K.O. : Laurent Lafitte et Chiara Mastroianni, maestros pas paranos

Dans "K.O.", Laurent Lafitte incarne un puissant patron perdu entre fantasme et réalité après s'être pris une balle... ou avoir fait une crise cardiaque ? Embarqué dans un délire paranoïaque, l'homme d'affaires va perdre pied, tenter de récupérer son job et essayer de reconquérir sa femme, interprétée par Chiara Mastroianni. Rencontre bien réelle avec deux immenses comédiens.

K.O. : Laurent Lafitte et Chiara Mastroianni, maestros pas paranos
© Wild Bunch Distribution

Le Journal des Femmes : Laurent, vous jouez un homme arrogant et sûr de lui, chamboulé mais qui le montre peu. Ça vous a plu de jouer sur le fil ?
Laurent Lafitte : Je ne pense pas être arrogant et antipathique à la ville, mais ce n'est pas la chose la plus difficile à jouer pour moi (rires). Mon personnage vit un effondrement intérieur. Comme si on venait vous annoncer que vous êtes amnésique. Vous essayez de comprendre, de remettre en place les pièces du puzzle...

Chiara Mastroianni : J'adore l'acteur qui précise "dans la vie je ne suis pas comme ça !" (rires). Ce qui arrive à Laurent dans le film est spectaculaire, mais c'est ce qui peut arriver à tout le monde. C'est ce qu'on ressent quand on se fait larguer, qu'on se demande si on a un jour vraiment connu l'autre, etc. On tombe dans un délire parano, on croit que tout le monde s'est ligué contre nous.

Vous êtes devenus paranoïaques sur le tournage ?
C. M. : On rendait les autres parano surtout ! On ricanait en regardant les gens. Surtout en regardant Fabrice, le réalisateur d'ailleurs ! Mais non, je ne me suis pas sentie parano. C'était un tournage heureux.

L.L. : On est toujours un peu parano sur les tournages, non ? En tant que comédien, on est au centre d'un dispositif qu'on ne contrôle pas. Tout le monde nous regarde, a un avis sur ce qu'on est en train de faire. Si on a tendance à être parano, disons que c'est un bon terrain.

Et dans la vie, êtes-vous flippé de l'image que vous renvoyez ?
C.M. : Ca dépend des circonstances. En interview je fais attention, j'essaie de ne pas trop me censurer, sans partir en roue libre. Ça m'est déjà arrivé de parler de choses intimes et de regretter ensuite.

L.L. : Parfois, je peux être parano sur les intentions des gens que je rencontre pour la première fois.

Ça vous plait de jouer avec les nerfs des gens ?
C.M. : J'adore l'idée selon laquelle les apparences ne sont pas ce qu'on croit. On n'a pas la garantie que ça fonctionne, mais si vous avez souffert on est très contents. Comme pour les films tristes où les gens disent "qu'est-ce que j'ai pleuré"... Nous en sommes ravis !

Vous aimez l'improvisation ou vous préférez suivre le scénario à la lettre ?
L.L. : Sur les comédies, j'aime me sentir libre, mais que ça reste cadré, précis. L'improvisation peut vite se sentir. On voit la différence entre les scènes écrites et celles improvisées et ça crée un décrochage. J'aime sentir que le réalisateur sait ce qu'il fait et qu'il ne perd pas le contrôle de son film. Ça me rassure.

C.M. : Moi aussi. C'est marrant, mais je n'ai quasiment jamais fait d'improvisation. Plus on sent le metteur en scène, mieux c'est, sinon j'ai l'impression qu'il n'y a pas de squelette et ça m'angoisse. Je préfère être tenue.

Sur la réussite : vous avez peur que ça s'arrête du jour au lendemain ?
L.L. : Je n'ai pas l'angoisse de la perte du statut, mais celle de ne plus pouvoir jouer. J'ai peur de ne plus m'amuser, d'éprouver moins de plaisir ou de ne plus recevoir de propositions nouvelles.

C.M. : Moi je n'ai aucune sensation de statut. J'ai plutôt l'angoisse de la vieillesse parce qu'on sait qu'il y a moins de rôles pour les femmes. J'ai une forme d'inconscience, je n'arrive pas du tout à me projeter dans l'avenir. Sur le nombre de propositions que je reçois, en général c'est stable : j'en ai très peu (rires) ! J'ai l'angoisse de ne plus pouvoir continuer à faire les films que j'aime parce qu'il y a tellement de sorties par semaine que les petits budgets sont noyés. Et sinon, j'ai peur de choses plus générales comme vieillir seule.

L.L. : Ca n'empêche pas, tu peux avoir cette angoisse en plus (rires) ! Vivre seule, sans scénario.

Si votre vie devait basculer du jour au lendemain, quelle serait la pire situation pour vous ?
C.M. :
 La dépendance ! On nous dit qu'on peut vivre jusqu'à 100 ans, mais dans quel état ? Je connais des personnes très âgées en bonne santé qui ne peuvent plus lire par exemple. Je n'aimerais pas vivre ça. Et toi, tu te réveilles en Nabilla, t'imagines ?!

L.L. : Figure-toi que ça m'intéresserait ! Être une femme pour quelques jours...

C.M. : Etre confondu avec son personnage, voilà la pire angoisse. J'ai joué un rôle où je n'étais pas très réglo. Eh bien je connais quelqu'un qui est allé voir le film et qui n'a pas pu m'appeler avant le lendemain en me disant qu'il n'arrivait plus à faire la distinction avec le personnage. Comme quand on fait un cauchemar avec quelqu'un et que le lendemain, on lui en veut alors qu'il n'y est pour rien.