Lisa Immordino Vreeland : "Peggy Guggenheim a permis à de nombreux artistes de s'exprimer"

A l'occasion de la sortie du documentaire "Peggy Guggenheim, la collectionneuse", en salles le 26 juillet, nous avons rencontré la réalisatrice Lisa Immordino Vreeland pour en apprendre un peu plus sur la femme qui a révolutionné la façon de collectionner l'art moderne. Interview.

Lisa Immordino Vreeland : "Peggy Guggenheim a permis à de nombreux artistes de s'exprimer"
© Neil Rasmus/BFA/Shutter/SIPA

Après le succès de son premier documentaire Diana Vreeland : The eyes has to travel, Lisa Immordino Vreeland dresse le portrait intime d'une autre femme influente, issue cette fois-ci du milieu de l'art : Peggy Guggenheim. A travers de nombreuses images d'archives, témoignages et interviews, la réalisatrice dévoile le courage et l'audace d'une collectionneuse d'exception qui a côtoyé les plus grands artistes de son temps, à l'instar de Pablo Picasso, Vasily Kandinsky ou encore Max Ernst...

Le Journal des Femmes : Pourquoi avoir choisi de réaliser un documentaire sur Peggy Guggenheim ?
Lisa Immordino Vreeland : J'étais intéressée par son histoire et curieuse des choix qu'elle a fait. J'aime beaucoup ces femmes qui choisissent de réinventer leur vie.

Vous n'avez pas seulement choisi de parler de son talent en tant que collectionneuse, mais bel et bien de créer un portrait intime. Pourquoi avoir fait ce choix ?
C'était important pour moi car c'est grâce à son histoire personnelle que l'on comprend pourquoi elle avait une personnalité si spéciale et complètement détachée. Le manque d'amour de la part de ses parents s'est traduit en un manque de confiance en elle, une fois adulte. Elle s'est lancée dans l'art et a créé sa collection car elle se cherchait. 

Votre projet était-il déjà lancé lorsque vous avez retrouvé les cassettes de son ultime interview ?
Oui. Au début, je pensais engager une actrice pour faire la voix de Peggy tout en restant fidèle à la personne et à ses paroles. C'est en tombant par hasard sur les cassettes que j'ai décidé de les utiliser pour ce documentaire, en dépit de leur mauvaise qualité.

Dites nous en un peu plus sur le choix des intervenants, très hétéroclite...
J'avais besoin de sélectionner des personnes à la fois familières avec Peggy, mais aussi avec l'art et l'époque. Le choix des intervenants était presque immédiat et très clair, notamment pour la directrice de la collection Guggenheim de Venise, Karole Vail. Je crois d'ailleurs qu'aucune des personnes à qui j'ai demandé de participer a refusé.  

Qu'est ce qui vous attire chez Peggy Guggenheim ? 
Son côté rebelle, ainsi que son courage. En tant que femme, elle a fait des choix qu'elle seule osait faire à l'époque. Elle a quitté sa mère, sa vie new-yorkaise, pour vivre son rêve ailleurs et s'imposer dans le milieu de l'art.

Pensez-vous que Peggy Guggenheim se considérait comme féministe ? 
J'aimerais le penser, mais je ne crois pas. C'était une femme importante qui a eu la possibilité de prendre beaucoup de risques car elle en avait les moyens financiers. Néanmoins, elle possèdait cette liberté de faire beaucoup de choses car elle était très indépendante.

Comment a-t-elle réussi à s'imposer aussi bien dans le monde de l'art ?
C'était quelqu'un de très ouvert et doué et qui je pense a eu la chance de se trouver au bon endroit au bon moment.

Vous avez déclaré dans une précédente interview que Peggy Guggenheim était une figure centrale de l'art moderne. En quoi l'était-elle selon vous ?
Elle a permis à de nombreux artistes de s'exprimer de manière différente. C'est à la suite de ses encouragements que Robert Motherwell a commencé à créer des collages. Il en est de même pour Jackson Pollock à qui elle a offert sa toute première exposition, le propulsant ainsi sur le devant de la scène artistique. Puis, avec l'exposition de sa collection à la Biennale de Venise en 1948, beaucoup d'artistes italiens ont vu pour la première fois un Kandinsky en couleur ou bien des peintures hors-normes, les encourageant à faire de même par la suite.

Sa manière de collectionner l'art et de l'exposer était très moderne et visionnaire pour l'époque. Aurait-elle influencé toute une génération de collectionneur ?
Complètement. Avec sa galerie Guggenheim Jeune de Londres et l'exposition The Art of the Century à New York, Peggy invitait le spectateur à vivre une expérience, à ressentir l'art, le toucher par exemple. Il ne s'agissait pas seulement de contempler des œuvres. 

Elle ne cachait pas sont goût pour les hommes et le sexe...
Ce qui était complètement risqué et choquant pour l'époque, mais elle s'en fichait. En ça, elle était très courageuse.

Quel homme ou artiste aura le plus influencé Peggy Guggenheim dans sa vie personnelle comme dans sa carrière?
Beaucoup d'hommes l'ont influencée, tous à des périodes différentes de sa vie. Marcel Duchamps a toujours été la pour elle, c'est lui qui l'a aidé à installer sa galerie à Londres. Elle était aussi très attaché à son mari Max Ernst, surtout après leur rupture.

Êtes-vous, vous aussi, une collectionneuse d'art ?
Oui, mais raisonnablement. J'adore l'art car j'y trouve encore beaucoup d'inspiration. Je possède de nombreuses photographies et tableaux que je serais incapable de vendre. 

Peggy Guggenheim, la collectionneuse, un documentaire de Lisa Immodino Vreeland. En salles le 26 juillet 2017 (1h36).