s'oublier soi :  on se montre, mais on a en même temps l'impression de se cacher. Il faut trouver le juste équilibre.  L'animation c'est pas mal pour ça, on y est plus libre. J'aime beaucoup Vincent Cassel et Elie Semoun dans L'Age de Glace, car ils se permettent pleins de trucs. Ils s'amusent et c'est agréable d'entendre cela.

Est-ce que vous vous souciez de l'image que vous renvoyez ? 
Pas du tout et je ne sais pas quelle image on a de moi. Pour être honnête, je m'en fiche un peu, parce que si on se fie à l'avis des autres, on en devient prisonnier.

Qu'est-ce qui vous a marqué dans Croc-Blanc ?
C'est une des premières fois où l'on a un roman qui donne le point de vue d'un animal. Je trouve que c'est assez bien restitué dans le film, car il n'y a pas d'animaux qui parlent. Croc-Blanc nous parle du génocide amérindien et donc de la violence, de la cruauté et d'un monde à l'intérieur duquel émergent des personnages bons. Jack London questionne aussi notre place d'homme à l'intérieur de la nature. C'était révolutionnaire dans cette Amérique conquérante où il fallait tout domestiquer. Il nous appelle à un peu plus de modestie et même aujourd'hui, c'est pas mal d'avoir ce discours-là.

Vous sentez-vous proche de Weedon Scott, le personnage que vous doublez dans Croc-Blanc ? 
Cet homme-là est parfait donc on aimerait tous être comme lui. Il est valeureux, sans peur et sans reproche. Mais non, je ne suis pas comme ça. Le couple qu'il forme avec Maggie est assez étonnant et harmonieux. Il y a une forme de respect entre eux que j'aime bien, car ils sont exactement au même niveau. Ils ont quelque chose d'assez idéaliste et j'aime bien ce genre de figures. C'est très touchant.

Croc-Blanc sera diffusé dans les écoles : en quoi les films sont-ils un moyen pédagogique efficace ?
Il est nécessaire de donner une forme d'éducation à l'image et d'arriver à expliquer aux enfants ce que veulent dire les images et ce qu'elles peuvent engendrer. Ce film va peut-être provoquer des moments de peur chez les plus petits. Il faudra leur faire comprendre que cela ne représente qu'une forme de réalité. De savoir que tout ne sera pas facile et que tout le monde ne sera pas gentil est une parole importante et juste.

Est-ce important pour vous de véhiculer un message à travers vos films ?
Oui, mais pas forcément un message appuyé. Dans Les Forêts de Sibérie, il y avait sans doute un discours écologique. Mais à la lecture du scénario, je me suis juste dit : "C'est une bonne histoire". Un film doit rester un film. Si parfois il peut véhiculer de bonnes choses, tant mieux, mais il n'y a pas que cela.

Quelles causes vous tiennent particulièrement à cœur ?
La cause de la nature. Tous les animaux ne s'aiment pas entre eux et certains en chassent d'autres. Je suis pour ce juste équilibre-là. Je n'aime pas quand il y a trop d'extrêmes. Je soutiens aussi une association au Cambodge. Ce sont surtout des engagements personnels. Mais je déteste les donneurs de leçon.

Vous êtes à nouveau à l'affiche de Vous n'aurez pas ma haine (récit du journaliste Antoine Leiris après la mort de sa femme au Bataclan, ndlr) au Théâtre de l'œuvre : comment abordez-vous ce sujet ?
C'est compliqué de dire quelle est ma légitimité pour aller sur scène et dire ces mots. C'est un long chemin. Au départ, je ne voulais pas du tout faire la pièce. Le metteur en scène avait exactement les mêmes craintes que moi, ce qui m'a rassuré. Antoine Leiris n'est pas quelqu'un qui parle des attentats comme tout le monde. Il nous parle de l'absence, du deuil, de l'après. Il nous parle de la façon dont on élève un petit garçon. Cet exemple-là, dans un moment de déchaînement de la violence, est humble, mais dérisoire. Il ne lui reste que les mots, qui sont un écran entre lui et sa douleur. Je trouve que restituer cette parole-là n'est en rien voyeuriste. Dire les mots d'Antoine Leiris, ce n'est pas un acte politique mais ça peut remplir le crâne des gens. Je ne comprends pas les gens qui disent aller au cinéma ou au théâtre pour se vider la tête. La culture n'est pas un mot sale, c'est une belle chose dont il faut se saisir. Il faut réintroduire du sens dans ce qu'on fait.

Votre film d'animation préféré ?
Wall E.

Votre livre d'enfant préféré ?
Le Voyage de Nils Holgersson. C'est l'histoire d'un garçon qui voyage avec des oiseaux migrateurs.

Quelle aventure aimeriez-vous vivre ?
J'aimerais faire un voyage en Pentagonie.

Quelle est votre plus grande peur ?
Les serpents.

Si vous deviez vous réincarner en animal, lequel serait-ce ? 
En dauphin.

Devant quoi seriez-vous prêts à montrer les crocs ?
L'humiliation.

Croc-Blanc d'Alexandre Espigares, en salles le 28 mars, avec les voix de Virginie Efira et Raphaël Personnaz (1h20).